Nous sommes en 2004 et tout le monde porte des chaussettes rayées avec option doigts de pieds découpés.
Deux individus s’arrêtent dans la rue, rient bruyamment en dévoilant leurs dents couvertes de métal. L’un d’eux semble s’être arraché l’élastique. Son orthodontiste lui avait pourtant bien répété de ne pas trop ouvrir la bouche. L’intérieur de sa joue saigne et, en plus, le surveillant sexy (celui qui ressemble à Pete Wentz) vient d’apparaître tel un Pokémon rare sur l’autre trottoir.
L’un des deux spécimens soulève mollement sa mèche noire corbeau pour prendre connaissance de la scène qui se déroule devant ses yeux, ébloui par la lumière. La vue de sa partenaire de cantine, la bouche en sang, tentant de sauver sa dignité en cherchant à tâtons un Kleenex dans la poche avant de son Eastpak, lui arrache un rire (très) franc.
Ni une, ni deux, l’amie fort peu compatissante sort son Sagem et prend une photo. Une photo à mettre sur son Skyblog. Avec une description surlignée en dégradé mauve. Et tenter de récolter des comz.
Une photo que tout le monde a déjà prise… Un peu comme toutes celles-ci.
Les photos de pieds
Une sortie au ciné ? À Nigloland ? Au Mim du coin de la rue ? Chaque rituel de cohésion avec tes amis méritait largement sa photo de pieds. Mais pas n’importe laquelle.
Un rassemblement de Puma, Vans, DC Shoes, O’Neil et Chaussea, marchant toutes ensemble dans la même direction. Des pieds se touchant par les orteils en faisant fi des différences. Voilà la belle image véhiculée par ce cliché pris à l’interclasse, aussi vite que l’éclair sur le sol du préau.
Merveilleuse idée pour prouver à la Terre entière que même si tu portais des rajouts verts derrière la nuque, tu avais des ami•es dévoué•es (et à la basket éclectique).
Les photos « étoile avec les doigts »
Plus ton étoile possédait de branches, plus la grandeur de ta réputation était élevée. Il y avait ces nanas qui postaient sur Internet d’énormes formes qui ressemblaient à une représentation simplifiée de MST. Elles avaient grave la classe.
Moi, mon étoile avait six branches. Et ça suffisait à me donner assez de confiance pour porter des bracelets en mousse à damier sur chaque poignet.
Tu remarqueras qu’à cette époque, je n’avais qu’une seule paire de chaussures, car elle avait déjà bien assez coûté cher à mes parents. #UnEuroPourMesConverses
Les photos façon ombres chinoise
Mais seulement « façon ». Parce qu’en vrai, la photo ressemblait plus à une affiche de propagande pour les témoins de Jéhovah qu’à un souvenir de pique-nique arrosé au Get 27, rythmé par un Je n’ai jamais endiablé.
« Je n’ai jamais : eu l’impression que la cinquième personne en partant de la gauche avait l’air de poser son énorme pénis sur le front de son voisin. »
Les photos colorisées par endroits
Ma vie de lycéenne a été marquée par deux choses : l’interdiction de porter des bijoux pointus dans l’enceinte de l’établissement et Photoshop.
Tandis que certains usaient du flou gaussien et des brushs, j’étais déjà bien contente de savoir redimensionner une image et y ajouter du contraste. Pourtant il m’en fallait plus, toujours plus. Je me suis alors mise à la recherche d’un tuto complet pour faire de moi la nouvelle meuf à qui on demandait des commandes personnelles genre : « Tu peux mettre ma tête à la place de sa copine (et ajouter un peu de fumée autour de nous) ? Mici ».
Je suis tombé sur un topic qui expliquait pas à pas comment mettre certaines parties de la photo en noir et blanc, laissant quelques espaces colorés. J’en ai rapidement fait ma spécialité.
Ma grande spécialité.
Travaux sobrement intitulés « Je pense que je vais sécher le cours de sport parce que j’aime rien dans la vie » et « Je pense que je vais sécher le cours de sport parce que j’aime rien dans la vie à part les cornichons géants du MacDo ».
Les photos de trucs en contre-plongée
Pas de face, encore moins de profil, surtout pas en hauteur : pour briller il fallait se démarquer. Trouver des angles intéressants, des sujets originaux, faire de ton objectif un œil à détecter l’éblouissant.
Laisse moi te parler d’un tip de pro. Celui de ceux qui pesaient, celui de ceux qui savaient. Le gymnase, ton chien, ta mère, ton teint orangé… c’est dingue comme à la fin des années 2000, tout avait l’air plus beau en contre-plongée.
Les photos de gens prises (super) furtivement
Au collège (ou au lycée), ne nous leurrons pas, environ 80% des personnes autour de toi (et souvent toi y compris) étaient trop timides pour traverser la cours et lancer un très sobre et détaché « Salut Loïc, tu veux pas sortir avec moi ? Ou sinon, ton pote c’est bien aussi ».
Alors nous restions là, à espionner l’élu•e louée dans notre journal intime, à travers les trous d’aération d’un casier, ou caché•e dans l’obscurité des toilettes éteintes. En fait, à 15 ans, toi et moi on faisait vraiment flipper.
« He was a sk8ter boy. I was a weird girl. End of the story », écrit au blanco sur une chaise de la perm’.
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Les photos avec des miroirs
C’est dingues le nombres de clichés tout à fait originaux que peut produire un simple miroir. En une seconde, te voilà face à ton double maléfique ou réalisant une pose légère à la gloire de Satan sous la forme d’un groupe punk-rock.
C’est magique.
Des photos dans Roller Coaster Tycoon 3
Encore mieux si tu pouvais faire poser ton personnage éponyme dans un parc d’attraction à la gloire de Tokio Hotel.
Et toi, c’était quoi ton type de photo au collège ou au lycée ?
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