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Source : Merie Wallace/Courtesy of A24
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Ma mère et moi, entre autorité et incompréhension

Pour la fête des mères, cette lectrice nous parle de sa relation compliquée avec sa mère, marquée par sa sévérité.

Quand j’étais petite, ma mère et moi n’étions pas du tout proches. Je n’ai pas de souvenir heureux ou agréable avec elle.

Elle n’a jamais été très tactile ni démonstrative au niveau affectif (peut-être est-ce dû au fait qu’elle est arrivée en France quand elle avait huit ans, à cause de la guerre du Vietnam).

Je me souviens juste de ces longs moments où elle me criait dessus, me reprochant de n’avoir « que 18/20 », parce qu’« apprendre par cœur, c’est à la portée de n’importe qui », et des heures passées à me faire retenir mes leçons.

À lire aussi : Le culte des ancêtres — Carte postale du Vietnam

Une mère stricte

J’avais quinze minutes pour apprendre par cœur, puis je devais être capable de tout réciter à la virgule près. Si jamais je prenais plus de deux secondes pour me rappeler d’un passage, je devais recommencer depuis le début, et ça ne s’arrêtait que lorsqu’elle était satisfaite. Je finissais souvent en larmes à cause de ça…

Elle voulait que je porte des jupes roses et que je joue à la poupée, alors que je voulais jouer au foot, mettre les affaires de mon grand frère et bricoler avec mon père.

En public, tout allait bien dans le meilleur des mondes, elle était fière de moi et de mes frères. D’ailleurs, elle a souvent eu des gestes affectifs avec eux et mes cousins ; la dernière fois qu’elle m’a fait une sorte de simili-câlin (soit pris ma tête pour la poser sur son épaule) j’avais quatorze ans, on était dans un bowling et son copain du moment était en train de nous filmer…

Par ailleurs, elle n’a jamais rencontré mes meilleures amies du collège. Pour chaque sortie, après-midi ou anniversaire, il me fallait les numéros des parents de chaque enfant présent, leur adresse, et je devais indiquer à ma mère qui venait, à quelle heure chacun•e repartait, comment et avec qui, ce qu’on allait faire et où

À cause de ça, je n’ai commencé à voir mes amies en dehors des cours qu’une fois arrivée en terminale.

Le lycée et le changement

Pendant des années, chaque jour, elle m’engueulait pendant quinze minutes parce que je n’avais pas fait telle ou telle chose (mes devoirs, rangé ma chambre, fait la vaisselle…). En entrant au lycée, je suis partie vivre avec mon père à plus d’une heure de route de chez elle.

Quand je la revoyais le week-end, elle était en colère contre moi car je « les avais abandonnés, elle et mon petit frère », que je me « croyais dans un hôtel chez elle ». Ça s’est arrêté de manière très bizarre deux ans plus tard, peu avant le nouvel an : un jour, elle est partie, une matinée, vers 11 heures, sans rien dire (sûrement à un rendez-vous de travail).

Elle n’avait laissé aucune consigne pour le repas du midi. J’ai donc commencé à faire la cuisine pour mon frère et moi vers 13 heures. Quand elle est rentrée une vingtaine de minutes plus tard, elle m’a crié dessus parce que ce n’était pas ce qu’elle avait prévu à manger.

J’ai craqué, j’ai fait ma valise et je suis partie chez mes grands-parents qui habitaient le même village qu’elle avant de rejoindre mon père.

Après ça, j’ai refusé de la voir pendant trois mois.

J’étais contente : la conversation était presque normale, j’avais enfin pu avoir un semblant de dialogue avec elle !

Je lui ai envoyé un mail pour lui exprimer mon ressenti, pour lui prouver que je n’étais pas une incapable comme elle en avait l’impression. Je ne sais plus exactement ce qu’elle a répondu, mais elle paraissait ne rien vouloir savoir. Discuter avec elle n’est pas possible car elle pense avoir toujours raison.

Un mois après le mail, j’ai eu les résultats du bac blanc : j’ai profité de l’occasion pour l’appeler et prendre de ses nouvelles. J’étais contente : la conversation était presque normale, j’avais enfin pu avoir un semblant de dialogue avec elle !

C’était la première fois qu’elle me semblait sincèrement gentille. J’ai passé le week-end suivant chez elle, et depuis, elle n’a jamais plus élevé la voix contre moi, et semble presque parfois s’inquiéter pour moi.

À lire aussi : Ma mère et moi, une relation difficile

Une histoire compliquée

Avant cette crise, les conflits étaient à sens unique : elle criait et si je voulais répliquer, elle répondait « TAIS-TOI ». Je n’ai jamais osé insister car j’ai toujours eu peur qu’elle me gifle. Cependant, encore maintenant, j’évite en permanence les sujets qui me concernent, et elle en fait autant.

Récemment, mes cousins m’ont dit que pendant les trois mois où j’ai refusé de la voir, elle appelait tous les soirs ses frères et sœurs pour savoir ce qu’elle devait faire, la situation étant difficile pour elle.

Il y a plein de choses comme ça que j’ai apprises par les autres membres de la famille, parce son orgueil l’empêche de m’en parler en face ; même si j’abordais le sujet, elle détournerait la conversation de manière à essayer de me faire culpabiliser pour autre chose.

Elle s’est aussi souvent servie de moi pour embêter mon père (avec lequel je n’ai pas forcément de meilleurs liens). Les aléas de la vie ont fait que j’ai été amenée à séjourner chez une amie pour finir le lycée.

Puisque ma mère avait mon petit frère à sa charge (l’aîné étant indépendant), elle ne voulait pas m’aider à payer le loyer et m’a harcelée (j’ai compris que c’était du harcèlement bien plus tard) pour que je rédige une lettre à un juge aux affaires familiales, dans le but d’obliger mon père à me verser une pension alimentaire — j’étais majeure avant d’entrer en terminale, donc c’était à moi de l’écrire.

La juge s’est prononcée en ma faveur, et mon père avait une dette équivalente à plusieurs mois de pension, qu’il m’a donnés en soustrayant les factures de cantine à la somme totale qu’il me devait. Ma mère n’a pas apprécié et m’a de nouveau harcelée (juste avant les épreuves du bac) pour que je signe une lettre qu’elle voulait remettre à un huissier de justice…

Depuis la première lettre au juge, et le temps que les tensions s’apaisent, deux années se sont écoulées, qui n’ont pas été évidentes.

Une relation mère-fille minimaliste

De tout ce qui m’arrive dans la vie, je ne parle à ma mère que du strict minimum. Elle ne sait pas quelles études je souhaite poursuivre par exemple (et même si je le lui disais clairement, elle oublierait trois jours après).

J’ai mis un an avant de lui apprendre l’existence de mon copain actuel. Et encore, c’est mon beau-père qui a abordé le sujet en me posant des questions sur lui, en me demandant quand est-ce qu’il viendrait à la maison. Ma mère… elle a ignoré. Simplement.

Elle ne me soutient dans rien, trouvant plus de problèmes que de points positifs dans mes idées et mes projets. Par exemple, je souhaite changer d’appartement, car celui qu’elle m’avait forcée à prendre alors que j’en paie les factures et le loyer me revient trop cher.

Je veux faire une coloc avec une très bonne amie, ce qu’elle refuse car elle n’y voit que des problèmes, comme le principe de la caution solidaire, et elle se demande comment elle ferait pour payer mon loyer si mon amie quittait l’appartement sur un coup de tête (alors que ma mère a des revenus très confortables).

Je reste persuadée que même si j’arrive à avoir un master ou un doctorat, à voyager à travers le monde grâce à un métier honorable et avec un bon salaire, elle ne sera jamais satisfaite de moi, elle trouvera toujours le petit détail lui permettant de me reprocher quelque chose.

Même si, en ce moment, la situation s’est calmée et qu’on parvient presque à avoir un dialogue normal (tant que quelqu’un d’autre est présent dans la pièce), elle me dit encore des choses comme « Tu es pire qu’une handicapée » ou « N’importe quel con peut faire ça », que je préfère ignorer…

J’espère sincèrement qu’un jour, on aura une vraie relation, un tant soit peu saine.

En conclusion…

Ma mère m’a mise au monde et m’a donné une éducation, mais je n’ai jamais ressenti ce lien mère-fille que j’ai pu constater chez d’autres personnes.

Comme je vous l’ai dit, je suis allée vivre chez une amie quand j’étais au lycée, afin de pouvoir finir ma scolarité. Le jour où je suis arrivée chez elle, sa mère m’a dit :

« Tant que tu vivras sous ce toit, je te considérerai comme ma fille : je t’engueulerai comme elle, je m’occuperai de toi comme elle, je t’aimerai comme elle. »

C’est là que j’ai commencé à accepter l’amour maternel d’autres personnes que ma mère. En ce moment, c’est avec la mère de mon copain que ce lien qui m’a manqué est en train de se créer : elle prend de mes nouvelles, on rigole beaucoup ensemble, etc. J’essaie cependant de prendre du recul, car j’estime que ce n’est pas à elle de me donner ce que j’attends.

Même si je ne suis pas proche de ma mère, qu’elle ne me tient jamais au courant de rien (elle est déjà allée plusieurs fois à l’hôpital pour des opérations, et à chaque fois je ne l’ai su que des semaines plus tard), que je ne prends jamais de ses nouvelles et qu’elle non plus, même si je ne supporte pas son caractère et ses manières de faire, je m’efforce d’aller la voir au moins une fois par mois, car elle reste ma mère et je dois faire avec.

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Les Commentaires

10
Avatar de camomille90
12 novembre 2016 à 19h11
camomille90
Je suis dans ce genre de cas...ma mère a toujours été très dure avec moi, c'est une femme autoritaire, colérique et stricte et face à elle j'ai toujours eu tendance à me demander comment elle me pouvait se défaire aussi facilement de tout ce qui était amour...et ne jamais faire tomber sa carapace ...Petite exactement comme dans ce témoignage, j'ai couvert mes cahiers d'école de larmes, il fallait que je sois parfaite et si le problème de maths était impossible à résoudre c'était que j'étais encore dans la lune, pauvre petite rêveuse que j'étais et de ce fait je devrai passer la soirée entière à me pencher dessus. Les cris, les baffes, décrochée à tord et à travers je les ai reçu pendant des années, parfois c'était très violent mais nous étions dans les années 90 et on était loin encore de se demander si la fessé était quelque chose de néfaste et d'humiliant. Arrivée à l'adolescence je paraissais dure moi aussi et insensible, ma mère au début de mon adolescence a cru qu'elle pouvait enfin m'accorder de l'attention, contente de voir que j'aimais mon corps, elle pris le parti de m'offrir des choses sexy (vers mes 12 ans) ...et oui c'est un peu tôt pour se sentir femme ^^ mais je crois qu'elle se sentait fière de moi à l'époque. Pourtant nous restions dans une distance raisonnable l'une et l'autre, et c'est mon père qui depuis toute petite prenait soin de moi et m'offrais de la sécurité affective. C'est vers l'âge de 16 ans que j'ai découvert que ma mère était très jalouse de moi et qu'elle rêvait que mon père me foute à la porte ou à l'hosto (car j'avais un tel problème d'estime et de confiance que je n'allais plus en cours et sombrais littéralement.) Pendant encore des années où j'allais bien puis mal elle me traitais de petite conne d'emmerdeuse et moi je la haïssais tout bonnement, préférant la voir comme un camionneur armé de son aspirateur ^^ (et oui ce n'était pas très sain notre relation). Inutile de dire que je ne lui parlais pas beaucoup quand je revenais vers mes parents (je suis parti à 17 ans dans une autre ville pour finir le lycée). Et puis je suis devenue adulte dans l'horreur et la douleur car j'ai développé des symptômes de phobies et d'angoisse atroces, A ce moment elle a cessé de m'en vouloir et nous avons eu un semblant de relation normale, mais qui cachait je crois la satisfaction qu'elle avait à me voir diminuée...il s'est passé nombres de choses douloureuse pendant les années qui suivirent (je ne m'épanche pas) puis la relation avec mon père est devenue aussi catastrophique car je sentais que depuis toujours il m'avait contrôlé et que je n'avais jamais pu m'épanouir en me sentant le droit d'exister pour moi même, si j'étais une femme je le décevrai...il y avait les coups aussi de sa part ...car il était trop déçu de qui j'étais devenue. Et puis un jour où mon père m'invita chez eux et parce que je le provoquais et avais une attitude de folle il me donna des coups et j'appela ma mère au secours, loin de me secourir ma mère me dit de laisser mon père tranquille et de me "calmer" ce jour là elle me parla de manière extrêmement humiliante et me donna une fessée comme à une gamine (j'ai 25 ans) puis dernière chose me demanda de cesser de l'appeler "maman" me menaçant de m’envoyer en hôpital psychiatrique. Evidemment tout ça c'est fini par un très charmant médecin connard de merde qui me traita de manipulatrice et qui me demanda de bien vouloir revenir avec ma mère à mon domicile ...car jamais les victimes ne sont entendues dans ce monde patriarcal elles restent quand elles sont violentée par leurs parents et les hommes des merdes qu'il faut enfermer ^^ du moins c'est ce qui c'est passé dans ma vie (je ne souhaite d'ailleurs ma situation qui encore pire à personne sauf peut être mes agresseurs.) en tout cas il me laissa partir seule à force de m'entendre me défendre e det le remettre lui et son manque de connaissance en matière de psychiatrie à sa place. Bref je ne reviendrai plus jamais dans cette maison où j'étais été élevée et j'ai fini par découvrir ce que ma mère clairement attendais: que je sois bien tuée moralement pour que mon père s'occupe d'elle et lui accorde son amour...La mère rêve de tuer sa fille pour être seule à régner et moi je me dis juste que je dois affronter la vie sans son aide sans son amour en ne demandant rien à mon père et en y arrivant seule...couper les ponts et se faire soi même.
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