Personne n’a pu les oublier. Elles ont marqué la rétine collective de leur grosse semelle improbable et si confortable.
Initialement sorties en 2011, ces baskets compensées de 7,5 cm baptisées Bekett avaient d’abord connu un succès clivant, portées aussi bien dans la rue par Madame-tout-le-monde que par Beyoncé dans son clip Love on Top (500 millions de vues à l’heure actuelle).
Du coup, elles ont été copiées à tire-larigot par des concurrents du luxe et des marques de fast fashion qui adorent faire des dupes de best-sellers.
Le lourd tribut d’être la créatrice d’une it-ugly-shoe
La créatrice de la Bekett n’est autre qu’Isabel Marant, l’une des rares femmes directrices artistiques de la mode française, à la tête de sa propre maison indépendante depuis 1994. Justement parce qu’elle a toujours su habiller les femmes de la vraie et vie, sans jamais trop les fantasmer, d’où son succès commercial (mais pas forcément critique, misogynie oblige…).
Forcément, l’omniprésence de ces sneakers qui cultive volontairement le goût du moche a rapidement suscité l’écœurement, et donc une ringardisation progressive, dégoûtant même leur créatrice elle-même à force de voir sa vache à lait copiée avec plus ou moins de subtilité. Elle le remarquait publiquement auprès du média The Cut, en 2014 :
«Elles sont devenues quelque chose de super vulgaire, au point où je n’ai presque plus envie d’être identifiée comme la créatrice des baskets compensées. C’est quelque chose que j’ai fait et dont j’étais très heureuse. Dans quelques années peut-être que ça va se calmer, et que je pourrais assumer à nouveau d’en être à l’origine, et ce sera bien. En fait, quand je les ai terminées, j’ai tout de suite su que j’avais fait que j’avais dessiné quelque chose de marquant — je le sens la plupart du temps quand j’ai fait un futur hit, quand quelque chose sera copié.»
De l’écœurement au désir nostalgique, il y a dix ans, selon Isabel Marant
Mais presque dix ans plus tard, Isabel Marant les remet au goût du jour en les rendant encore plus volumineuses et hautes, surtout grâce à une semelle bien chunky comme l’aime l’époque actuelle. Rebaptisées Balskee, cette version mise à jour tombe pile dans la tendance des chaussures massives qui affinent la jambe par effet d’optique. Et en une décennie, l’écoeurement a potentiellement laissé place à la nostalgie. Peut-être est-ce déjà le début du retour des tendances des années 2010…
En tout cas, la créatrice fait clairement le pari de recycler les idées d’hier afin d’habiller aujourd’hui, puisqu’elle lance également le 18 juin 2021 son propre site de seconde main permettant à ses clientes de vendre leurs anciens vêtements griffés Isabel Marant en échange d’un bon d’achat. Et les bénéfices de ce site de seconde main iront à un fonds de dotation pour soutenir l’éducation des femmes et l’artisanat à travers le monde.
La styliste souhaite à travers cette initiative inciter à consommer de façon plus raisonnable et responsable, comme elle vient de l’expliquer au Figaro :
«Les jeunes préfèrent parcourir les friperies plutôt que les enseignes de fast fashion. Je faisais la même chose étant gosse. J’admirais les grands créateurs de mode et je dénichais des tas d’habits pas chers dans les marchés aux puces que je bricolais à mon goût. Je me souviens qu’avec l’argent économisé, à 18 ans, je m’étais acheté une super veste de Martin Margiela qui est encore aujourd’hui dans mon placard.»
D’ores et déjà disponible sur l’eshop de la marque, les nouvelles Balskee coûtent 495€, tandis que les historiques Bekett y sont reproposées à 410€. Mais peut-être qu’il est encore temps de chiner en fripe ou site de seconde main des modèles d’il y a dix ans pour une fraction du prix de celles d’aujourd’hui, si elles vous tentent vraiment. Isabel Marant elle-même en serait sûrement ravie !
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