(Chers émétophobes qui seraient arrivés sur cette page en croyant y trouver le salut, sachez que vous y retrouverez le mot « vomi » (ainsi que ses synonymes) un bon nombre de fois. Considérez que cet article a pour but de servir des vertus thérapeutiques. J’previens, solidarité mes frères, big up, on se serre les coudes)
Publié initialement le 19 avril 2011
L’émétophobie : qu’est ce que c’est ?
Au lieu d’avoir le vertige, une tendance claustro ou même je sais pas moi, peur de prendre l’avion (ah merde, ça je l’ai un peu aussi hohoho), j’ai choisi la filière émétophobie. J’ai peur de vomir. La lose hein ? Non mais ça aurait pu être pire, j’aurais pu avoir peur de respirer.
Alors souvent, quand j’annonce ça, je suis bombardée de regards incrédules mais aussi de réponses comme “AH MAIS MOI AUSSI !” qui me donnent un peu d’espoir : je ne suis pas seule ! Mais c’est généralement suivi par “ouais non mais j’te comprends, moi aussi, quand je vois quelqu’un vomir, je vomis”. Ah ouais. Mais non. C’est un peu plus compliqué que ça (j’ai un côté hipster quand je parle de ma phobie, façon “non mais tu peux pas compreeendre, han”).
Moi quand je vois quelqu’un vomir, je me roule en boule dans un coin, je tremble, je pleure, je fais une crise d’angoisse interminable et j’y pense pendant des semaines. C’est une peur paralysante difficile à faire comprendre à ses congénères, qui parviennent difficilement à concevoir qu’on puisse avoir peur d’un truc aussi naturel et banal. Le jour où quelqu’un me fera une crise d’angoisse quand j’éternuerai, j’pense que ça me fera relativiser un bon coup.
Émétophobie : mode d’emploi
J’ai réellement peur du vomi, peur de rendre, et tout ce que ça implique, c’est à dire : peur des nausées, des manèges à sensation, des voyages en voiture ou en bateau, des épidémies de gastro, de trop boire, des gens bourrés, des aliments pas frais, des médicaments, etc. La liste est longue.
C’est pas une phobie marrante, parce qu’il se passe rarement une journée sans que j’y sois confrontée. Par exemple, quand je sors le lait du frigo, même si j’ai ouvert la bouteille la veille, je suis prise d’une montée d’angoisse. “Et si il était plus bon ? Peut-être qu’il a tourné… Ça sent bizarre quand même… P’têt j’vais mourir !” sachant que le lait, même ultra frais, a une odeur forte de maladie (ça n’engage que moi).
Du coup, jusqu’à il y a quelques mois, si je ne buvais pas la bouteille de lait dans la journée, elle finissait à la poubelle. Maintenant je n’achète que des bouteilles de 50cl, et du lait bio (depuis que j’ai fait une expérience : faire bouillir du lait bio qui était dans une bouteille ouverte depuis plus de deux semaines sans le voir cailler). Je traite toujours mes bouteilles de lait comme si c’étaient des produits radioactifs hyper dangereux. J’ai trop l’impression d’être Indiana Jones quand je mange des céréales.
L’émétophobie : une phobie-ceinture de sécurité
Pendant les soirées, je suis insupportable. Si quelqu’un est bourré au point de bafouiller, tituber, s’endormir sur sa chaise, je le fuis comme la peste et je n’éprouve plus que du mépris pour lui pendant au moins 48 heures. Je passe dans le même temps pour la grosse casse-burnes de service. Normal. « NAN MAIS FRANCHEMENT SE METTRE VOLONTAIREMENT DANS DES ÉTATS PAREILS MAIS MOI J’COMPRENDS PAS C’EST LA-MEN-TABLE ! ».
Je suis en réalité jalouse de ceux qui peuvent se mettre une mine sans flipper et qui arrivent même à s’enfoncer un doigt dans la gorge quand ça va pas et hop làààà c’est repartiiii pump it up WOOHOO. Salauds.
D’un autre côté, ma phobie m’a servi de ceinture de sécurité. A l’époque où je prenais de tout, tout le temps, sans modération, je ne m’en inquiétais pas plus que ça, jusqu’au jour où j’ai fait mon premier et dernier bad trip. J’avais 16 ans, et j’ai passé trois heures dans une salle de bains, accroupie à côté des toilettes en répétant inlassablement “faut pas que j’vomisse, faut pas que j’vomisse, faut pas que j’vomisse…”.
Je n’ai point dégobillé, j’ai dormi sur le tapis de bain en pleurant doucement et en appelant ma mère. Trois semaines après, j’ai pris la décision de tout arrêter et traversé la majeure partie de mon adolescence sans avaler une goutte d’alcool ni tirer sur un seul joint. C’était GROOVY, la seule gogole avec un verre de coca en soirée goth, j’peux vous dire que ça m’donnait l’air vachement cool.
Think different, y disaient.
J’ai tout repris à 20 ans et depuis ça va mieux, je me suis réconciliée avec l’alcool consommé avec modération et je suis bien contente de pouvoir à nouveau danser sur les tables sans me tenir le ventre, l’air moitié-foncedé, moitié-inquiet. Je connais mes limites et ne les dépasse jamais, mais je ne flippe plus quand je suis bourrée.
L’émétophobie : la confrontation (avec une voix de bande-annonce)
Le plus chiant dans cette histoire, c’est que je suis incapable de remonter aux sources de cette phobie. Je me revois à 4 ans me lever en pleine nuit pour me gerber dessus, et laisser toute une traînée dans le couloir avant d’aller rejoindre mon père pour dormir avec lui, pas du tout perturbée par ma chemise de nuit recouverte de mon repas de la veille (coucou papa ! c’était cool ton réveil ?).
C’est arrivé plus tard, vers la fin de l’école primaire je pense, et je ne sais toujours pas d’où ça vient – ce qui doit sûrement être une des raisons pour lesquelles je ne parviens pas à m’en débarrasser.
Ma dernière vraie crise d’angoisse remonte à mes 20 ans, je me souviens avoir fait une crise tellement violente que j’avais des spasmes qui me soulevaient du lit, façon L’Exorciste.
« Ça va un peu pas très très bien »
Quelques semaines plus tard, j’en ai refait une après m’être gavée de poivrons à l’huile et cette fois j’ai senti que j’y couperais pas. Je pense sincèrement que cette soudaine envie de bouffer 500 grammes de poivrons en rajoutant sans cesse de l’huile et du vinaigre était un message de mon inconscient, fatigué de ces années de lutte contre ma phobie. Je l’entendais presque me hurler « TIENS BOUFFE CONNASSE ! TU FERAS MOINS LA MALIGNE DANS UNE HEURE ET ÇA VA T’CALMER UNE BONNE FOIS POUR TOUTES ! ».
Après deux heures d’allers-retours dans le couloir à m’asseoir un peu n’importe où en essayant de reprendre mon souffle, je me suis assise sur mon lit, j’ai attaché mes cheveux, je me suis accrochée aux montants et je me suis dit “c’est parti, c’est le grand jour, accroche-toi ma poule, on y va !”. Et j’ai tout rendu. J’ai regardé ce truc par terre et ma tête a repris la parole : “souviens-toi, ça vient toujours par deux, courage !”. Après la deuxième offensive, j’ai admiré mon chef d’oeuvre, explosé de rire, et puis je me suis évanouie. Je n’avais pas vomi depuis 1999.
« Si tu pokémones, pokémone là d’dans ! »
Depuis, je n’ai plus refait de crise d’angoisse. Ça m’arrive de la sentir venir, et de me dire immédiatement “calmos ma grosse, tu sais que c’est pas si grave au final, au pire t’expédies ça vite fait et tu feras un gros dodo réparateur, et demain on en parlera plus !”. J’ai toujours le réflexe de m’attacher les cheveux, au cas où. Je ne pleure plus quand je vois quelqu’un vomir à la télé, je ne m’écroule pas quand on dit le mot “vomi” devant moi (à une époque, des potes avait remplacé le verbe vomir par “pokémoner” dans leurs conversations, pour faire passer le truc), bref, ça va mieux.
Mais quand je sens la nausée monter, je me rends bien compte que j’ai pas fini d’en baver, ça me fout toujours une trouille mémorable. Le pire restant quand même le fait de voir quelqu’un vomir en vrai. Ça, je suis loin de l’avoir surmonté. Mes potes en sont encore à se jeter sur moi pour m’entrainer loin d’un désastre imminent, comme on évacue une victime d’un effondrement. Ce sont mes pompiers à moi, mes soldats du vomi.
Mais quand je vois à quel point ça a évolué depuis quelques années, ça me permet d’appréhender la chose avec plus de sérénité. J’ai vu un pote émétophobe s’en sortir complètement en quelques mois, et je sais qu’un jour j’arrêterai de flipper et que j’écouterai mon père quand il me dit “cesse de redouter ce que tu crains”.
En attendant je laisse ma conscience tenir le rôle de Maître Yoda quand je sens une rechute venir, j’ai fini par trouver quelques petites phrases qui me maintiennent du côté non-névrosé de la force et me permettent de garder le contrôle de mon esprit. Ouh yeah.
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Les Commentaires
L'année dernière j'ai fais une dépression car je ne pensais plus qu'à ça... Cela m'a même rendu malade (je ne mangeait plus, dormait plus et ne sortait plus de chez moi...) Et puis j'ai vu un psychiatre qui m'a prescrit des AD, ainsi qu'une psychologue qui m'a beaucoup appris sur comment gérer mes crises d'angoisses... et 6 mois après ça allait beaucoup mieux. Ensuite, j'ai suivi un thérapie avec des séances d'hypnoses, au début cela m'a beaucoup aidé mais au fil du temps l'effet s'estompait...
Aujourd'hui je ne suit plus aucune thérapie, j'ai des crises que rarement, et quand c'est le cas j'arrive à les gérer mieux qu'avant
Il ne faut pas désespérer c'est le plus important. Et surtout, il faut en parler. Pour ma part, ç'a m'a beaucoup aidé d'en parler autour de moi, j'ai même découvert qu'un ami était aussi émétophobe !!
Courage