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« Chambre 2806 : l’affaire DSK » : 3 séquences choquantes qui racontent le monde d’avant MeToo

Chambre 2806 : l’affaire DSK, c’est la série-documentaire de Jalil Lespert qui revient sur l’affaire Dominique Strauss-Kahn. Si le documentaire lève des témoignages édifiants, certains autres sont un vrai condensé de culture du viol.

Mise en ligne le 7 décembre sur Netflix, la série-documentaire Chambre 2806 : l’affaire DSK signée Jalil Lespert, auscultant l’affaire DSK, met en lumière l’un des scandales les plus pernicieux de notre époque moderne.

Si le programme a l’avantage de donner la parole aux victimes du prédateur sexuel présumé, il met aussi en lumière la différence flagrante du traitement de l’affaire entre 2011 et 2020 et souligne l’écart extraordinaire du regard posé sur le viol présumé à l’époque et celui de notre ère post MeeToo.

Culture du viol, confusion totale, propos intolérables : certaines séquences nous ont laissé sans voix. Retour sur les moments problématiques d’une série en demi-teinte.

Chambre 2806 : l’affaire DSK, qu’est ce que c’est ?

Mais tout d’abord, il convient de vous expliquer ce qu’est cette série documentaire.

Chambre 2806 : L’affaire DSK est une mini-série conçue « à l’Américaine » : découpage net, longs plans et travelings arrière sur le lieu du crime, sound design exagéré… la mise en scène colle aux habitudes filmiques d’outre-Atlantique.

Découpé en quatre épisodes de presque une heure chacun, le programme revient sur l’affaire du Sofitel de New York, en expliquant d’abord qui était DSK politiquement, maritalement et humainement.

Le reportage oscille ensuite entre témoignages des victimes du violeur présumé, les témoignages des proches de l’ancien directeur du FMI et les déclarations des différents avocats, procureurs et journalistes qui ont travaillé sur cette affaire compliquée.

Chambre 2806 a quelques énormes atouts.

Premièrement, il donne longuement la parole à Nafissatou Diallo, qui explique en détails non seulement ce qui lui est arrivé dans cette suite présidentielle, mais aussi les retombées que la médiatisation de cette affaire a eu sur sa vie.

Tristane Banon et Mounia R., deux autres victimes de Dominique Strauss-Khan, racontent également les agressions qu’elles ont subi, et explorent leurs traumatismes avec franchise devant la caméra de Jalil Lespert.

Des séquences importantes et précieuses, dont le documentaire ne pouvait de toute manière pas se passer.

Si ces séquences sont indispensables et font la qualité ainsi que 80% de l’intérêt de la série docu, cette dernière donne également la parole à des élus politiques dont les propos sont inaudibles.

Ce qui donne lieu à des séquences choc…

Fallait-il vraiment donner la parole à Jack Lang ?

Jack Lang, ancien ministre de la Culture, intervient à plusieurs moments, dans Chambre 2806.

Il déclare, en toute décontraction, le sourire aux lèvres :

« L’amour n’est pas un complot du diable. DSK est peut être plus porté sur les choses de l’amour, et alors ? Un président doit il être sans sensualité ? »

Ici, l’ancien ministre n’hésite pas à faire la comparaison entre une accusation de viol et l’amour. Tout simplement, sans même sourciller.

Des propos qui seraient peut-être passé inaperçus en 2011, au moment des faits. Oui mais voilà, en 2020, dans une ère post #MeeToo où la parole des victimes se libère, ça ne passe pas. Et à très juste titre.

Ainsi, les interventions de Jack Lang nous ont paru graves, très graves même.

Et nous ne sommes pas les seules à avoir été heurtées par tant de glamourisation des agressions sexuelles, symptôme classique de la culture du viol.

Pour rappel, la culture du viol décrit un environnement social et médiatique dans lequel les violences sexuelles trouvent des justifications, des excuses, sont simplement banalisées, voire acceptées.

Les internautes n’ont pas hésité à exprimer leur abasourdissement quant à ces propos :

Comme le dévoile ce dernier commentaire, Jack Lang n’est pas le seul à répandre la toxicité et la dangerosité dans ce programme…

Elisabeth Guigou et son témoignage atterrant

Elisabeth Guigou a été ministre de la Justice de 1997 à 2000 puis du Travail de 2000 à 2002.

Aujourd’hui, elle est la nouvelle présidente de la commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants. Plutôt étonnant quand on considère les propos qu’elle a tenu devant la caméra de Jalil Lespert.

En effet, dans une séquence qui semble être d’un autre temps, elle explique :

« Que nous ayons l’idée que Dominique était un séducteur, bon. Mais il y a une très grande différence entre être charmeur, être un séducteur et puis la contrainte, le viol. D’ailleurs pourquoi aurait-il besoin de le faire ? C’est un homme charmant, brillant, intelligent, il peut être drôle. Pourquoi ? »

Elle poursuit un peu plus tard :

« Nous savons qu’il est attentif aux jolies femmes, et il n’est pas le seul hein, surtout dans le Parti socialiste. Mais ça, c’est pas un crime non plus. »

Elisabeth Guigou défend donc la thèse selon laquelle un homme, sous prétexte qu’il est brillant et potentiellement désirable, n’aurait pas « besoin » de violer une femme. Que les femmes se jetteraient naturellement à leurs pieds.

En tenant de tels propos, elle diffuse les préceptes même de la culture du viol : que les agressions sexuelles sont une affaire de plaisir et de séduction, et non pas de violence et de domination.

La victime est soupçonnée d’avoir menti, le prédateur est blanchi car il ne correspond pas aux idées reçus sur le « violeur ».

Des propos infâmes et dangereux, qui auraient une fois de plus pu passer en 2011, mais qui ne le peuvent pas aujourd’hui.

Il est intéressant et important même que Jalil Lespert ait conservé cette séquence, pour que l’on puisse se rendre compte que cette mentalité est toujours présente et que même les femmes contribuent à son expansion.

Tristane Banon chez Thierry Ardisson, un condensé de culture du viol

Tristane Banon, jeune autrice, est en 2007 l’invitée de Thierry Ardisson dans son émission 93 Faubourg Saint-Honoré.

La jeune femme, alors âgée de 28 ans, raconte pendant ce diner filmer par plusieurs caméras, dans le salon de l’animateur :

« Il a dégrafé mon soutien-gorge, il a essayé d’ouvrir mon jean. »

Elle poursuit :

« Quand on se battait, je lui avais dit le mot  » viol  » pour lui faire peur, mais ça ne lui a pas fait peur plus que ça. »

Face à ses déclarations, pas de silence, pas de paroles rassurantes ni d’incitation à porter plainte, mais bien… l’hilarité générale. Les participants au programme rient à gorge déployée et l’animateur commente :

« Ah, j’adore. Tu es arrivée en col roulé, et tu repars en string. »

Thierry Ardisson revient ensuite sur la teneur de ses propos :

https://twitter.com/ParisPasRose/status/1336423523745722377

« Quand je dis ‘j’adore’, c’est parce que je sens que c’est sulfureux, ça va faire du buzz. Je ne dis pas ‘j’adore le viol’. Mais je n’étais pas ultra choqué parce que des hommes politiques qui sautent sur des jeunes filles ou des jeunes femmes, il y en avait beaucoup et il y en a encore. Le libertinage, les soupers fins du 18e siècle, ça fait partie de la culture. »

Dans les quelques secondes de séquence mises à disposition des abonnés Netflix, personne ne s’indigne. Preuve qu’à l’époque, le viol est banalisé par une certaine partie des médias, raillé, loin d’être considéré comme un crime.

Tristane Banon apporte son point de vue :

« Là on est bien avant MeToo, donc c’est encore hyper drôle. Et il y a encore plein de mecs qui trouvent ça drôle, parce que personne ne leur a expliqué que ce n’était pas drôle. »

Le décalage entre ce qui se passe autour de cette table et ce qui se passerait aujourd’hui si une femme racontait sur un plateau avoir été abusée, comme Adèle Haenel l’a fait devant les journalistes de Mediapart en 2019, est flagrant et démontre que, heureusement, le regard que pose la société sur le viol a bien évolué, grâce au courage des victimes qui ont osé parler.

Si le documentaire de Jalil Lespert résonne comme une onde de choc aujourd’hui, c’est pour le mieux.

Il est bon de constater que s’il reste évidemment beaucoup de pain sur la planche, le plafond de verre se brise petit à petit.

Si vous n’avez pas encore laissé sa chance à Chambre 2806 : l’affaire DSK, on vous encourage vraiment à y consacrer quatre heures de votre temps.

Quatre heures pendant lesquelles vous serrerez sans doute les poings mais quatre heures pendant lesquelles il sera bon de constater le chemin parcouru…

À lire aussi : Pluie de « Star Wars », dizaines de live-actions : les nouveautés annoncées par Disney


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Les Commentaires

10
Avatar de adita
19 décembre 2020 à 19h12
adita
Je me souviens avoir lu noir sur blanc en 2008 dans Libération, dans un dossier en page 2 autour du "scandale" Piroska Nagy (qui était d'ailleurs présenté comme une liaison, pas comme une agression sexuelle) que les femmes journalistes avaient pour règle de ne pas se retrouver seules avec DSK. Donc moi une random meuf de 25 ans à l'époque j'étais au courant mais tous ses amis non, logique.

En fait ses amis le savent, ils considèrent juste que c'est normal de sa part. C'est un séducteur, il ne peut donc pas se "tenir" seul avec une femme.
C'est très inquiétant mais vraiment quand on voit leurs déclarations à ses amis on SAIT qu'ils savent. Puisque au lieu de les remettre en cause, ils les justifient...(amour à la française, séduction, libertinage, etc) colle si c'était tout à fait normal comme comportement, à la rigueur lourd mais pas plus.

Il m'est d'avis que ces amis ne doivent pas avoir des comportements beaucoup plus admirables non plus face à des femmes (ou des enfants si on écoute les rumeurs sur Jack Lang).
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