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Culture

Trois romans (et un poème) pour découvrir la Beat Generation

La Beat Generation est un mouvement littéraire qui a chamboulé l’Amérique puritaine des années 50 par son goût pour la provocation. Plongée en trois oeuvres dans cet univers sulfureux.

Vous sentez cette odeur de cigarette froide ? Vous entendez ce vieux solo de trompette fatiguée ? Vous entendez ces gémissements lubriques ? C’est la Beat Generation qui vous parle encore, 60 ans après avoir révolutionné la culture américaine.

Nous sommes dans les années 50 et les États-Unis commencent à se remettre de la Seconde Guerre Mondiale. Tout une jeunesse qui n’a pas été au combat se retrouve coincée entre la morale de papa et les peurs de maman (ou l’inverse). Elle écoute du jazz, celui de Charlie Parker, révolutionnaire et controversé : le bebop.

C’était le calme avant la tempête. Neal Cassady, la muse beat, débarque à vive allure à New York, et l’étincelle prend : toute une jeunesse américaine va faire crier à l’indécence par ses créations provocatrices.

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Neal Cassady était notamment ouvertement bisexuel : un choc pour l’époque 

Homosexualité, drogue, violence, sexe… l’Amérique puritaine s’offusque. La jeunesse, elle, se déchaîne, et bientôt des artistes comme Bob Dylan ou Jim Morrison transformeront l’impulsion Beat en un courant international. Du mouvement hippie jusqu’au rock psychédélique, les influences de la Beat Generation sont revendiquées fièrement.

Mais comment tout cela a-t-il commencé ? Grâce à quelques auteurs incontournables qui innovèrent non seulement par leurs sujets de prédilection, mais également en terme de techniques littéraire. Plongée entre le stupre et la luxure chez les auteurs Beat.

Jack Kerouac, Sur la route

Ce roman est sans aucun doute le plus connu de la Beat Generation, et c’est en général par lui que l’on découvre ce mouvement culturel. La légende voudrait qu’il ait été écrit d’une traite par Jack Kerouac usant jusqu’à la corde une machine à écrire sur un unique rouleau de papier.

Sur la route a été adapté en 2012 par Walter Salles 

Influencé par la musique jazz, et son charismatique ami Neal Cassady, Jack Kerouac raconte ses voyages en voiture aux États-Unis et au Mexique dans un rythme effréné qui rend parfois la première approche de ce roman difficile.

Mais qui tient bon et dévore ce roman s’en relève avec une irrépressible envie de voyage et de… transgression. La galère, l’obligation d’économiser le moindre dollar pour rouler un peu plus loin, les effets pervers des drogues : tout est décrit avec un réalisme qui ne prend pas le temps de s’appesantir.

La censure a obligé Kerouac à remanier son oeuvre plusieurs fois, même si depuis il existe des éditions originales disponible en français :

À lire aussi : Sur la Route de Kerouac : Le rouleau original

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William Burroughs, Le Festin nu

Pour vous présenter un peu le personnage, je vous dirai que Burroughs a tué sa femme par balle… En voulant jouer à Guillaume Tell. Cet esthète fasciné par les armes à feu ne s’en remettra jamais et sombrera dans l’usage des drogues les plus dures.

En 1991, David Cronenberg adapte Le Festin nu au cinéma 

Le Festin nu est le récit de sa plongée dans l’enfer des psychotropes, mais son intérêt ne se limite pas à son sens du trash. Tout d’abord, Burroughs est un des premiers auteurs du siècle dernier à raconter par le menu ses expériences homosexuelles, quitte à devoir affronter la censure et les procès pour obscénité. Ensuite, il est l’inventeur du cut-up, une technique littéraire perturbante… Et audacieuse.

Le cut-up consiste à réduire son texte à de minces bandes de papier qui seront alors réarrangées, voir répétées plusieurs fois, pour créer une rythmique entêtante où se perd le lecteur. Déstabilisante, la lecture du Festin nu doit être vécu comme une expérience sensorielle.

L’univers angoissant de Burroughs s’étalera dans la culture des années 70 à 80, inspirant notamment le jeune Kurt Cobain.

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Allen Ginsberg, Howl  

Je triche un peu et je vous propose une petite pause poésie pour vous introduire à l’univers d’Allen Ginsberg grâce à son plus célèbre poème : Howl.

Ce poème est considéré comme le cri déchirant des angoisses d’une génération : le Moloch, sombre créature moderne, vient détruire tout ce qu’il y a de beau et de libre.

« Moloch en qui je m’asseois et me sens seul ! Moloch où je rêve d’Anges ! Fou dans Moloch ! Suceur de bite en Moloch ! Sans amour et sans homme dans Moloch !

Moloch qui me pénétra tôt ! Moloch en qui je suis une conscience sans corps ! Moloch qui me fit fuir de peur hors de mon extase naturelle ! »

La ponctuation se délite et n’est plus tant grammaticale, syntaxique, que respiration affolée et rythme :

« J’ai vu les plus grands esprits de ma génération détruits par la folie, affamés hystériques nus, se traînant à l’aube dans les rues nègres à la recherche d’une furieuse piqûre, initiés à tête d’ange brûlant pour la liaison céleste ancienne avec la dynamo étoilée dans la mécanique nocturne, … »

Ce poème, d’une force et d’une rage rare, sera également l’objet d’un procès pour obscénité, que Ginsberg remportera, échappant ainsi à la censure.

https://youtu.be/dtflS5wCbjw

 En 2010, le film Howl de Rob Epstein et Jeffrey Friedman relate la période du procès pour obscénité de Ginsberg avec James Franco dans le rôle principal. 

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Charles Bukowski, Journal d’un vieux dégueulasse 

Bukowski arrive un peu tard dans l’histoire de la littérature pour être considéré comme Beat, et pourtant cette réputation lui colle à la patte. Comme il s’agit de mon auteur préféré, on va en parler quand même.

Bukowski est un vieux dégueulasse. Battu par son père, alcoolique, ayant cumulé les petits boulots, il mène une vie de misère avant de connaître une consécration littéraire tardive. Entre-temps, il a écrit, beaucoup, dans l’inquiétude permanente de ne pas parvenir à (sur)vivre de son art.

Ses écrits sont époustouflants par leur grande sincérité. Bukowski ne nous épargne rien : le sexe sale, la médiocrité, la mesquinerie, la futilité de l’existence. Mais surtout, il ne s’épargne pas lui-même, comme dans cette scène, pathétique, où il décrit la façon dont il apprend l’existence du cunnilingus à 60 ans passés — cunnilingus qu’il pratique alors péniblement.

Les femmes sont au centre de son écriture. Souvent folles, paumées, elles n’en sont pas moins étrangement respectées. Disons qu’au milieu d’une littérature Beat où les femmes font tapisserie, Bukowski affirme son désespoir d’homme vieux, laid, pauvre, cherchant désespérément à plaire. Cette quête pathétique n’est pas masquée par des effets de manche pour se sauver la face : il inspire la pitié et il le sait, mais son physique rude de boxeur, une vie particulièrement difficile et, sans doute aussi, le génie, lui permettent de sublimer cette crasse.

À voir : son seul passage à la télé française, dans l’émission Apostrophes où, ivre mort, il finit par quitter le plateau, a marqué les esprits. Rongé par la timidité, il était incapable de s’exposer au public en étant sobre.

Il y a, dans la quête effrénée vers la reconnaissance de ce gros ours bourru, quelque chose d’attachant, qui transpire plus que jamais dans son Journal d’un vieux dégueulasse.

Son pseudonyme, Henri Chinaski, a inspiré le personnage d’Hank Moody dans la série Californication.

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La littérature Beat mérite au moins un coup d’oeil curieux par quiconque veut comprendre la culture de notre époque : des Rolling Stones à Cronenberg en passant par Bob Dylan, nous sommes chaque jour redevables, sans le savoir, de ce grand mouvement de rébellion folle que fut la Beat Generation !


Écoutez Laisse-moi kiffer, le podcast de recommandations culturelles de Madmoizelle.

Les Commentaires

11
Avatar de jeanneestjeune
11 août 2014 à 19h08
jeanneestjeune
 La beat générations 
Plus sérieusement, j'ai très récemment finit de lire le livre "Un truc très beau qui contient tout", c'est un receuil des lettres du grand Neal Cassady, lettres qu'il écrivait a ses amis Kerouack, Holmes ... Et j'ai trouvé que ca ressassait plutôt bien l'histoire des ces jeunes gens très talentueux. Puis a la fin on tombe un peu amoureux de ces héros vivants
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