Alors celle là je l’avais jamais entendu, hein vraiment, le parti du Rassemblement national qui galère pour récolter ses parrainages, vraiment je suis sur le cul, estomaquée, je tombe de la commode. Non, je déconne.
Comme à chaque élection présidentielle, à quelques mois du premier tour, sortez les violons ! Le RN lance sa grande Opération Ouin ouin déni de démocratie. Qu’est-ce donc, me direz vous ?
Ça consiste en gros à répéter à l’envi et sur tous les plateaux que non seulement c’est la bérézina pour la récolte des parrainages mais surtout que c’est la faute des autres. Cette année, Marine Le Pen y va à fond, elle arrête même sa campagne pour mettre un coup de pression.
Bah oui, la date limite des envois approche, et dans une semaine, le 4 mars, ce sera terminé, la campagne s’arrêtera pour celles et ceux qui n’auront pas réuni les 500 signatures d’élus.
Ce système de signatures mis en place en 1962 (il en fallait 100 à l’époque), c’est un moyen de filtrer les candidatures, pour s’assurer du sérieux des aspirants à la présidence de la République. Et pour le moment, Marine Le Pen n’en a que 393. Elle a donc choisi d’alerter sur sa situation et sur le risque de ne pas pouvoir participer au scrutin.
Mais on aurait bien tort de croire que la stratégie est nouvelle. Car cet air là, on l’a déjà entendu. Marine Le Pen nous l’a déjà chanté, dans la grande tradition de son paternel. Car l’extrême droite et les 500 parrainages c’est toute une histoire. Allez je vous raconte. Vous avez deux minutes ?
Bon, je vous emmène il y a 40 ans, époque à laquelle je n’étais même pas née. 1981, le Front national compte bien avancer ses idées rances dans la campagne présidentielle qui s’annonce mais ça marche pas fort côté parrainages et Jean-Marie Le Pen n’atteint pas les 500 signatures qui sont désormais demandées depuis 1976. Pour la petite anecdote, le candidat du FN aura un tel seum qu’il appellera à voter… Jeanne d’Arc (et ce n’est même pas une blague).
Changement d’ambiance en 1988, car cette fois le FN n’est plus un petit parti, il a le vent en poupe, il a réussi à se façonner une image plus moderne qui enrobe le discours tout sécuritaire et anti-immigration que l’on connait bien. Les 601 signatures sont obtenues et à l’arrivée au 1er tour, c’est même la déflagration, Jean-Marie Le Pen fait 14 %
C’est à partir de 1995 que commence à résonner une petite musique : cette fois, ça a l’air beaucoup plus compliqué pour Jean-Marie Le Pen de dégotter ses parrainages au point qu’il accuse ses adversaires de faire pression sur des élus. Lâché par des maires, il parle de « guets apens », « d’embuscades » et de « chausses trappes », d’un véritable complot fomenté contre lui. Trève de suspense, il les aura bien ses parrainages et terminera à nouveau avec 15% des voix au premier tour.
2002, rebelote ! Complot, trahison et tutti quanti, voilà qu’on met encore des bâtons dans les roues de la candidature de ce pauvre Jean-Marie ! Ce serait un « scandale de dimension nationale et peut-être même internationale si je n’avais pas mes 500 signatures” tempête. Au moins ça. Et puis finalement il les décroche et obtiendra le résultat que l’on connait, ce fameux 17% qui a traumatisé toute une génération et a permis à l’extrême-droite de se hisser au second tour d’une présidentielle, une première dans la cinquième république.
2007, Le Pen sa femme et le petit prince sont venus chouiner pour qu’on leur serre la pince. Dernier tour de piste de Le Pen père, qui espère bien refaire le coup de 2002. Et pour cela, on commence tout pareil, par se plaindre à tour de bras, et surtout on commence tôt des mois avant l’élection pour dire à quel point ce sera difficile d’avoir ses parrainages. « Je rame contre vents et courants dans une institution faite exclusivement pour me nuire. » Et évidemment, vous avez deviné, il les aura.
2012, Le Pen fille, de son petit nom Marine, va-t-elle changer de technique alors qu’elle enclenche la stratégie de dédiabolisation de son parti et se lance pour la première fois dans la course à la présidence de la République ? La réponse est non, on ne change pas une méthode qui marche, on continue avec même une dose de drama en plus.
2017. Ai-je besoin de vous le dire encore ? Oui, même rengaine, l’inverse aurait été surprenant. Certes, si l’on regarde de plus près face à certains concurrents qui caracolaient à plusieurs milliers de parrainages, les « seulement » 627 parrainages de Marine Le Pen font un peu grise mine. Il n’empêche, elle les a.
Alors ce ouin ouin à quoi sert il ? À exister ? Peut-être un peu aussi à se plaindre que le vote RN est toujours diabolisé et que des maires rechignent à donner leurs signatures pour ne pas se faire mal voir dans leur commune.
Oui, on n’est pas hyper surpris que Marine Le Pen ait une fois de plus du mal à rassembler des signatures. Ce qui par contre est une nouveauté, c’est qu’elle n’est pas la seule à être en difficulté. Même des candidats installés qui bénéficient d’une assise politique stable et d’une base de soutiens sont en galère.
On les voit ces écarts vertigineux entre des candidats dont on sait que le score à l’arrivée ne dépassera pas les 2% et qui ont pourtant déjà décroché les 500 signatures et plus encore, et d’autres pour qui les chances de dépasser les 5% est un peu plus élevée et qui pourtant sont loin derrière.
Oui Marine Le Pen ressort les mêmes ficelles, et oui, peut-être qu’à force de labourer sur les mêmes terres qu’un certain Eric Zemmour, l’un et l’autre se siphonnent des parrainages.
Les difficultés globales d’une bonne partie des candidats ont de quoi nous interroger sur le système des parrainages : ses limites et sa pertinence aujourd’hui.
Est-ce qu’il ne serait pas temps d’envisager un autre moyen de valider les candidatures ? Une idée, qui, comme les lamentations du RN pour trouver des parrainages, revient à chaque élection présidentielle.
Un coup de pied dans les urnes est un podcast de Madmoizelle écrit et présenté par Maëlle Le Corre. Réalisation, musique et édition : Mathis Grosos. Rédaction en chef : Mymy Haegel. Direction de la rédaction : Mélanie Wanga. Direction générale : Marine Normand.
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Un élu peut présenter la personne de son choix. Par exemple, un maire de Haute-Savoie a présenté Thomas Pesquet.