Ah, le samedi soir, ma garde préférée. Des comas éthyliques en cascade, des malaises à gogo, des arcades sourcilières ouvertes sur les trottoirs dégoulinant de pisse… Si seulement toutes les victimes étaient des demoiselles en détresse ! J’aurais autant de succès que les binoclards des pubs Axe.
Mais on ne peut pas toujours sauver une Mireille, une Bibiche ou une Marine , et cette nuit-là, c’est un étudiant d’une vingtaine d’années qui a retenu mon attention.
Appelés pour un malaise éthylique nous nous rendons dans la rue de la Soif, à la recherche du jeune homme en question. Et c’est sans trop de problèmes que nous le trouvons en train de vomir au pied d’un réverbère.
– Bonsoir Monsieur, on nous a appelés pour nous occuper de vous… – Hey salut les mecs ! Moi c’est Jojo ! – Hum, enchanté. – Vous inquiétez pas, c’est mes potes qui ont appelé pour pouvoir continuer la tournée des bars. Ils sont cons, c’est bon j’me suis levé, ça va – Je ne crois pas, sinon on ne serait pas là… – Naaaaaaan , c’est juste que j’arrivais plus à les suivre ! Mais c’est cool, je vais les rattraper… – Ok, ok. Mais laissez-moi vérifier que tout va bien, on ne peut pas vous laisser repartir comme ça.
Après un rapide bilan, on constate que la victime ne souffre de rien à part d’un état d’ébriété avancé… Pour éviter qu’un poivrot ne se blesse ou blesse quelqu’un, on l’envoie généralement chez les forces de l’ordre qui le mettent en cellule de dégrisement au motif d’ivresse sur la voie publique. Mais dans le cas de Jojo, impossible de le confier aux policiers : il tient sur ses jambes et ses propos sont cohérents.
Bien décidé à rejoindre ses « amis » qui l’ont abandonné pour continuer leur folle nuit tranquillement, l’étudiant piaffe « Bon, je peux y aller maintenant ? Vous avez fini ? ».
« Ok, vas y. Va retrouver tes copains…
» Obligé de le laisser partir, je remonte dans l’ambulance, lance un clin d’œil à mes groupies qui regardent l’intervention de loin, et repars à l’aventure. Un héros des temps modernes tel que moi ne s’arrête jamais.
Quelques heures plus tard, c’est presque la fin de ma garde lorsque nous recevons un appel du SDIS : « On a besoin de vous pour un homme dormant sur la chaussée. Possible agression physique ». Oula, ça sent pas bon cette histoire…
Et pour sentir mauvais, ça sent mauvais. Au sol, Jojo gît dans son vomi. Côté face il s’est fait refaire le portrait en beauté, côté pile il s’est fait dessus… Il est vraiment dans un sale état, et dans tous les sens du terme. Heureusement il est conscient, ce qui est toujours bon signe.
« Hé les mecs ! Vous êtes fenus m’aider f’est cool ! Je les ai ferfés mais j’ai pas retrouvé mes potes… »
Sous sa couche de vomi et d’excréments, on constate vite que la victime n’a que la pommette fracturée et quelques dents en moins. Quant à sa belle « amitié » avec ses « potes », on espère qu’elle aussi en aura pris un coup.
Épilogue
Le chemin vers l’hôpital s’est bien passé. On a juste mis Jojo dans une housse mortuaire pour ne pas que ça sente trop dans l’ambulance…
Bah quoi, j’ai jamais dit que j’étais son pote, moi.
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Les Commentaires
Oui bon ok j'arrive après la bataille..