C’est l’un des longs-métrages les plus attendus de l’année : Joker, au cinéma ce 9 octobre 2019, met Joaquin Phoenix dans la peau du célèbre méchant de l’univers DC Comics.
Joker a été primé au festival de Venise (c’est rare pour un « film de super-héros ») et démarre en trombe aux États-Unis : il a déjà engrangé plus de 90 millions de dollars en un week-end.
Mais avant même d’être sorti à l’international, Joker divise. Voici pourquoi.
Joker, ça parle de quoi ?
Oui, j’ai vu le film, non je ne vais pas te gâcher l’intrigue : tu connais ma position farouchement anti-spoilers !
Joker, c’est l’histoire d’Arthur Fleck, un habitant de Gotham City.
Souffrant d’une maladie mentale et gagnant quelques sous par son métier de clown, il va sombrer dans une spirale de folie de plus en plus dangereuse…
Oui, cette fois-ci le Joker a un nom, et une intrigue bien à lui.
Ce n’est pas la première fois que le super-vilain a droit à son origin story — le célèbre Killing Joke, par exemple, lui inventait déjà un parcours, d’homme normal à agent du chaos.
Ne t’attends pas à voir des formes de chauve-souris ou un Chevalier Noir dans ce film, car le sujet est bel et bien le Joker, et non Batman, qui deviendra son ennemi juré !
Pourquoi Joker fait polémique
Dès les premières projections, Joker a soulevé une vague d’inquiétude parmi plusieurs journalistes et personnalités, principalement aux États-Unis.
Le film a notamment été soupçonné d’être « pro-incel » (involuntary celibate, ces hommes souffrant de leur célibat qui, parfois, font preuve de violence envers les femmes).
Le fait que le héros de Joker soit un super-méchant a également été pointé du doigt.
Le risque, selon certains, est que le public s’identifie à son personnage, entre en empathie avec lui et donc que sa violence devienne justifiée.
Dans le contexte américain, tu peux comprendre qu’imaginer un blockbuster qui glorifie une forme de terrorisme perpétré par un homme blanc se sentant rejeté par la société… c’est plutôt inquiétant.
La polémique Joker et la fusillade d’Aurora
Souviens-toi : en 2012, lors d’une projection du film The Dark Knight Rises, un individu grimé en Joker avait ouvert le feu dans un cinéma d’Aurora, Colorado.
Il avait tué 12 personnes et en avait blessé 58.
Les proches des victimes ont alerté Warner Bros., qui produit le nouveau film Joker :
« Quand nous avons appris que Warner Bros. sortait un film […] qui présente le personnage comme un protagoniste ayant une histoire avec laquelle on peut entrer en empathie, ça nous a fait réfléchir.
Soyons clairs : nous soutenons la liberté d’expression et la liberté artistique. Mais comme le sait toute personne ayant déjà vu un film inspiré d’un comics : de grands pouvoirs impliquent de grandes responsabilités.
[…] Nous vous demandons d’utiliser votre influence massive pour vous joindre à nous dans notre combat visant à bâtir des communautés plus saines, avec moins d’armes à feu. »
Le but n’est pas de censurer le film, mais de demander au studio de s’engager clairement en faveur de plus de régulations autour du port d’armes à feu.
« Ne vous y trompez pas : ni le personnage de fiction du Joker, ni le film, ne légitiment la violence dans la réalité.
Ce n’est pas l’intention du film, ni du réalisateur, ni du studio de faire de ce personnage un héros. […]
Warner Bros. estime que l’un des rôles de la fiction, c’est de générer des discussions parfois difficiles à avoir, au sujet de problèmes complexes. »
Des alertes autour des projections de Joker
Ces inquiétudes, que je comprends totalement, ont des conséquences bien réelles.
Outre-Atlantique, de nombreuses mesures de sécurité entourant les projections de Joker
ont été mises en place.
Fouille des sacs, installation de policiers armés à l’entrée des salles, cinéma fermé à cause de menaces jugées « crédibles » par les forces de l’ordre…
La situation est sérieuse.
Mais ce n’est pas forcément la faute du film : c’est le reflet d’une culture, d’une société en tension qui existait malheureusement bien avant que Joker n’entre en production.
Joaquin Phoenix et la polémique Joker
Joker repose entièrement sur les épaules de Joaquin Phoenix, qui porte chaque scène avec un talent incomparable. C’est sa présence dans le rôle qui a fait décoller l’impatience autour du film.
L’acteur, connu pour ne pas mâcher ses mots, a déjà interrompu plusieurs interviews qui ne lui convenaient pas. Il a notamment quitté son entretien avec un journaliste du Telegraph lorsque celui-ci lui a demandé si le film ne risquait pas de :
« Finir par, d’une façon perverse, inspirer les gens qui sont le sujet du film, avec des conséquences potentiellement tragiques. »
Cependant, à l’occasion d’autres interviews comme celle d’Indiewire par exemple, Joaquin Phoenix a accepté d’aborder le sujet de la violence du film, et du message politique que l’œuvre peut porter :
« Je pense que la plupart d’entre nous sont capables de différencier le bien du mal. Et ceux qui n’en sont pas capables vont interpréter ce qu’ils veulent, comme ils veulent. »
Comprends : quelqu’un qui est tenté par des actes violents n’a pas besoin d’un film pour le pousser à agir.
Todd Phillips et la polémique Joker
Todd Phillips est un réalisateur plutôt inattendu pour Joker : il est surtout connu pour… Very Bad Trip ! Rien à avoir avec cette tragédie nihiliste sur fond de Gotham City.
Il aurait pu, écoute, il aurait PU profiter de son film très attendu, se taire et kiffer. Mais il en a décidé autrement.
Todd Phillips s’indigne contre la « woke culture », cette montée du militantisme qui selon lui fait du mal à l’humour. Oui, on est pas loin d’un « on peut plus rien dire », « de mon temps on savait rire de tout ».
« Essayez d’être marrant, de nos jours, dans cette « woke culture ».
J’ai vu des articles qui demandaient pourquoi les comédies ne marchent plus — je vais vous dire pourquoi ! Parce que tous les putain de mecs marrants se disent « Nique, je ne veux pas vous offenser ». »
Diverses personnalités, comme le réalisateur Taika Waititi (Thor Ragnarok, What we do in the shadows), ont réagi à ces déclarations.
Note que Taika Waititi joue un jeune Hitler dans sa prochaine comédie… potentiellement offensant, n’est-ce pas ? Mais la preuve qu’il reste heureusement possible de faire de l’humour irrévérencieux, avec intelligence et finesse !
Joker, un film dangereux ?
Comme je te l’ai dit, j’ai eu la chance de voir Joker et je te propose de me retrouver sur madmoiZelle le 9 octobre, jour de sa sortie, pour une critique en profondeur dans laquelle je t’expliquerai si le film est, selon moi, dangereux.
En attendant, je laisse le mot de la fin à Todd Phillips, car je trouve que son propos est loin d’être idiot :
« On fait un film sur un personnage de fiction dans un univers de fiction, et ce qu’on espère c’est que les gens le prennent ainsi.
On ne peut pas blâmer les films pour un monde tellement niqué qu’un rien peut le bouleverser.
C’est un peu le thème du film. Ce n’est pas un appel à l’action. C’est plutôt un appel à la réflexion, un miroir tendu à la société. »
Je me permets également de te rassurer, si tu comptes aller au cinéma en France ou en Europe : la situation ici est bien différente de celle aux États-Unis.
Je pense qu’il sera plus facile, de ce côté de l’Atlantique, d’aller voir Joker ce 9 octobre et de le prendre pour ce qu’il est, à savoir une œuvre d’art visant à divertir, mais aussi et surtout à faire réfléchir.
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Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
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