Hier, on a attaqué un club gay aux Etats-Unis. Quelqu’un est entré avec une arme et a tiré sur les personnes rassemblées cette nuit-là pour faire la fête. Il devait y avoir du monde, c’était la veille de la Gay Pride à Orlando. Des gays, des lesbiennes, des bi, des personnes trans. Parmi elles et eux, sans doute beaucoup de personnes racisées ; c’était la Latin Night après tout.
J’y ai pensé toute la journée. J’ai lu des publications Facebook, des tweets, des articles à la pelle. J’ai vomi devant les LGBTphobies assumées, les faux-semblants et la récupération. Maintenant, j’ai la rage. Non, j’ai la haine. Une colère sourde qui gronde au fond de moi, pleine de rancœur et d’amertume.
Maintenant, j’ai la rage. Non, j’ai la haine. Une colère sourde qui gronde au fond de moi.
J’ai envie de les attraper par le col, un•e par un•e, et de les secouer. De leur hurler : où étiez-vous ? Où étiez-vous lorsque tous les jours, nous nous faisions assassiner ? Où étiez-vous lorsqu’on nous agressait ? Où étiez-vous lorsqu’on nous insultait ? Où étiez-vous lorsqu’on nous poussait au suicide ? Faut-il vraiment 50 mort•es et plus de 50 blessé•es d’un coup pour qu’enfin, vous daignez baisser les yeux sur nous ?
Les pires, ce sont ceux et celles qui nient les LGBTphobies liées à cette tuerie. Ou qui s’en servent pour minimiser leur propre intolérance.
— Moi au moins, je ne tue pas des gens.
— Ça, c’est la véritable homophobie.
— Ce sont EUX les homophobes, pas moi.
Si, c’est vous. Vous êtes responsables. Responsables de n’avoir rien fait, d’avoir fermé les yeux, d’avoir mis votre enfant à la porte après son coming-out, d’avoir ri de cette femme trans dans la rue, d’avoir craché sur ce couple de femmes, d’avoir insulté cet homme, d’avoir marché dans la rue contre nos droits, d’avoir pris la parole pour nier notre amour.
Cela fait tant d’années que nos communautés souffrent et meurent, tant d’années qu’elles se battent pour des droits. Des droits qu’ils et elles ont critiqués, auxquels ils et elles se sont opposé•es. Tous les ans, au mois de juin, nous descendons dans la rue. Pour faire la fête — nous en avons bien besoin — mais aussi pour rappeler notre existence et pour continuer ce combat sans fin en espérant obtenir l’égalité.
Cela fait tant d’années que nos communautés souffrent, tant d’années qu’elles se battent pour des droits.
Certes, j’éprouve une immense fierté d’être qui je suis. Mon genre, ma sexualité, mes amours… Je me trouve fantastique ! Et je ne changerais pour rien au monde.
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Mais j’ai peur. Peur des regards, des insultes et des coups. Peur d’avoir mal. Peur de mourir trop tôt. Peur de voir mourir des gens trop tôt. Peur du SMS qui m’annoncera que untel•le s’est suicidé•e. Peur du coup de téléphone où on m’annoncera qu’un•e autre est à l’hôpital. Peur de l’invitation à l’enterrement d’un•e militant•e, d’une connaissance, d’un•e ami•e.
Et ce ne serait pas à cause d’un accident de la route, de la clope ou d’une chute dans les escaliers. Ça serait à cause de la haine.
Alors pour se protéger, nous tentons de créer des espaces safe. Des endroits à nous, pour nous retrouver et échapper à la haine. Souvent, ces espaces ne sont pas parfaits, mais ils ont le mérite d’exister. On essaye de faire de belles choses, on prend des initiatives. Mais la preuve est que même dans ces lieux, nous ne sommes pas à l’abri. On peut venir nous chercher, une arme à la main, pour nous faire du mal.
Je me rassure en me disant que c’est loin, les États-Unis… C’est de l’autre côté de l’Atlantique. En plus, c’est facile de s’y procurer des armes alors qu’en France, c’est compliqué.
J’ai peur. Pour moi, pour mes proches. L’angoisse me ronge les entrailles, me tord le ventre et me donne la nausée.
Vivre en France ne protège de rien.
J’ai peur. Pour moi, pour mes proches. L’angoisse me ronge les entrailles, me tord le ventre et me donne la nausée.
J’ai peur car notre simple existence provoque la haine. Et nous ne pouvons pas cesser d’exister.
Nous existons. Et nous voulons vivre.
Par Mr.Q