Le premier épisode des Revenants est un modèle du genre. L’intrigue est amorcée, les personnages sont posés et suffisamment de questions sont introduites pour pousser le spectateur à regarder la suite. Le huitième et dernier épisode est l’exact inverse. Il ne se passe presque rien pendant toute l’heure jusqu’à une confrontation finale aussi vide de révélations que de sens, pour s’achever sur un dernier plan choc mais tout aussi creux. Ces deux pôles sont séparés par six épisodes d’une qualité variable mais souvent fascinants, ce que l’on espérait depuis des années d’une fiction française sérialisée. Et rien que pour ça, Les Revenants reste une petite victoire, un objet qui mérite d’être regardé de bout en bout et qui mérite une seconde saison, sur la base du bénéfice du doute.
Voilà pour la micro-critique de la série, ce qui devrait vous suffire pour savoir si cela vaut le coup d’offrir le coffret intégrale pour Noël. Place à présent à l’analyse plus profonde.
La série comporte cinq revenants, cinq revenus d’entre les morts pour troubler le quotidien d’une ville de campagne. Camille, petite fille morte dans (et responsable d’) un accident de car. Simon, musicien taciturne poussé au suicide le jour de son mariage pour une raison inconnue. Serge, serial killer plus ou moins reformé après avoir été tué par son frère. Victor, gosse creepy assassiné mais revenu avec des superpouvoirs. Et enfin « la vieille »
, qui est morte on sait pas comment et qui sert à on ne sait pas trop quoi.
Tous ces personnages viennent s’emboiter avec les vivants au fil des épisodes alors qu’ils se demandent pourquoi, comment ils sont revenus. Au cours de la saison on découvrira qu’ils ne peuvent pas (re)mourir et ont tendance à se putréfier. Certains ont des pouvoirs, comme Victor qui crée des hallucinations, Camille qui ressent ce que sa sœur jumelle ressent, ou la « reine » des revenantes qui a un vagin magique capable de communiquer avec les morts de celui qui la pénètre.
Et là vous vous dites que ça commence à faire beaucoup d’un coup. Mais c’est oublier tous les autres mystères chelous : pourquoi Victor est-il apparu lors de l’accident de Camille sept ans plus tôt ? Pourquoi Léna pourrit-elle aussi alors qu’elle n’est pas morte puis guérit sans raison ? Pourquoi les animaux de la forêt sont-ils partis se noyer ? Pourquoi Serge a été happé dans le lac ?
Entre mélange des genres du fantastique et mystères mystérieux, la série se perd dans sa propre mythologie et propose un final qui ne résoudra rien : une armée de revenants débarque, veut reprendre les morts intégrés à la communauté, mais aussi une vivante (ah okay ?) et repart. Le tout sans l’ombre du début d’une explication. Le spectateur finissant la saison aussi paumé que ses héros.
Le problème étant que thématiquement cela ne fonctionne pas non plus. À plusieurs moments on pense que les morts sont revenus pour une raison (Victor est vengeur, Simon veut sa femme, Camille cherche un sens à sa vie) mais on passe à côté de cette piste. Le final sous-entend que les morts reviendront se venger d’un accident de barrage d’il y a 35 ans. Cela non plus n’est pas exploré. La machine tourne à vide, empile ses mystères et s’en sort en faisant en sorte que les personnages ne parlent jamais de ce qui se passe, de ce qui leur arrive (syndrome Lost saison 3) de sorte que l’intrigue ne puisse pas avancer. En empêchant les personnages d’être réalistes, les scénaristes gardent le contrôle sur la trame et la mythologie. C’est tricher.
Alors pourquoi prendre la peine de regarder la série ? Pour tous les bons moments avant le désastre du final. Certaines scènes donnent des frissons, le bon genre de frissons. Les personnages, quand ils agissent comme des humains, offrent de très belles scènes. Et tant que l’on croit encore à la résolution des mystères, il souffle parfois des moments de poésie sur la série. Merci aux thèmes musicaux, très forts bien que revenant (wink wink !) un peu trop souvent. Le décor naturel aide également beaucoup. En se déroulant au bord d’un lac de montagne, Les Revenants rompt avec les fictions parisianistes et tire le meilleur de son environnement. Les scénaristes ont également beaucoup de tendresse pour leurs personnages féminins, beaucoup plus travaillés que leurs homologues masculins (qui sont dans l’ordre : suicidaire, tueur, bat sa fille, psychopathe, control freak).
Durant trois semaines, Les Revenants a su créer une atmosphère et donner corps à sa mythologie, en distillant révélations et nouveaux éléments avec assez de rythme pour nous coller au fauteuil, pour nous pousser à allumer le poste pour une fiction française. Si le final est une immense déception, il ne saurait effacer les bons moments du début de la saison.
Rendez-vous dans un ou deux ans pour un second round, le moment où l’on saura vraiment si les créateurs savent ce qu’ils font, ou si l’on avait affaire à une ratée française de plus.
Croisons les doigts.
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Les Commentaires
@Sophie-Pierre Pernaut : En fait, pour moi, Adèle n'est pas morte pour les autres mais ont a appris qu'elle a tenté de se suicider et a un moment est évoquée la possibilité qu'elle soit morte cliniquement (peut être comme Julie, peut être pas)... Mais on est sûres que c'est pour son bébé , déjà... Le reste n'est que supposition jusqu'à l'année prochaine T_T