Jamais à une provocation près depuis la nomination de Demna Gvasalia à la tête de sa direction artistique en 2015, la maison Balenciaga a-t-elle dépassé les limites ? En cause : deux campagnes pour le printemps-été 2023. La première présente des célébrités (Bella Hadid, Nicole Kidman ou encore Isabelle Huppert) devant un bureau encombré de documents, dont un correspondrait à un avis de la Cour suprême des États-Unis de 2008 concernant la pédopornographie. Dans le décor, figure notamment un beau-livre de l’artiste Michaël Borremans (dont l’œuvre présente des enfants dans d’étranges positions et mises en scène violentes) questionne également. La deuxième campagne présente justement des bambins, l’air un brin égarés, tenant dans leur bras des sacs-à-mains en forme de peluches en harnais BDSM.

Il n’en fallait pas plus pour que les réseaux sociaux s’insurgent. Balenciaga a donc présenté ses excuses le 22 novembre 2022 et son intention de saisir la justice. La marque de luxe du groupe Kering vient maintenant d’annoncer avoir porté plainte contre la maison de production North Six et le scénographe Nicholas Des Jardins, concernant « l’inclusion de ces documents non validés, résultat d’une négligence irresponsable ». Difficile à croire qu’il aurait tout manigancé seul sans que toute une chaîne de personnes chez Balenciaga ne valident les images. Le scénographe n’est-il qu’un fusible utile à faire sauter pour satisfaire l’opinion populaire ?

Kim Kardashian remet en question son statut d’ambassadrice de la maison Balenciaga
En tout cas, celle-ci est encore plus remontée depuis que Kim Kardashian, ambassadrice phare de la maison depuis quelques saisons, a exprimé publiquement son indignation. Celle qui est apparue sur plusieurs campagnes Balenciaga et en portait pour la plupart de ses récents tapis rouges, a ainsi tweeté le 28 novembre 2022 :

« J’ai été silencieuse ces derniers jours, non pas parce que je n’ai pas été dégoûtée et indignée par les récentes campagnes Balenciaga, mais parce que je voulais avoir l’occasion de parler à leur équipe pour comprendre par moi-même comment cela a pu arriver.
En tant que mère de quatre enfants, j’ai été secouée par les images dérangeantes. La sécurité des enfants doit être garantie avec la plus haute considération et toute tentative de normaliser la maltraitance des enfants de quelque nature que ce soit ne devrait pas avoir sa place dans notre société – point final.
J’apprécie la suppression des campagnes et les excuses de Balenciaga. En parlant avec eux, je crois qu’ils comprennent la gravité du problème et prendront les mesures nécessaires pour que cela ne se reproduise plus jamais.
Quant à mon avenir avec Balenciaga, je réévalue actuellement ma relation avec la marque, en la basant sur leur volonté d’accepter la responsabilité de quelque chose qui n’aurait jamais dû arriver au départ – et les actions que je m’attends à les voir prendre pour protéger enfants. »

Quelles actions Balenciaga va mettre en place pour se racheter une vertu ?
On peut saluer la prise de parole de Kim Kardashian qui permet ainsi d’alerter un bien plus large public que le petit monde de la mode déjà au courant de cette affaire. Ce microcosme ne s’en outrageant pas forcément, tant il est habitué à ce genre de provocations de la part de Balenciaga. Ce message de Kim Kardashian entre d’ailleurs dans son repositionnement d’image en tant que femme de droit, dont la voix a déjà permis de sauver des femmes condamnées à la peine des morts aux États-Unis. Alors que Ye, son ex-mari anciennement connu sous le nom de Kanye West, n’a de cesse de questionner sa légitimité de mère, la businesswoman apparaît dans le sillage de cette affaire Balenciaga comme une personnalité engagée dans la défense des enfants.

Suffira-t-il de dons de grosses sommes d’argent à des associations de protection de l’enfance pour que la maison de luxe du groupe Kering se rachète une vertu, alors même que son esthétique depuis la nomination de Demna Gvasalia en 2015 se fonde tant sur la provocation sociale, voire des codes sataniques ? Si l’on se fie aux flux sans mémoires de la mode, il y a fort à parier que cette histoire sera vite oubliée, voire que les sacs peluches BDSM incriminées deviendront d’autant plus collector. Affaire à suivre.
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Crédit photo de Une : Balenciaga.
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