Parmi toutes les bizarreries que nous avons vécues ces derniers mois, en période de pandémie, il y en a une qui m’a étonnée plus que d’autres : celle de voir la plupart de mes amis — et bien d’autres, à en croire les réseaux sociaux et les médias — quitter leurs appartements, et rentrer se confiner chez leurs parents.
Pourquoi rentrer vivre chez ses parents en confinement ?
Ce choix a souvent été fait pour des raisons pratiques, les minuscules appartements de centre-ville n’étant pas des plus propices à l’enfermement imposé. Pour certains, il semblait plus agréable de retrouver des logements familiaux spacieux, parfois même dotés d’un jardin. D’autres ont perdu leur emploi du jour au lendemain, des suites de la crise, et ont dû quitter leurs appartements pour attendre des perspectives plus dégagées depuis chez leurs parents.
La composante affective rentrait aussi en compte : la période trouble et anxiogène créait le besoin de se retrouver auprès des siens, certains et certaines n’avaient pas envie de se confiner seules…
Toujours est-il qu’après avoir pris leur indépendance, nombreux sont celles et ceux qui sont revenus à la vie chez leurs parents pour une durée relativement longue, avant de quitter le logement familial pour la deuxième fois (au moins) dans leur vie. Quatre lecteurs et lectrices de Madmoizelle nous ont raconté comment ils et elles l’ont vécu.
*Le prénom a été modifié
Une parenthèse qui rapproche
Adeline*, 24 ans, a quitté le nid familial juste après son bac pour faire ses études. De son école à ses stages jusqu’à son premier boulot, tout s’est plutôt bien enchaîné… Puis le Covid est arrivé.
« Deux semaines après le début du premier confinement, j’ai dû rentrer vivre avec mes parents pour cause de licenciement de mon premier job ! »
Cette perte d’emploi s’accompagne d’une rupture pour Adeline, qui vit assez mal cette période de bouleversements. Elle raconte :
« J’ai très mal vécu ma perte d’emploi, accompagnée d’une séparation après deux ans de relation. Je suis restée près d’un an chez mes parents, à chercher du travail.
Entre les journées où le téléphone ne sonne pas, les petits boulots peu stimulants pour se faire un peu de sous, et l’incertitude de l’avenir, j’étais à fleur de peau et je prenais très mal les questions et inquiétudes de mes parents. »
Mais elle explique avoir accepté leur soutien, et même redécouvert sa famille pendant cette période :
« J’ai trouvé une bulle de bienveillance chez mes parents, qui m’a facilité la vie dans cette période difficile. J’ai pu consolider des liens avec ma sœur et mon frère, plus jeunes que moi et qui habitent chez mes parents (jusqu’ici, on ne se voyait quelques jours par an, ce qui n’était pas simple).
C’est mon “mal pour un bien” de cette période compliquée : sans le Covid, je pense qu’il m’aurait été impossible d’apprendre à connaître aussi bien les adultes qu’ils sont devenus ! »
À la faveur d’un nouvel emploi, Adeline* est repartie de chez ses parents il y a quelques mois, et elle en est très heureuse.
« Je vis de nouveau ma vie, j’ai trouvé un travail que j’aime et retrouvé une vie sociale (qui, comme à tant d’autres, m’a beaucoup manqué). Je suis toutefois très heureuse d’avoir pu vivre cette parenthèse inattendue pendant le confinement : elle a transformé ma relation avec ma famille ! »
Une perte d’indépendance difficile
Dans le cas d’Hélène*, 22 ans, le retour au nid s’est fait au détour d’un stage et s’est prolongé pendant premier confinement. Pour elle, la situation s’est rapidement montrée compliquée :
« Mes parents ont eu du mal à me voir quitter le nid familial, notamment parce que j’étais la première de leurs enfants à le faire. Mon départ s’est fait progressivement ; j’ai d’abord vécu dans une ville proche de chez eux, en rentrant une semaine sur deux, puis un peu plus loin, jusqu’à l’an dernier où j’ai emménagé à l’autre bout de la France.
Quand j’ai trouvé un stage près de chez mes parents (et surtout de chez mon copain), après avoir vécu quatre ans seule dans mes appartements, je suis donc revenue dans la maison familiale avec mes deux valises.
Au final je suis restée jusqu’en juin à cause la pandémie. Cette période a été très difficile à vivre pour moi et j’ai eu l’impression de perdre toutes mes libertés. En plus d’être confinée, je devais revivre en société : respecter des horaires, expliquer ce que je fais, manger ce qui est prévu… »
En plus de mesurer l’ensemble des libertés qu’elle avait perdues dans son retour, Hélène explique aussi avoir souffert d’avoir changé et d’être de retour dans un environnement resté le même.
« Ma chambre d’ado était plutôt vide, et j’avais le sentiment de ne plus être chez moi — d’ailleurs, je dis “chez mes parents”, alors que j’y ai encore ma chambre. Mais ce n’est pas tout : depuis que j’ai quitté le nid, j’ai aussi grandi dans ma manière de penser et de voir les choses.
Je suis notamment plus sensible au sujet de la charge mentale, et je me suis fait plusieurs réflexions sur la charge que ma mère assumait (beaucoup trop à mon goût, mais c’est leur relation de couple et ils s’organisent comme ils le souhaitent).
En parallèle, j’avais le sentiment que le regard de mes parents sur moi n’avait pas tellement évolué, et que je restais leur (grande) fille. Ça a été une période vraiment difficile… Même si, bien sûr, avec un stage et un toit, je n’étais pas à plaindre. »
Entre le premier et le troisième confinement, les choses ont changé
Après ce premier confinement, Hélène* a vécu seule quelques mois, jusqu’à l’annonce du second. Pour celui-ci, elle préfère aller se confiner avec son compagnon et sa sœur, par peur de revivre ces difficultés.
Au troisième confinement, par un concours de circonstances qui inclut notamment la rédaction de son mémoire, elle décide de repartir vivre chez ses parents. Et surprise : cette fois-ci, tout se passe très bien !
« Finalement, je ne l’ai pas trop mal vécu, ce dernier confinement. Est-ce que j’avais suffisamment renforcé ma carapace ? Est-ce que j’ai réussi à le traverser parce que j’arrivais à avoir des temps seule ? Est-ce qu’au final j’ai réussi à m’habituer ?
Je n’ai pas encore le recul pour répondre à ces questions ! »
Après ce dernier confinement, Hélène reprend son appartement seule, dans une ville où elle effectue son terrain de recherche. Pour l’instant, elle ne s’y sent pas encore très bien : elle a du mal à s’habituer à la solitude de sa ville, notamment parce qu’elle n’y connaît personne. Mais elle sait que c’est une étape nécessaire pour retrouver son indépendance !
Quitter la maison familiale, et redevenir soi-même
Lionel* a 22 ans, et vivait relativement indépendamment de ses parents depuis ses 15 ans, quand le premier confinement a été annoncé. Après des années d’internat, cela faisait donc sept ans que Lionel n’avait pas vécu avec eux plus que quelques mois avant de se retrouver confiné chez eux pendant presque une année… Ce qui l’a amené à se sentir un peu piégé.
« Je suis super indépendant, et je n’ai pas trop de relation avec mon père. Du coup, je ne pouvais pas faire ce que je voulais chez mes parents, et je ne me sentais pas très à l’aise. D’autant plus que comme beaucoup d’étudiants, je commençais à décrocher de la fac et à sentir la dépression montrer le bout de son nez. »
À ses yeux, le deuxième départ du domicile familial qui aura lieu dans quelques jours sonne comme une libération.
« Dans une semaine et demie, je m’en vais et je ne compte pas rentrer chez mes parents avant un bon moment ! Je vais pouvoir reprendre mon rythme de vie, mais surtout, je vais pouvoir redevenir moi-même : je suis une personne agenre, j’adore porter des talons et des choses dites féminines, et avec eux, ce n’est absolument pas possible. Ils ne comprendraient pas, et ne seraient pas super tolérants…
Sans compter le reste de leurs réflexions sur ce que je fais trop, ou pas assez ! Pour moi, c‘est un véritable soulagement de quitter le logement familial une deuxième fois, peut-être encore plus que la première. »
Voir les choses évoluer… Dans le bon sens
Domitille*, 25 ans, est rentrée chez ses parents par contrainte plus que par choix. Après un premier confinement passé chez son compagnon, elle a quitté son appartement dont elle payait le loyer pour rien, et a donc réemménagé chez sa famille au moment du deuxième confinement. Elle explique qu’elle n‘était pas très satisfaite de cette solution :
« Je n’étais pas vraiment enchantée de retourner vivre chez mes parents dans la mesure où j’aime beaucoup mon autonomie… J’ai quitté la maison familiale à mes 18 ans, et même si j’y retournais tous les étés, je travaillais à l’extérieur. On avait l’habitude de se croiser, plus que de vivre ensemble.
Là, en plein confinement, je savais que les choses seraient différentes. Et puis, je me connais : j’aime le silence pour travailler, et n’avoir aucun horaire à respecter. Chez mes parents, ces deux choses seraient impossibles. Ma mère est nourrice, et garde donc des enfants qui ne sont pas tout à fait silencieux. Par ailleurs, mes parents sont plutôt de la vieille école, qui tiennent à la phrase “ma maison, mes règles” — j’imaginais déjà les dîners obligatoires à 19h pile tous les soirs… »
Mais parfois, les parents peuvent nous surprendre : ceux de Domitille* ont été bien plus faciles à vivre que prévu !
« Quelle surprise ! J’ai réussi à leur poser mes conditions. Je leur ai dit que j’étais en concours cette année, que je ne pouvais pas me permettre de changer de rythme, et qu’il faudrait qu’ils l’acceptent.
Mon père, qui est d’ordinaire toujours prompt à arrondir les angles, a fait un scandale. Mais à ma grande surprise, ma mère, d’ordinaire si tatillonne, a su tempérer les choses ! Nous avons fait un pacte lors duquel j’ai promis de toujours manger avec eux à midi. Le soir, je n’avais pas d’obligation : cela me permettait d’arrêter de travailler à l’heure que je voulais.
Au final, ils ont vraiment été chouettes, et chacun a fait des concessions qui nous ont permis de trouver notre place. Résultat des courses : un confinement plutôt positif ! Bien sûr, il y a eu quelques prises de bec, mais dans l’ensemble je ne m’attendais pas à ce qu’on réussisse à s’attendre aussi bien. Aujourd’hui, je suis repartie car il m’était plus simple de travailler depuis chez moi, mais je reste très étonnée de ce séjour familial. »
Certes, en 2019, « rentrer vivre chez ses parents » n’était certainement pas au programme de grand-monde pour l’année 2020. Mais on est très heureuses de lire que vous avez pu vivre des choses positives dans tout ça… Ou que nous pouvons enfin en sortir !
Allez, profitons de l’été avant de penser à un éventuel retour pour le 4e confinement.
À lire aussi : Comment se libérer de ses parents en 8 leçons
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