C’est-à-dire, si tout se passe bien, avant la fin du mois – après le vote du parlement des réformes économiques réclamées par l’Union européenne. Ça faisait 17 ans que Berlusconi était au pouvoir. Quels sont les enjeux de ce départ ? Tentons de vulgariser un peu.
Quelle était la situation économique en Italie ?
La dette de l’Italie atteint 1.900 milliards d’euros, soit environ 120% du PIB. Le Fonds Monétaire International se disait inquiet. L’Europe craignait la contagion de la crise de l’euro.
Vendredi, Berlusconi avait donc présenté à ses partenaires du G20, un paquet de mesures de rigueur destinées à réduire la dette colossale de l’État. À l’issue du sommet, le Cavaliere avait assuré à Christine Lagarde (directrice générale du FMI) que les comptes publics de son pays seraient ouverts aux experts du Fonds Monétaire International, afin de vérifier l’application de ses engagements.
Que s’est-il passé exactement ?
Hier à la Chambre des députés, se tenait le vote du budget 2010 (dont le rejet aurait provoqué un gel des finances en Italie*). Grâce à l’abstention de l’opposition (de centre-gauche), le gouvernement (de centre-droit) a remporté ce vote sur les comptes publics. Techniquement, c’est une victoire pour Berlusconi. En réalité pourtant, Berlusconi a perdu la majorité absolue à la Chambre des députés. Il a échoué à ce vote de confiance.
Le bilan 2010 de l’État italien a été adopté par 308 voix, c’est-à-dire nettement en-dessous des 316, seuil de la majorité absolue.
* « Une épreuve que les opposants au président de Conseil ne pouvaient imposer à leurs concitoyens » , commente Le Parisien.
Comment s’est passée l’annonce de la démission ?
Pierluigi Bersani, le chef du Parti démocrate (PD), principal parti d’opposition, a alors immédiatement déclaré : « Je vous demande, M. le Président (du Conseil, ndlr), de toutes mes forces, de prendre finalement acte de cette situation. On ne peut pas continuer à avancer de cette façon. Vous devez démissionner ».
Reçu pendant une heure environ par le président Giorgio Napolitano, Berlusconi est « conscient des conséquences du résultat du vote » de ce mardi, révèle un communiqué de la présidence.
Le soir, il a alors concédé que savoir « qui dirige ou ne dirige pas le gouvernement » est moins important que faire « ce qu’il faut pour le pays« . « Après l’adoption de cette loi de finances, avec tous les amendements demandés par l’Europe et réclamés par l’Eurogroupe, je démissionnerai de mes fonctions pour permettre au chef de l’État d’engager des consultations » , a-t-il déclaré sur sa propre chaîne de télévision Canale 5.
Que va t-il se passer dans les jours à venir ?
Le calendrier actuel prévoit l’adoption des mesures demandées par l’UE (cessions d’actifs publics, libéralisations de professions réglementées, etc.) d’ici au 18 novembre au Sénat et avant la fin du mois à la Chambre.
M. Berlusconi a souligné qu’il demanderait à l’opposition centriste et de gauche de les voter pour accélérer le processus.
Pourquoi cette annonce est-elle historiquement surprenante ?
Après 17 ans de pouvoir, ce départ est historique. Silvio Berlusconi est le président du Conseil à la plus grande longévité sous la République italienne (plus de huit ans cumulés début 2011). Il avait pour habitude de dire :
« Si je dois mourir, je le ferai dans l’hémicycle. »
Même l’AFP, habituellement très littérale dans sa titraille, ose un très romanesque « Silvio Berlusconi se sacrifie sur l’autel de la crise de l’euro » comme intitulé.
Pourquoi est-elle, finalement, plutôt attendue ?
Hier, dans un autre entretien, avec la chaîne publique Rai Uno, Berlusconi a dit avoir « éprouvé une grande tristesse et même de la douleur »
face à la dissidence de sept membres du PDL, avec lesquels il avait « un rapport non seulement de collaboration politique, mais humain d’amitié ».
En effet, cela faisait un moment que Berlusconi connaissait la désolidarisation au sein de son parti. Depuis lundi, la presse (dont BBC) avançait déjà que la démission du Cavaliere n’est qu’une question de jours ou d’heures, nous rapportait Metro (qui titrait son papier « Vers la fin de Berlusconi ? ») en début de semaine. Une annonce que Berlusconi s’est employé à démentir.
« Que Berlusconi soit sur le point de céder la place c’est désormais une chose claire, c’est une question d’heures voire de minutes », avait affirmé M. Ferrara, directeur du journal de droite Il Foglio et considéré comme un conseiller écouté du chef du gouvernement.
Mais comment expliquer la longévité politique de Berlusconi ?
Le docteur en sciences politiques Pierre Musso, auteur de nombreux ouvrages sur l’homme politique italien, explique ce succès par 3 facteurs :
– politiques : une alliance très forte de toutes les droites (notamment avec la Ligue du Nord) ; la faiblesse et la division de la gauche et du centre-gauche et la bipolarisation de la vie politique italienne, peu à peu transformée en « bipersonnalisation » par il Cavaliere.
– symboliques : le modèle « État entreprise », basé sur les dogmes de l’efficacité, de la culture du « faire » et du travail. Le tout combiné aux valeurs et à l’éthique catholique, dominante en Italie (famille, travail, questions morales).
– techniques : conquête et exercice du pouvoir inspirés du marketing, tradition du talk-show et de la télé-réalité. Les citoyens sont envisagés comme un public de consommateurs.
Qui cette démission rassure t-elle ?
Les citoyens italiens lassés des incartades de leur président du conseil des ministres et histoires de parties fines devenues caractéristique du Cavaliere. Les marchés ; comme l’a titré Le Figaro tard hier soir, elle « soulage Wall Street ».
« La Bourse de New York a fini en hausse ce mardi, le marché accueillant avec soulagement l’annonce de la démission du chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi ».
Les indices ont déjà gagné des points, explique Challenge.
En savoir plus
– En 1977, il est fait « chevalier de l’ordre du travail ». C’est ce qui lui vaut son surnom d’il Cavaliere. – Silvio Berlusconi se définit comme anticommuniste depuis l’âge de 11 ans. En effet, il explique avoir été « agressé par des activistes communistes qui voulaient l’empêcher de coller des affiches ». – Il a souvent été qualifié de « homme d’affaire à la tête d’un Etat ».
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