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Société

Les Infiltrés (France 2) : retour sur une polémique journalistique

« Harder, better, faster, stronger », ce pourrait être le slogan de cette émission qui propose des images chocs, des révelations… Lancée le 22 octobre en deuxième partie de soirée, et présentée par David Pujadas, le procédé est clair : un journaliste s’infiltre dans un milieu, en utilisant caméra cachée et fausse identité, afin de filmer le système « de l’intérieur » et révéler ce qui se dit rarement sur les plateaux TV.

Au premier abord, on peut donc y voir de bonnes intentions ainsi qu’une volonté de chercher la vérité… Cependant, ce procédé pose problème à de nombreux médias, journalistes et syndicats.

Une exception comme base d’émission

Le problème soulevé est le fait de faire d’un procédé exceptionel (l’infiltration, c’est à dire la caméra cachée ET l’usurpation d’identité) le concept d’une émission toute entière, qui ne cherchera donc pas d’abord à obtenir ses informations de manière « loyale » avant d’avoir recours à cette technique.
En effet, ce procédé est plutôt réservé aux cas exceptionels : lorsqu’il y a danger pour le journaliste, ou lorsqu’il se révèle vraiment impossible d’obtenir des témoignages par un autre biais.
Comme le souligne cet article de Rue89, la qualité d’un reportage dépend tout d’abord de ses sources et à l’organisation des informations recueillies. Or, ici, passé le côté spectaculaire des révélations, il est difficile de débattre autour de témoignages ou de sources d’information.

Un programme qui inquiète la profession

Le Syndicat National des Journalistes, quant à lui, souhaite le retrait de l’émission.

Sa charte des droits et devoirs des journalistes évoque l’interdiction « d’invoquer un titre ou une qualité imaginaires, d’user de moyens déloyaux pour obtenir une information ou surprendre la bonne foi de quiconque ». On imagine alors facilement où se situe le paradoxe, d’autant plus que ladite charte est également évoquée par France 2, diffuseurs de l’émission.
Le communiqué du SNJ parle d’un concept dangereux « pour les rapports entre journalistes et citoyens qui sont fondés à penser que leurs propos peuvent se retrouver diffusés urbi et orbi, n’importe quand et n’importe où », ainsi que « juridiquement, puisque de nombreux contentieux peuvent surgir du fait que les personnes mises en cause, même « floutées », peuvent être reconnues dans leur entreprise, leur entourage, et ainsi se retrouver dans des situations très préjudiciables. »

Dès le 16 octobre, Jean-Michel Aphatie (chroniqueur sur RTL et Canal+) émettait également des réserves quant à ce procédé, critiquant un côté trop « spectaculaire » du journalisme.
Il revient sur ces faits le 24 octobre : David Pujadas et son équipe avaient défendu le procédé de caméra cachée en évoquant la « garantie de l’anonymat ». Or, en invitant sur son plateau la secrétaire d’Etat à la Solidarité, il paraissait évident que les choses ne pouvaient pas en rester là : en quelques heures, l’identité du lieu avait été découverte, et une enquête judiciaire annoncée. Sûrement une bonne nouvelle pour les occupants de cette maison de retraite, mais qu’en est-il du rôle du journaliste ? En voulant dénoncer un vaste système, on se retrouve avec des noms, des adresses et, au final, une secrétaire d’Etat qui résume ce cas à un « problème d’organisation » isolé et une journaliste qui n’apporte pas de précisions sur les « problèmes de budgets » et « une situation généralisée » qui avaient été évoqués lors du reportage : pas de confrontation, pas de comparaison, c’est ce qu’on reproche le plus à cette émission.

Une polémique qui enfle de jour en jour

Aujourd’hui, les sentiments sont donc partagés : la maison de retraite fait l’objet d’une enquête, ce qui pourrait se révéler être une bonne chose pour les pensionnaires. Cependant, il semblerait que les conclusions soient d’ores et déjà connues : un problème d’organisation isolé. Est-ce vrai, ou une manière d’enterrer le problème, on ne peut pas vraiment le savoir. Toujours est-il que cette affaire ne semble pas provoquer, au final, un changement ou une prise de conscience.
Certains échos félicitent aujourd’hui cette émission, apportant à leurs yeux du « vrai » journalisme, « de la réalité », « de la vérité ». D’autres reprochent aux journalistes d’avoir été là en amont, d’avoir lancé le sujet et les images, sans pour autant apporter assez de « matière » pour étayer leur propos et provoquer un réel débat sur les disfonctionnements de ces lieux.

L’émission ne s’arrête pas là puisqu’elle propose à présent de s’introduire dans la rédaction du magazine people Closer.

Et toi, où est-ce que tu te situes dans cette polémique ? A ton avis, quel est le rôle du journaliste ? Peut-il se contenter de rapporter des images, des faits de manière brute ? Ou a-t-il le devoir de confronter et de comparer les points de vues, afin d’offrir une vision des choses plus riche ?


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Les Commentaires

8
Avatar de Mio
29 octobre 2008 à 18h10
Mio
Je suis entièrement d'accord pour un dialogue avec tous les intervenants en cause, mais malheureusement, dsans la société actuelle, c'est de moins en moins possible, je ne veux pas paraître pessimiste ni rien, mais c'est un fait... .
Je me rappelle il y a quelque années, une vieille dame et sa famille avaient porté plainte contre le personnel d'une maison de retraite parce que les aides soignantes étaient violentes, elles se sont défendues en disant : "on ne frappe personne quand même! Ce qu'on fait, c'est leur tenir la bouche ouverte pour qu'ils finissent de manger le plus vite possible, sinon ça peut traîner pendant une heure, et on a pas que ça à faire ; ce qu'on fait aussi, c'est les sortir du lit à plusieurs le matin pour les poser sur une chaise le temps qu'on change les draps, vous imaginez si on attendait qu'ils prennent le temps de se réveiller?". Et ça s'est arrêté là, pas de discussions, le gouvernement ou je ne sais quoi était OK, et paf, affaire classée! J'ai trouvé ça vraiment immonde! Les aides soignants sont là pour rendre les derniers jours des personnes âgées les plus agréables possibles, s'ils pensent à eux avant tout, à leur fatigue personnelle, les sorties qu'ils prévoient après le boulot, etc. Ben fallait pas faire ce métier!

De nos jours, et encore plus depuis Sarko, il me semble que le dialogue diminue de plus en plus, que ce soit pour des choses comme ça ou pour d'autres, on préfère en finir le plus vite possible, peu importe la manière. Je me demande ce qui rend les gens pressés et égoïstes à ce point...
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