Article initialement publié le 30 mai 2012
Je suis narcoleptique, kézaco ?
La narcolepsie est une maladie qui fait que j’ai par moments des accès de sommeil irrépressibles, généralement en cours. Quand je suis en forme je n’ai pas trop de problèmes pour rester éveillée, mais pour peu que le sujet m’ennuie, je tombe ! J’ai la chance d’avoir une narcolepsie pas trop invalidante : certains peuvent s’endormir au beau milieu d’une conversation (ou même en faisant l’amour).
Être narcoleptique, d’où ça vient ?
La narcolepsie vient d’un déficit en hypocrétine, une hormone du cerveau qui permet de rester éveillé et concentré. Mais c’est une maladie multifactorielle, il n’y a pas qu’un seul évènement déclenchant : il y a des prédispositions génétiques, c’est en partie une maladie auto-immune et on peut aussi la relier à un choc psychologique. Comme pour tout un chacun, l’attention d’un narcoleptique dépend de son intérêt pour la situation en cours, et il restera plus facilement éveillé s’il est intellectuellement stimulé.
Être narcoleptique, quelles conséquences dans la vie de tous les jours ?
Dans les mauvais jours, on a l’impression d’être un fantôme. On est à la fois là et pas là : si tout le monde discute d’un cours, je ne vais rien comprendre parce que je dormais la plupart du temps, ce qui me bloque un peu. La vie sociale devient compliquée, car il y a toujours un moment (en soirée, au bar…) où le sommeil arrive et m’éloigne des autres. J’ai déjà raté des occasions de m’amuser comme ça, en pensant fermer les yeux quelques minutes mais en sombrant une heure ou deux.
La narcolepsie influe aussi sur les choix professionnels : toute activité qui requiert une forte concentration devient difficile. Une semaine d’animation en centre de vacances m’a appris que l’organisme d’un narcoleptique ne peut pas encaisser des nuits courtes et une vigilance constante au travail. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai arrêté la médecine : je ne me voyais pas tenir le coup.
En cours, certains profs peuvent être vexés de me voir dormir, ou me considérer comme une curiosité de la nature, donc la prévention est importante pour éviter les malentendus. Les enfants, comme ils le font toujours avec quelqu’un de différent, s’en servaient contre moi, par exemple en s’amusant à me réveiller en sursaut. Mais il y a aussi toutes les « petites contraintes » qui deviennent agaçantes
: rater mon arrêt de bus, ne pas pouvoir tenir une conversation parce que je commence à m’endormir, sentir les bâillements s’enchaîner sans rien pouvoir y faire…
Des problèmes que ces flemmards de chats n’ont pas, eux.
Je suis narcoleptique, comment ça se soigne ?
Il n’y a pas de traitement curatif. Il faut prendre des médicaments à vie pour rester en forme, et faire attention à son hygiène de vie, par exemple en évitant de se coucher trop tard et de manquer de sommeil le lendemain, ou en faisant une sieste de vingt minutes pour tenir le reste de la journée. Les étudiants narcoleptiques ont droit à un « tiers-temps » supplémentaires et peuvent même demander à avoir un lit à disposition dans la salle d’examens ! Comme la narcolepsie est reconnue « maladie handicapante », l’employeur doit aménager les horaires du malade pour qu’ils puissent prendre des temps de repos. D’ailleurs, même pour les employés lambda, il a été prouvé qu’une sieste augmente la productivité, c’est pourquoi certains patrons les encouragent ! On peut aussi améliorer la qualité du sommeil, via des méthodes naturelles (la sophrologie a été particulièrement efficace dans mon cas) ou artificielles (avec des médicaments).
Qu’est-ce qu’on ressent quand on est narcoleptique
C’est assez culpabilisant de ne pas pouvoir se contrôler, de ne pas toujours être attentif. Parfois, on finit même par se réfugier dans le sommeil, juste pour qu’une mauvaise journée passe plus vite, parce qu’on en a assez, mais comme pour toute maladie, la politique de l’autruche n’est pas une très bonne chose.
Comment se passe le diagnostic ?
C’est en regardant une émission de Jean-Luc Delarue que j’ai compris ce qui m’empêchait de rester éveillée. Je me suis renseignée plus longuement sur Internet, d’abord sur Wikipédia puis sur des sites comme celui de l’Association Narcolepsie Cataplexie (la cataplexie, dont souffrent beaucoup de narcoleptiques, c’est comme tomber dans les pommes, mais en restant éveillé : on est conscient mais on ne peut pas bouger). C’est grâce à ces groupes que ma mère a pris conscience de ma maladie et, par chance, il nous a été très facile de trouver un spécialiste rapidement dans la région parisienne, qui a reconnu la narcolepsie dans mes symptômes.
Pour vérifier, néanmoins, j’ai dû passer une polysomnographie, un examen qui dure la bagatelle de 48h. On m’a collé des électrodes sur le crâne, une aiguille dans l’index pour mesurer l’oxygénation de mon sang, des capteurs pour surveiller les mouvements de mes jambes et autres joyeusetés. Le verdict était sans appel : un cas typique de narcolepsie.
Je suis narcoleptique… Et aujourd’hui ?
Ma foi, ça va plutôt bien. Mon traitement m’aide bien, je n’oublie jamais une seule pilule et ma vie est quasiment normale. Je suis en stage professionnel de fin d’études, et ça se passe pas mal du tout. J’ai aussi appris à accepter ma narcolepsie sans honte, ce qui m’a permis d’en informer mon superviseur dès le premier jour, et comme j’aime bien ce que je fais, je ne m’endors presque jamais ! Par contre, j’avoue que je fais un peu trop souvent la fête… mais il faut bien que jeunesse se fasse !
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Les Commentaires
J'ai découvert cette maladie grâce à ce film,même après avoir fait des recherches j'ai halluciné.
Cette maladie est à la foi troublante (et surtout handicapante pour ceux qui l'ont) mais en même temps passionnante.
En tout cas merci pour ce témoignage