Live now
Live now
Masquer
Femme_blasee

Comment trouver son premier job en pleine pandémie ? Je cherche encore la réponse

L’insertion professionnelle des jeunes diplômés et diplômées était déjà difficile ; depuis la crise sanitaire, elle a désormais tout d’un parcours du combattant… Entre jobs alimentaires et résilience, Léa Nicosia nous raconte les mois qui ont suivi sa fin d’études.

En juin 2019, lorsque je montais fièrement les marches de l’estrade pour récupérer mon diplôme, j’étais loin de me douter que ce jour tant attendu m’ouvrait la porte d’un chemin semé d’embuches.

Un diplôme comme Graal

À mon entrée en école de journalisme après le bac, j’avais l’impression de revivre. Je me retrouvais dans une toute nouvelle ville, avec de nouvelles personnes, et surtout, des cours qui m’intéressaient réellement.

Après tant d’heures à rêver, les yeux rivés vers la fenêtre, durant des heures d’ennui au lycée, j’étais enfin dans un endroit où j’avais réellement envie de me trouver. Dès ma première année de licence, j’ai su que je souhaitais tout miser sur les études supérieures. Pour moi, elles étaient le palier vers l’indépendance, et une vie fantasmée où je pourrais enfin réaliser tous mes rêves. Alors, pendant ces trois ans d’école, j’ai dit adieu aux soirées étudiantes et à toutes les distractions pouvant m’éloigner de mes buts.

Lorsque le jour tant attendu est arrivé, ce petit bout de papier entre les mains pour prouver que j’étais désormais journaliste, j’étais intensément fière de moi et heureuse. Dans ma tête, tout était clair : je devais trouver un stage de fin d’études et me lancer dans la vie active. Il était pour moi hors de question de continuer mes études, je souhaitais me lancer.

Et puis… le Covid-19 a débarqué dans nos vies.

Du stage de mes rêves à un job alimentaire

Juste après mon diplôme, j’ai décroché un stage de six mois dans la rédaction de mes rêves. Cette expérience m’a confirmé dont je me doutais déjà : j’étais réellement passionnée par mon métier.

Après ces six mois, nous sommes en mai 2020 et je suis de retour chez mes parents. N’ayant pas encore trouvé d’emploi, je signe pour un job d’été de saisonnière en boulangerie. Je ne m’inquiétais pas, me disant que cela me permettrait de mettre de l’argent de côté tout en poursuivant mes recherches. Quand le mois d’octobre, mon patron me propose de rester à temps partiel. « Un second confinement approche, tu ne trouveras rien d’autre, un temps partiel te permet de continuer tes recherches ! » me conseille-t-il.

À contrecœur, je signe un CDI dans cette boulangerie. Quand les autres employés me taquinent à coups de « Ça y est, tu as signé ici pour 20 ans ! », je ris, mais je suis terrorisée à l’intérieur.

Déposant des candidatures journalistiques à travers toute la France et même à l’étranger, je restais optimiste, me disant que je finirais bien par trouver quelque chose vu ma motivation. Mais la flamme qui m’animait commençait doucement à s’éteindre lors de la signature de ce contrat.

Je n’étais pas étonnée de ne pas trouver d’emploi directement après mon stage. « Ce serait trop facile », me répétais-je. Seulement, 9 mois plus tard, après une centaine de candidatures envoyées et une dizaine d’entretiens ratés, la voix dans ma tête, lassée, commence à se dire : « Bon, ce n’est plus drôle. »

La violence de la désillusion

Dans mon entourage, certaines personnes ne cessaient de me répéter que c’était une chance d’avoir un emploi au vu de la situation économique en France. Mais je ne parvenais pas à me faire à cette idée.

Je détestais la vente et ce travail. Si j’adore l’écrit, je ne suis absolument pas manuelle, et je suis très maladroite : je me fais mal, je me brûle, j’ai du mal à porter des choses… Je n’étais absolument pas douée dans ce métier, et je m’y sentais en échec.

Dans ma tête, me retrouver dans cette situation après tous les efforts que j’avais fournis pour mes études était une injustice. Ce travail, cependant, me permettait de vivre, et je n’avais pas le choix. Durant au moins cinq mois, j’ai réussi à prendre sur moi. Je signais quelques piges à côté, qui me permettaient d’écrire à nouveau, je prenais le temps de rédiger sur mon blog personnel, sur mon compte Instagram de lecture… Mais peu à peu, cela n’a plus suffi.

Chaque jour où je devais me rendre à ce job alimentaire était accompagné d’une grande anxiété, saupoudrée de la terreur de devoir abandonner mon rêve de devenir journaliste

.

Face à l’anxiété et la déprime, j’ai commencé une thérapie

J’ai commencé à aller de plus en plus mal psychologiquement. Pleurer devenait une routine ; avoir des crises d’angoisse dans les toilettes de mon travail, une habitude. Le pire, c’était lorsqu’après un entretien (que j’avais longuement préparé), on m’envoyait ce fameux mail que beaucoup de jeunes ne connaissent que trop bien : « Votre profil est intéressant, mais vous n’avez pas assez d’expérience ». Je devais alors retourner faire ce travail que je n’aimais pas, pour une durée indéterminée.

Ces refus commençaient à peser sur mon estime de moi, et je me sentais de plus en plus mal. Ressentant le besoin d’une aide plus grande que celle de mes amies, qui me rassuraient comme elles le pouvaient, j’ai commencé à voir une psychologue. Encore à la recherche d’un emploi journalistique aujourd’hui, je pense que sans son soutien, je ne tiendrais pas face à au mépris et à l’ignorance de certains recruteurs.

Lorsqu’on sait à quel point on rêve d’un métier, que l’on est prête à déménager, se retrouver seule dans une ville, travailler autant d’heures que nécessaire et qu’on enchaîne les candidatures refusées, comment garder le moral et ne pas douter de soi ? Je cherche encore la réponse.

Le déclic qui m’a permis de démissionner

Au long de cette expérience en boulangerie, j’ai constaté que peu importe le nombre d’heures de sommeil emmagasinées, je ressentais sans cesse une énorme fatigue. Chaque jour travaillé, je n’avais qu’une hâte : que le soir arrive pour dormir à nouveau.

Un soir dans mon lit, je repensais à ma période de stage de fins d’études. Le stage se trouvant à Paris, je vivais en banlieue et passais trois heures par jour dans le RER, ne dormant que 6h par nuit. Passionnée par ce que je faisais, je dépensais toute mon énergie dans mon travail, j’avais toutes les raisons d’être épuisée. Et pourtant, chaque soir, je n’avais qu’une hâte : de vite me réveiller pour enchaîner une nouvelle journée tant j’aimais ce que je faisais.

Lorsque j’ai réalisé cela, j’ai démissionné.

Cela faisait déjà des mois que je tirais sur la corde, pensant à l’argent que je devais gagner pour m’en sortir. Mais à partir du moment où j’ai fait le parallèle entre ma santé mentale lors du stage et pendant ce job alimentaire, tout est devenu clair.

La santé mentale avant tout

Si j’ai réussi à prendre cette décision, c’est en grande partie grâce à la thérapie. Quitter ce travail n’était pas chose facile, et j’étais très touchée par le regard des autres. J’ai toujours eu peur de ne « rien faire », j’ai souvent l’impression de devoir tout enchaîner.

J’avais peur qu’on me demande « Tu fais quoi en ce moment ? », et de passer pour une glandeuse si je n’avais pas d’emploi. Le regard de mes parents, qui ne voulaient pas que je quitte un job stable, a aussi fortement joué sur mon état. Mais au cours de mes sessions hebdomadaires de thérapie, j’ai eu l’occasion de réfléchir à tout ça : au fait qu’il faut vivre pour soi, et lâcher prise sur le regard des autres… Même quand « les autres » sont nos parents.

J’ai aussi travaillé sur ma confiance en moi, j’apprends à ne pas faire de chaque refus une affaire personnelle. Non, ce n’est pas parce que je n’obtiens pas un poste que je suis « nulle » .

Cette aide a été très importante pour moi, et m’a permis d’aller de l’avant. Dans les circonstances que nous connaissons, on peut facilement se sentir noyée, et en parler avec des proches qui vivaient la même chose que moi ne remontait pas vraiment le moral collectif. En parlant trop de mes idées noires, j’avais même peur d’apporter de la tristesse à mes amies. Pouvoir vider mon sac avec la psy m’a permis d’apporter plus de positif autour de moi.

J’ai pris du recul, élargi mes options… et créé un espace d’échange

Maintenant que j’ai pris du recul, je sais que je n’abandonnerai pas le journalisme, peu importe la difficulté. Mais en attendant de trouver la rédaction qui acceptera de me donner ma chance, je dois trouver un emploi où je peux au moins écrire un petit peu, et travailler sur des sujets qui m’intéressent. J’envisage de faire à nouveau un stage long, mais aussi de faire un service civique, pour voir d’autres choses.

Lorsque je cherchais de l’aide sur internet à ce sujet, je voyais énormément d’articles qui parlaient de personnes dans ma situation, mais peu de vraies solutions proposées. C’est ce qui m’a donné envie de créer un compte Instagram : @solutionspourjeunes, afin de retranscrire les récits de celles et ceux qui sont parvenus à rebondir en cette période de pandémie.

Que ce soit grâce à un CV original, une réorientation, un déménagement… Je partage les histoires de jeunes qui sont parvenus à trouver un emploi, stage, alternance malgré la crise et le Covid-19. Ce compte est encore à ses débuts, mais je reçois des témoignages qui m’inspirent, et qui me motivent, et j’espère qu’ils auront cet effet pour d’autres ! Les temps sont difficiles pour la jeunesse, et je pense qu’en parler entre nous peut nous faire le plus grand bien.

À lire aussi : Mes premiers pas dans le monde professionnel, bouleversés par le coronavirus

Témoignez sur Madmoizelle

Pour témoigner sur Madmoizelle, écrivez-nous à :
[email protected]
On a hâte de vous lire !


Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.

Les Commentaires

3
Avatar de Melancia
29 mars 2021 à 12h03
Melancia
J'ai connu comme beaucoup cette situation. Tu sors de la fac', de ton école, de ton institut de formation etc...diplôme en poche. Pour peu que tu fusses bon.ne élève avec une bonne mention et/ou des bonnes notes...Et tu te tapes le marché du travail. Hard car choc thermique un peu quand même

Moi j'ai carburé pas mal aux CDD dont certains en temps partiel et souvent en dessous du niveau de qualif' de mon diplôme. Perso' au fil de l'enchaînement des CDD je me suis adressée à une assoc' qui aidait dans les démarches pour trouver du taff'.L'assoc' que j'ai contactée était dans la ville où je vivais à l'époque et elle s'occupait de chômeur.euses longue durée, ayant atteint la quarantaine mais aussi des étudiants ou jeunes comme moi qui débarquaient sur le marché etc... Les représentants de l'assoc' ont été de bons conseils surtout me concernant sur la rédac' de mon CV. Ta's fait du CDD avec des tâches soit éloignées de ta formation universitaire soit sous-qualifiées par rapport à ton diplôme. On va te montrer comment faire passer ces expériences de façon positive. Cela m'a pas aidé. Après ce 1er point, 2ème point : l'entretien d'embauche. La gestuelle, le vocabulaire, l'intonation, comment valoriser tel point, comment faire passer tel autre comme une expérience positive etc...
Cela a fini par payer

Mais cela reste du sport, un sport de fond. Faut t'économiser sur tous les plans pour ne pas désespérer ni de te fatiguer rapidement. odo:

eh ! sista don't give up the fight
1
Voir les 3 commentaires

La société s'écrit au féminin