Article publié initialement en avril 2020
C’est un drôle de moment pour parler de vacances en famille, la plupart d’entre nous ne pourrons pas profiter de nos privilèges estivaux cette année. Ou du moins pas comme nous l’aurions voulu.
Nous avions organisé notre voyage il y a longtemps, bien avant que cette crise sanitaire que certains indécents qualifient de guerre (désolée, non) ne nous frappe de plein fouet. La destination a changé au dernier moment, mais nous sommes partis quand même et c’est ce dont je vais te parler aujourd’hui.
Peut-être qu’après avoir lu cette chronique, tu ne voudras plus jamais partir en vacances en famille de ta vie, et je crois que c’est un moment opportun pour considérer que finalement les vacances, c’est très surfait et qu’on est bien mieux confinés à la maison.
Les vacances quand tu n’es pas parent
Je me souviens de mes vacances lorsque j’étais encore célibataire. Je choisissais une destination lointaine, aussi sauvage que possible. Je bouclais mon sac à dos et je me lançais à l’aventure avec ma spontanéité comme seule compagne.
Je ne savais jamais le matin où je dormirais le soir. J’en ai passé des nuits à la belle étoile sur des plateaux escarpés de la cordillère des Andes, des plages sauvages néo-zélandaises et des vignobles sud-africains.
Mes voyages s’illuminaient de mille rencontres, notamment lorsque des locaux passionnants m’offraient généreusement un petit coin de paillasse. Aventure et immersion totale, voilà ce qui définissait mes vacances.
D’ailleurs, pouvait-on vraiment parler de vacances ? Ce terme réducteur parvenait-il seulement à résumer le tiers du quart de l’expérience humaine incroyable que j’avais la chance de vivre ?
Tout ceci est bien entendu totalement faux.
Mes vacances les plus extrêmes se sont résumées à réserver des tickets pour le festival d’Arras avec hébergement au camping adjacent, et à annuler au dernier moment tellement l’idée de dormir dans une tente surchauffée au milieu d’une foule en délire m’était insupportable.
Le All Inclusive, ce concept infernal
L’Hôtel All Inclusive, ou tout compris, c’est une formule de vacances tout compris. De rien. Le principe est simple, tu as accès à la nourriture et à la boisson à volonté. L’hôtel propose également de nombreuses activités sportives et ludiques qui permettent aux vacanciers de ne pas quitter l’établissement sans s’ennuyer pour autant.
Ce type de formule est très plébiscité par nos ainées et par les familles avec des petits enfants, mais souvent méprisé par le reste de la population.
Quelle misère ! Te dis-tu, sentant venir la chronique déprimante où l’on t’explique que lorsque tu as des enfants, tu es condamnée à danser la chenille avec des octogénaires en slip de bain et siroter des Virgin Mojito dégueulasses (l’allaitement, tout ça) dans lesquels tu as discrètement supplié la barmaid de te vider une demi-bouteille de rhum.
Si tu es childfree, tu te gausses en me lisant (à moins que tes règles ne tardent à venir ce mois-ci auquel cas c’est la crise d’angoisse assurée…). Décidément, tu as fait le bon choix.
Si tu es enceinte ou fraîchement parent, tu as follement envie de rassurer le childfree ci-dessus, NON TOUS LES PARENTS NE VONT PAS EN CLUB DE VACANCES OU EN ALL INCLUSIVE. NOTRE VIE EST BIEN. ARRÊTEZ DE DIRE QU’ON A UNE VIE POURRIE C’EST PAS VRAI #notallinclusive. Tu ne seras jamais comme ça, hein ? Pas vrai ?
J’étais comme toi, mais la fatigue et une épidémie dont on parle beaucoup actuellement sont venus réduire à néant nos rêves de périple familial.
Et puis au milieu de cette débandade, a surgit le plan B et sa destination ensoleillée où l’on nous promettait de s’occuper de tout à notre place. C’était trop tentant et je ne regrette rien.
L’hôtel All Inclusive le paradis des petits et des grands
J’ai lu sur Internet que les hôtels All Inclusive n’étaient pas uniquement fréquentés par des seniors et des petits enfants.
Ce témoignage ne concernait pas notre établissement où les rares individus issus d’une tranche d’âge différente n’étaient là que pour superviser les sus-cités et éviter qu’ils ne fassent caca dans la piscine où reprennent un 5ème mimosa pour le petit-déjeuner.
L’humain très jeune et l’humain très âgé ont beaucoup plus de points communs qu’on ne le pense et c’est pour ça que la cohabitation se passe souvent si bien.
Le petit trésor va par exemple se mettre à hurler et se rouler par terre car la piscine a l’outrecuidance d’être fermée à 5 heures du matin. Le vieux monsieur, lui, est absolument, et bruyamment scandalisé (du moins, si j’en crois les commentaires que j’ai trouvé sur Trip Advisor) car le bar n’ouvre pas avant 10 heures.
La similitude se poursuit quand on aborde l’aspect vestimentaire. L’adorable petit homme, bedaine en avant et peau blafarde tartinée de crème solaire indice 500, arbore fièrement une casquette anti-UV avec une petite voilette dans le cou qui lui confère des airs de légionnaire.
Comme le Ying face à son Yang, la personne âgée, bedaine en avant, affiche un teint cramoisi rehaussé d’un chapeau de crocodile ou de cow-boy.
La portion de vie restante qui s’étend devant le petit légionnaire et son ainé crocodile Dundee est soit bien trop longue, soit bien trop courte pour s’embarrasser des conventions soporifiques qui jonchent le quotidien.
Slows enflammés dans les bras du chanteur venu faire l’animation du samedi soir, course le cul à l’air au milieu de la salle de restaurant, séances d’aquagym, orgie de jus de fruits alcoolisés ou non, on est là pour vivre sa meilleure vie, bercé par les regards bienveillants des uns et des autres puisqu’en plus de beaucoup se ressembler, les seniors et les juniors s’entendent à merveille !
Et vas-y que tu me fais des coucous au bord de la piscine, et que je minaude à mort parce que j’ai compris que contrairement à ma mère tu allais me laisser boire dans ton verre de coca cola,.
Et vas-y que tu me gaves de gâteau dès que ton père a le dos tourné, et vas-y que je me trompe et t’appelle maman, et que tu glousses tout poitrail dehors parce que tu pourrais être la grand-mère de ma vraie maman (enfin en théorie, en pratique la maman en question – élégamment échouée sur une chaise longue, l’œil vitreux et le tie and dye jaune cachant difficilement des cheveux blancs de plus en plus nombreux – pourrait avoir 500 ans sans que cela n’étonne personne).
Les vacances All Inclusive : mon enfant et celui des autres
Au détour d’un transat, il arrive que nous croisions un autre enfant, également accompagné de son couple de serfs.
Rapidement, les deux petits cœurs commencent à se mettre sur la tronche à coup de pelles et de moules en forme de coquillage en hurlant « NAAAANNNN A MOIIIII !!! » comme le veut la coutume quand tu as deux ans et que tu rencontres une personne du même âge que toi.
La régente du petit trésor qui est présentement en train de se bastonner avec le mien me signifie avec les yeux qu’elle est désolée.
Je l’entends qui s’oppose mollement : « – Chérie arrête de taper la petite fille, c’est pas très gentil……. » et comme de bien entendu la chérie en question ne s’exécute pas et continue de harceler ma fille qui ne va pas tarder à lui arracher la rétine avec son râteau en plastique bleu.
Monsieur papa est loin de passer un mauvais moment. Il sirote une bière fraîche en appréciant ce spectacle de gladiateurs improvisé.
Il a misé tous ses sesterces sur sa progéniture qu’il acclame bruyamment lorsque celle-ci brandit une touffe de cheveux qu’elle vient de prélever sur le crâne de son ennemie.
Les hurlements rageurs s’intensifient, ce qui nous vaut quelques regards agacés de la part des plagistes, alors l’autre mère se traîne de nouveau vers son transat, sa fille sous le bras.
Moi, je n’ai pas bougé un orteil de tout le temps qu’a duré la petite affaire, je suis là pour me détendre.
Au loin, une voix dans le microphone nous informe que le concours de pétanque aquatique ne va pas tarder à commencer. Une horde de seniors se meut d’un coup, très stimulés par la perspective de l’activité de groupe.
Si ma fille ne comprend pas les tenants et les aboutissements de la manœuvre, elle saisit en revanche qu’il se passe quelque chose d’excitant et la voilà qui à son tour s’élance vers la piscine.
J’évalue la situation et il me semble que nous avons encore quelques secondes avant qu’elle n’atteigne le bord de l’eau. J’avise mon mari et nous lançons une partie de pierre feuille ciseaux afin de désigner celui qui devra lever son derrière pour aller la repêcher.
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