C’est un débat houleux, car les avis divergent. En octobre 2021, lors de la clôture du 40e Congrès Fédéral du PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol), Pedro Sánchez, le président du gouvernement, s’est en effet engagé à abolir la prostitution d’ici la fin de sa législature en 2023.
Le statut alégal de la prostitution en Espagne
En Espagne, la prostitution est alégale. C’est-à-dire qu’elle n’est ni interdite par le Code pénal, ni encadrée par une loi. De facto, elle est donc autorisée ; seuls le proxénétisme et le trafic de personnes sont interdits.
Le pays est notamment connu pour ses nombreuses maisons closes : le marché de la prostitution y est l’un des plus importants d’Europe. Selon un rapport de l’ONU de 2019, presque 40% des Espagnols admettent avoir déjà eu une relation sexuelle tarifée.
En abolissant la prostitution, le gouvernement socialiste souhaite lutter contre la traite d’êtres humains. Et sans surprise, ce projet ne fait pas l’unanimité.
Vers une pénalisation des clients de la prostitution en Espagne ?
Selon Carmen Calvo, ex vice-présidente du gouvernement et présidente de la Commission d’égalité au Congrès des députés, le débat sera résolu grâce à « des lois qui obligent, des lois qui interdisent, des lois qui ordonnent et mettent chaque partie devant son propre miroir » — en prévoyant notamment des amendes pour les clients et clientes.
Néanmoins, au sein même du gouvernement de coalition, les désaccords sur la question sont nombreux.
La gauche radicale, Podemos, est majoritairement en faveur de la régularisation et souhaiterait la création d’un « cadre juridique qui protégerait ceux et celles qui pratiquent cette profession » face à « l’impossibilité d’y mettre un terme définitif ».
Les travailleuses du sexe vent debout pour être inclues dans les débats
Depuis que ce projet de loi figure sur la liste des priorités de l’exécutif, les collectifs de travailleurs et travailleuses du sexe exigent d’être écoutés.
Le 22 octobre dernier, une centaine de personnes ont manifesté sur la Puerta del Sol, place centrale madrilène, afin de faire savoir qu’elles ne laisseront pas le gouvernement de coalition « légiférer sur leurs vies », scandant « Rien sur les prostituées sans les prostituées » (selon certains chiffres, 600 000 personnes se prostitueraient aujourd’hui en Espagne).
Selon les principaux syndicats, abolir la prostitution condamnerait les travailleurs et travailleuses du sexe à la précarité et à plus de clandestinité — alors que 80% d’entre elles et eux seraient déjà en situation irrégulière.
« L’abolition est inhumaine parce que cela reviendrait à persécuter, maltraiter et criminaliser les femmes qui se prostituent », selon Maria Jose Barrera, fondatrice du collectif des prostituées de Séville.
Et en France ?
Selon une étude de Psytel, commandée par le mouvement du nid en 2012, la France compterait entre 30 000 et 44 000 personnes prostituées — dont 85% de femmes (clé de répartition arbitraire que Psytel a choisie car il n’y a pas de données tangibles sur la répartition). Selon la mission d’information parlementaire sur la prostitution en France, datant de 2011, ce chiffre pourrait être sous-évalué.
En France, la loi interdit le recours aux services d’une personne qui se prostitue et pénalise les clients ; si la prostitution reste une activité libre, elle n’est ni interdite, ni très contrôlée car elle relève de la sphère privée.
Le STRASS, l’un des principaux syndicat du travail sexuel, observe dernièrement « un glissement de l’abolitionnisme vers le prohibitionnisme » et se bat « contre la criminalisation du travail sexuel et pour l’application du droit commun aux travailleurs et travailleuses du sexe ».
Selon le syndicat, de nombreuses violences pourraient être évitées si les personnes prostituées exerçaient dans un contexte décriminalisé. Ce n’est pas le chemin qu’a pris la France ; reste à voir vers où se dirigera l’Espagne.
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Crédit de une : Ehimetalor Akhere Unuabona / Pexels
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