Hier matin, ma moitié chérie a englouti quatre croissants. QUATRE CROISSANTS, je dis ça tout à fait sans jugement, chacun son poison – en ce qui me concerne, je pourrai passer le restant de mes jours à manger du chocolat au lait. Ou de la pizza. Ou alterner les deux, histoires de diversifier les poisons.
Mais bref : lorsque ma moitié finissait un croissant, je voyais bien que sa dernière bouchée lui semblait tellement délicieuse qu’il ne pouvait pas résister à l’envie d’en prendre un autre.
Figurez-vous que ce phénomène-là est aussi une préoccupation scientifique : quels sont les facteurs qui influencent nos envies alimentaires ? Pourquoi ne peut-on pas manger seulement trois chips ?
Les chercheurs-ses Emily Garbinsky, Carey Morewedge et Baba Shiv se sont penché-e-s sur le sujet et ont mis au point une série de recherches sur la manière dont se forme notre mémoire de la nourriture et sur la façon dont cette mémoire alimentaire guide nos envies culinaires…
Dans un papier publié dans la revue Psychological Science
, l’équipe menée par Garbinsky explique que notre mémoire alimentaire (et tout spécialement le souvenir de notre dernière bouchée) et la taille des portions que l’on mange pourraient être deux facteurs importants pour comprendre ce que l’on a envie de manger et quand on a envie de le manger.
Une assiette trop remplie mènerait à moins de plaisir
Dans l’une de leurs expériences, les chercheurs-es demandent à 134 étudiant-e-s de prendre trois types de crackers et d’en choisir un pour le manger.
Une fois le choix fait, les scientifiques mettent un nombre spécifique de crackers à la disposition des étudiant-e-s : à certain-e-s, ils donnent 15 crackers, à d’autres, ils n’en donnent que 3. Pendant leur dégustation, les participant-e-s évaluent combien ils ont apprécié chaque cracker à chaque fois qu’ils en avalent un.
En analysant les appréciations des sujets, Garbinsky et ses collègues s’aperçoivent que les participant-e-s qui ont mangé une portion plus importante (les 15 crackers) ont pris moins de plaisir à la fin de la dégustation que celles et ceux qui avaient à disposition des portions plus petites (3 crackers).
Ce premier constat est cohérent avec un bon nombre d’expériences existantes à propos de la « satiété sensorielle spécifique » : plus les portions sont grandes, moins on apprécie les dernières bouchées – autrement dit, au-delà d’un certain nombre de chips, chaque bouchée devient moins plaisante que la précédente.
Ma dernière bouchée de pizza aurait une sacrée influence sur mes futures envies de pizza
Les chercheurs-es font un second constat : cette fameuse dernière bouchée aurait une influence sur le moment où nous souhaiterons remanger le même aliment.
À la fin de l’expérience, Garbinksy et ses acolytes proposent aux étudiant-e-s de leur envoyer une boîte de crackers et leur demandent à quelle date ils souhaitent recevoir ce cadeau…
Les participant-e-s qui ont mangé peu de crackers (et qui ont donc eu une dernière bouchée agréable) souhaitent la recevoir plus tôt que celles et ceux qui ont avalé une quantité plus importante de crackers. Autrement dit, le goût de nos dernières bouchées, lui-même lié à la taille des portions de ce que l’on mange, nous marque à tel point qu’il va avoir une influence sur le moment où l’on souhaitera manger cette nourriture à nouveau.
Si j’engloutis un paquet de M&M’s version XL, il est probable que les derniers bonbons ne me semblent plus aussi délicieux, et que j’attende plus longtemps avant de racheter un nouveau paquet (non).
En somme, ce que nous disent les chercheurs-es, c’est que notre mémoire sensorielle intervient dans la manière et la fréquence avec lesquelles nous mangeons un type de nourriture en particulier. Consommer des quantités plus importantes de nourriture pourrait diminuer notre plaisir à manger, et ce déplaisir pourrait avoir un impact sur la fréquence avec laquelle nous souhaitons manger cette même nourriture.
Avec de multiples variations de ces expériences, l’équipe menée par Garbinsky a continué d’explorer notre rapport à la nourriture et les facteurs qui pouvaient influencer ce que l’on mange, quand on le mange et comment on le mange.
À la manière d’un Zermati, les chercheurs-es soulignent par exemple que la « conscience de manger » joue également un rôle important : lorsque nous avons conscience de manger et d’avoir du plaisir (en d’autres termes, si l’on « déguste »), nous serions plus à même de modérer notre consommation – et donc, en suivant leur raisonnement, d’avoir plus de plaisir à manger.
Pour aller plus loin :
- Le communiqué de Psychological Science
- Un article du Scientific American
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