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J’ai testé pour vous… la pédagogie Freinet

La pédagogie Freinet, Lady Dylan l’a testée entre ses 6 et 10 ans. Elle vous présente ce système pédagogique, et vous raconte avec le recul son apport sur l’adulte qu’elle est devenue – elle a 20 ans.

Article initialement publié le 24 janvier 2012

Quand j’étais petite, je ne saisissais pas pourquoi les enfants n’aimaient pas l’école (en tous cas dans le mythe populaire, avec la chanson « Sacré Charlemagne » et tout le tintouin). J’aimais apprendre mais aussi chanter, peindre, jouer ; l’école me permettait tout ça, pourquoi ne l’aurais-je pas aimé ?

J’ai enfin compris lorsque je suis rentrée au collège et que j’ai commencé à avoir des problèmes avec le système normatif. De six à dix ans, j’ai vécu dans une parenthèse magique qui s’appelait l’école Freinet.

Note de la rédac : L’école Freinet tient son nom de Célestin Freinet, l’inventeur de cette pédagogie. Plus d’infos sur Wikipédia.

Comment la pédagogie Freinet à répondu à mes besoins

Il y avait eu quelques signes avant-coureurs, quand on y pense. En maternelle, la maîtresse pensait que j’étais sourde (je ne lui répondais pas, elle m’embêtait) et j’étais censée ne jamais réussir à lire parce que je ne rattrapais pas les balles.

Ma mère (qui à mon âge était clouée sur un lit d’hôpital… mais savait lire) a donc tout fait pour que je rentre en primaire à l’école Freinet du coin.

À lire aussi : L’école et sa pédagogie parfois absurde – Le dessin de Cy.

Le principe de la pédagogie Freinet, c’est qu’on ne cherche pas à faire rentrer les enfants dans des cases (bien sûr je ne dis pas que tous les professeurs traditionnels le font, mais l’institution porte à le faire).

Il n’y a pas de notes. Mon maître de CE1 a vite accepté que je fasse des constructions en bois pendant les cours – d’autant que je n’avais pas de problème à restituer les connaissances.

Dans la pédagogie Freinet, l’importance d’écouter l’enfant

L’école s’adapte à l’enfant plutôt que d’essayer de le faire rentrer dans un moule. Comme à cet âge-là, je n’avais pas l’intention de m’adapter à grand-chose, cela me convenait tout à fait – je ne pense pas vraiment qu’il y ait des enfants à qui cela ne convienne pas.

Les façons de travailler sont adaptées à cette diversité. Il y avait le temps de travail personnel, pour lequel nous définissions en début de semaine un « contrat » – discuté entre enfant, enseignant et parents – où nous nous fixions des objectifs selon nos capacités.

Ces objectifs concernaient le nombre de fiches (d’exercices) que nous allions faire cette semaine-là, mais nous pouvions aussi prévoir d’écrire des articles pour le journal de l’école, d’aller aider des élèves plus jeunes, d’aller écouter des contes à la bibliothèque…

Il y avait également des ateliers où les classes se mélangeaient et où nous pouvions donc choisir nos activités, les enquêtes (des exposés dont nous choisissions nous-même les thèmes), énormément de sorties…

Liberté, égalité, fraternité : les valeurs de la pédagogie Freinet

Une autre chose très importante dans une école Freinet, c’est que les adultes ne s’y sentent pas supérieurs aux enfants. Tout le monde se tutoie (je n’ai d’ailleurs jamais compris en quoi le vouvoiement était une marque de respect).

Le professeur n’est pas un monstre sacré. En CE1, notre maître criait tout le temps et nous avions fini par convenir d’un gage lorsqu’il se laissait aller aux vocalises

; pris sur le fait, il nous avait donc emmené au parc. Inimaginable !

Nous avions des séances de « coopérative », où nous discutions des problèmes de la classe. Les décisions s’y prenaient à la majorité.

L’éducation à la démocratie et à la citoyenneté est une autre des caractéristiques de la pédagogie Freinet : on y apprend à parler, à écouter, à réfléchir sur les influences sociales et à les remettre en question. (Par exemple, en CM2 nous avions étudié Le Déserteur.)

J’ai été heureuse à l’école parce que j’y ai été libre ; on m’a rarement obligée à faire des choses que je ne voulais pas, j’imagine que la plupart du temps on m’expliquait les raisons des contraintes ; en tous cas je ne l’ai jamais (à mon souvenir) mal vécu.

J’étais libre de faire autre chose quand j’avais fini un exercice, ce qui fait que je ne me suis jamais ennuyée – et je pouvais en profiter pour aider les autres.

Nous pouvions circuler dans les couloirs, nous ne nous mettions pas en rang ; il y avait peu de règles inutiles, de conventions.

Les élèves de la pédagogie Freinet, des cancres insoumis ?

Tant de liberté peut paraître utopique. Laisser les enfants apprendre par eux-même (cette pédagogie se base sur l’apprentissage par tâtonnement) avec des activités ludiques peut être assez inquiétant, tout comme le fait de ne pas avoir de notes (crainte un peu injustifiée, puisqu’il y a quand même des appréciations) ni de devoirs.

On pourrait penser que les enfants qui sortent de cette école sont moins compétents que les autres, inadaptés à la société et réfractaires à l’autorité. Et pourtant…

Les enfants qui sortaient de mon école avaient plutôt de bons, voire de très bons résultats au collège (prenons toutefois en considération le milieu social, il y avait beaucoup d’enfants d’enseignants).

Pour une raison étrange, malgré le temps que nous passions à faire de la sculpture ou à élever des lapins, nous arrivions à avoir le même bagage scolaire que les autres enfants. J’ai une théorie pour ça : nous aimions apprendre.

Il n’y avait pas de pression ou de compétition, juste des connaissances qui nous étaient présentées comme des choses merveilleuses. Et une grosse composante affective – mais elle existe toujours, alors pourquoi la nier ?

Le respect que nous avions pour nos professeurs était une véritable estime, et nous leur obéissions parce qu’ils nous apportaient quelque chose.

Mon école primaire a fait de moi ce que je suis. Pour être plus exacte, je ne sais pas ce que je serais sans elle ; nous étions faites pour nous rencontrer. Je lui dois un certain optimisme sur l’humanité, alors que le reste de ma scolarité m’a encouragé à la misanthropie.

Je lui dois mon goût d’apprendre, encore et toujours. Je lui dois mon esprit critique. Je ne dis pas que je ne les aurais pas si j’avais été dans une école traditionnelle, je sais juste qu’elle m’a permis de grandir en étant heureuse. De me construire en ayant le droit d’être la personne que je suis.

Pour cela, je voulais la remercier.

À lire aussi : Des nouvelles d’Ayla, 15 ans, qui n’a jamais été à l’école !

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Les Commentaires

38
Avatar de PetiteMenade
14 mars 2016 à 09h03
PetiteMenade
Super article. Ça donne envie de retourner sur les bancs de l'école
Et l'enseignement à la maison ? Des témoignages?
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