Dans l’épisode précédent, je me bats avec plus ou moins de succès contre les affres du premier trimestre et son parcours semé d’embûches. Aujourd’hui, je te parle de l’enfant rêvé et de la découverte du sexe lors d’une échographie. (Tu peux aussi aller lire l’épisode 1 et l’épisode 2).
Une grossesse surprise qui vient chambouler mes plans
Quand j’étais petite fille, j’avais un plan de vie tout tracé : j’allais mettre au monde un fils que j’appellerais Nikita et qui naîtrait à la fin du printemps, comme moi.
Sauf que je suis tombée enceinte en avril, donc si on rajoute neuf mois ça tombe… Attends, je prends mes doigts pour compter, ça ira plus vite. Ah. Je vais donc avoir un bébé de Noël ou de début Janvier, c’est-à-dire un bébé de pas du tout la fin du printemps. Comme je suis douée pour distordre le temps et en perdre toute notion, je peux me convaincre que ça ne fait pas si loin que ça du mois de mars, mais même en y mettant toute la mauvaise foi nécessaire, je n’irai pas plus loin.
Je suis enceinte depuis à peine cinq mois et c’est déjà le deuxième coup de canif dans ce fameux plan de vie qui était pourtant parfaitement rodé. Je te rappelle que pour commencer, moi, j’avais décidé de patienter pendant un an ou deux avant d’honorer la terre de ma fabuleuse descendance. C’était sans compter la détermination d’un embryon que je ne citerai pas à s’implanter ignorant totalement la présence de mon stérilet.
Je commence à entrevoir la personnalité insoumise de cet enfant in utero qui ne fait rien comme prévu. À tous les coups, ce sera un adolescent premier de sa classe en physique-chimie qui ne va pas du tout ressentir le besoin d’arborer des coupes de cheveux fluorescentes improbables (tout rapport avec la jeunesse d’une future mère de famille serait totalement fortuit.).
Avoir une préférence pour le sexe de son enfant à naître
Tu as vu que je genre le divin enfant au masculin, car à ce stade de l’histoire, j’y crois encore. Mon fils, je l’aurai. Certes, il ne s’appellera pas Nikita puisque son futur papa m’a dit, je cite : « d’oublier tout de suite, même pas en rêve. » Mais je l’aurai.
Il sera beau, parce que c’est tout ce qui compte, et drôle parce que c’est ça qui plaît aux filles. Attends ! Je ne vais pas abandonner mon image de fiston idéal sous prétexte qu’il date de 1999, période préhistorique où le verbe déconstruire signifiait ranger ses Legos dans leur boîte après avoir fini de jouer avec.
Je te vois froncer les sourcils et tordre la bouche dans un genre de rictus mi-condescendant mi-inquiet pour le futur de cet enfant à qui je mets déjà une pression monstrueuse. Tu fais sans doute partie de ces (futurs) parents très équilibrés pour qui « tout ce qui compte, c’est qu’il soit en bonne santé », n’est-ce pas ?
Alors que moi, je ne suis pas encore une mère, mais déjà une indigne qui se fiche que son enfant naisse sans yeux, mais avec trois bras pourvu qu’il ait les parties génitales qui me conviennent. Pas juste indigne, carrément malaisante la future daronne.
Mais on ne me la fait pas à moi bande d’hypocrites, si parmi vous se cachent quelques parents sincères quand ils affirment n’avoir aucune préférence, la plupart d’entre vous ne valez pas mieux que moi. Ou à peine. ET VOUS LE SAVEZ TRÈS BIEN.
Idéal féministe et réalité
Je sais que c’est dur à assumer. Les années 1990 sont loin derrière nous (même si nous avons tous dit au moins une fois au cours des six derniers mois : « Ouais enfin moi j’ai 12 ans dans ma tête » à des collègues childfree de moins de 25 ans), nous sommes féministes et surtout nous savons que le genre n’aura pour seule définition que celle que notre enfant voudra bien lui donner.
Mais pour moi, la grossesse est le moment où cet idéal féministe est venu se confronter violemment aux failles, aux blessures d’enfance et à l’espoir plus ou moins conscient d’en réchapper en changeant l’ordre familial.
J’ajoute à ça des tas de gens dont les perceptions extra-sensorielles et les pouvoirs de clairvoyance sont d’habitude inexistants mais qui soudain me prédisent avec assurance un petit mec ou une petite puce (les termes fille ou garçon, sont apparemment so 2016) parce que la dernière fois qu’ils ont essayé, ils ont fait partie des heureux 50% à avoir deviné correctement.
La fatigue de la grossesse ayant eu raison de mes quelques neurones restants, je me laisse gagner par cette hystérie collective où tout me porte à accorder de l’importance à quelque chose qui dans un monde parfait – quoique peut-être soporifique, n’en aurait aucune.
Le jour où j’ai appris que j’attendais une petite fille
« Oh, c’est une fille ! Regardez, elle a un petit hamburger … » L’enthousiasme de l’échographe la pousse parfois au-delà des frontières du raisonnable en matière de bienséance.
Je me garde de lui dire que de base, j’aurais plutôt espéré un hotdog, puisqu’on en est à nommer les organes reproductifs de nos enfants en utilisant des métaphores douteuses. Je n’ai pas trop le temps d’encaisser la nouvelle que la dame nous propose un examen complet (l’écho du jour, payante, n’avait comme but que de dévoiler le sexe du bébé) :
« – Tout va bien, elle est parfaite », conclut-elle en reposant sa sonde.
« – Elle est parfaite… », répète mon copain avec une voix tremblante qui permet de penser qu’il y a un peu d’eau dans ses yeux. Lui aussi aurait idéalement préféré un garçon, mais à ce moment précis, je sens qu’il a coulé ses préférences dans du béton et les a jetées au milieu d’un lac très profond. Attention les gars, on arrête tout, la dame a dit que le bébé que c’est moi qui l’ai fait était parfait !
Je regarde l’écran, et même si je n’y connais pas grand-chose en imagerie médicale je suis en mesure d’affirmer qu’en effet la toute petite bébé en train de gigoter dans mon dedans est et sera toujours parfaite, quoi qu’elle fasse, qui qu’elle veuille être.
Faire le deuil du bébé qu’on avait imaginé
Mon rôle de maman bienveillante, lectrice aguerrie d’Isabelle Filliozat, ne consistera qu’à l’accepter et à l’accompagner sans jamais rien lui imposer.
Ce n’est pas comme si j’avais le choix de toutes façons, vu la pugnacité et la badasserie évidente de la gamine non-née, je t’assure que je sens une vie de soumission qui se profile devant moi, et clairement la personne qui tiendra les rênes dans tout ce bordel ça ne sera pas moi.
Une fois que tu commences à partager, les copains futurs parents sortent du bois. Bien sûr, tout le monde s’excuse platement pour sa déception si l’échographie n’a pas dévoilé le résultat escompté, et quant à ceux dont le choix est exaucé, ils avouent du bout des lèvres leur soulagement.
Connaître le sexe tôt m’a en tout cas permis de me préparer à l’arrivée de cet enfant-là et pas d’un fantasme et surtout cela m’a permis de réaliser que la petite ne serait en rien comme je l’avais imaginé. Et tant mieux.
Je sais pourtant que si pour moi le désir était très superficiel puisqu’au final, j’ai très vite été ravie d’attendre une fille, il arrive que ce soit plus compliqué et plus douloureux. Il est important de pouvoir en parler sans honte et de ne pas hésiter à demander de l’aide si la déception est trop forte ou trop difficile à outrepasser.
Et toi, tu as demandé à savoir le sexe avant la naissance ? Tu avais une préférence ? Ou au contraire, tu t’en fichais complètement ? Viens on en cause dans les commentaires….
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