La scène se passe devant un tribunal d’Oakland, en Californie. À l’intérieur se tient l’audience préliminaire dans le cadre du procès de l’auteur du meurtre de Steven Taylor, un homme noir de 33 ans tué par deux policiers blancs dans un magasin Walmart le 18 avril 2020.
Steven Taylor souffrait de schizophrénie et avait eu une crise. Au lieu de recevoir de l’aide, il a été abattu.
Le comité Justice pour Steven Taylor et l’Anti Police-Terror Project se sont donc réunis avec banderoles et pancartes sur les marches du tribunal ce mardi 29 juin.
Les échanges entre manifestants et policiers sont relativement cordiaux, comme le montre la vidéo de l’Anti Police-Terror Project. C’est alors que le shérif présent sort son portable… et les premières notes de Blank Space, la célèbre chanson de Taylor Swift, retentissent soudain.
Personnellement, je n’ai pas compris tout de suite. Ce n’est que lorsque l’une des manifestantes demande dans la vidéo d’où vient cette envie irrépressible de mettre du Taylor Swift – alors que clairement, l’ambiance n’y est pas – que j’ai pigé les raisons de cet intermède :
« Est-ce que vous mettez de la pop pour noyer la conversation ? » demande la manifestante qui filme la scène. C’est un autre activiste présent qui lui explique : « Il ne veut pas que tu enregistres, alors il met une musique de fond. »
Et c’est le policier lui-même qui fournit la fin de l’explication, visiblement fier de sa démarche :
« Vous pouvez filmer autant que vous voulez, je sais juste que ce ne sera pas mis sur YouTube. »
Pour une bête question de copyright, la vidéo sautera automatiquement de la plateforme.
Un geste réfléchi et calculé
Les activistes contre les violences policières le prennent à la rigolade, mais on sent bien qu’ils n’en reviennent pas : « C’est le nouveau truc en vogue ? »
demande James Burch, le militant que l’on distingue à gauche de la vidéo.
Interrogé par Mashable, il est encore sous le choc de cette altercation. Mais ce qui l’inquiète surtout, c’est la façon dont le policier semble avoir préparé et calculé son geste. Comme si la technique était bien réfléchie et pas du tout spontanée.
« Je n’arrive pas à croire ce qu’il s’est passé, à quel point il a dégainé rapidement son smartphone. Et ce n’est pas comme si il avait dû charger la chanson : son téléphone était prêt. Aussitôt qu’il a vu la caméra, il l’a attrapé, a tapé deux touches et a lancé Taylor Swift. Il avait anticipé de le faire. »
Pourquoi cette scène n’a rien d’anodin
On voudrait en rire, mais cette petite scène surréaliste est surtout glaçante.
Les forces de l’ordre commencent donc à trouver des techniques et des stratagèmes pour empêcher les citoyens et les citoyennes de filmer leurs actions, et ainsi être en capacité de prouver des abus, des insultes ou des actes de violences disproportionnées. Mettre de la musique, a fortiori du Taylor Swift, pour empêcher toute diffusion d’images de policiers en action a-t-il une chance de se généraliser ?
L’organisation Anti Police-Terror Project, qui milite pour définancer la police, tient là une preuve :
« Nous avions entendu parler du phénomène, mais personne ne l’avait capturé en vidéo jusqu’à maintenant. Désormais, non seulement nous avons une vidéo d’un flic en train de le faire, nous avons aussi un flic qui avoue pourquoi il le fait. »
Suite à la diffusion de la vidéo, une enquête interne a été ouverte.
Dans l’affaire George Floyd, qui s’est soldée récemment par la condamnation du policier Derek Chauvin, le rôle des images a été capital. L’autrice de la vidéo, Darnella Frazier, a même reçu un prix spécial du jury du prix Pulitzer, qui récompense les œuvres journalistiques les plus marquantes.
Lancer Blank Space pourrait donc faire sourire, mais ce détail montre surtout que la police des États-Unis n’a aucunement l’intention de perdre le contrôle des images qui circulent sur elle. Et est prête à tout pour cela.
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Les Commentaires
Après clairement, ce n'est pas une vidéo choquante. C'est même soft par rapport à certaines réalités du terrain, les excités dont j'ai parlé plus haut par exemple.