Depuis une semaine, l’affaire Harvey Weinstein ébranle profondément le monde médiatique et culturel.
Cet ultra-puissant producteur de cinéma est au cœur d’une enquête du New York Times qui révèle les très nombreuses accusations de harcèlement sexuel, d’agressions et de viol dont il fait l’objet.
« Tout le monde savait », dans le milieu, paraît-il, mais il a fallu des décennies pour que le scandale éclate. Les victimes ont peur de se mettre en danger si elles parlent ; les autres gardent le silence.
Harvey Weinstein n’est que la partie immergée d’un nauséabond iceberg qui s’enfonce bien plus profondément : l’omerta qui entoure les violences sexuelles, et permet aux coupables d’agir sans être inquiété•es.
Les hommes, victimes silencieuses de violences sexuelles
La majorité des victimes de violences sexuelles sont des femmes (76% des victimes de viols, tentatives de viols et autres violences sexuelles, en France, en 2017). Ce qui ne veut pas dire que les hommes n’en sont jamais victimes.
Quelques-uns ont témoigné sur madmoiZelle :
Les mythe entourant les crimes sexuels font partie intégrante de la culture du viol. On imagine notamment qu’un homme ne peut pas être violé, surtout par une femme.
« Il n’avait qu’à la repousser », « Si ça ne lui plaisait pas il n’aurait pas eu d’érection »… voici quelques idées reçues qui empêchent les hommes victimes de violences sexuelles de témoigner, voire de reconnaître le crime dont ils ont été victimes.
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J’ai cependant l’impression que le tabou est en train, lentement, de disparaître. Et c’est très important.
Il y a 3 ans, le viol de Shia LaBeouf…
En 2014, je publiais sur madmoiZelle Shia LaBeouf, son viol et son traitement médiatique, symptômes d’un tabou tenace.
L’acteur a été violé par une femme pendant sa performance artistique #IAMSORRY. Le concept était pour lui de rester immobile dans une pièce où les visiteurs pouvaient entrer un par un.
« Une femme, venue avec son petit ami (qui attendait dehors à ce moment-là), a fouetté mes jambes pendant dix minutes, m’a déshabillé et a commencé à me violer… »
Les réactions à cet article m’avaient fait prendre conscience de la violence pouvant cibler les hommes victimes de viol.
L’idée qu’un homme puisse être violé, puisse être victime de sidération face à une agression sexuelle, choquait. Beaucoup de commentaires niaient cette réalité, ni plus ni moins.
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Shia LaBeouf était le premier homme célèbre que je voyais dire publiquement qu’il avait été violé. Face à la déferlante de haine et de mépris dans les réactions, j’ai compris pourquoi ces témoignages étaient rares.
Avant lui, le seul exemple d’homme parlant de viol que je connaissais, c’était Andrew Bailey et son déchirant monologue, Pourquoi le viol, c’est vraiment hilarant.
Son discours monte crescendo jusqu’au coup final dans les tripes, la voix qui se brise, la conclusion :
Parfois, quand on est un mec, pour bien s’intégrer, il faut cacher sa douleur, et l’humour est très pratique pour ça. C’est pour ça que je crois sincèrement que le viol, c’est hilarant.
Parce que j’ai pas d’autre choix.
Mais depuis Shia LaBeouf, les choses ont évolué.
…et en 2017, les témoignages de Terry Crews, Brian Scully, James Van Der Beek
Dans le sillage de l’affaire Weinstein, des hommes célèbres ont révélé avoir été eux aussi victimes d’agressions sexuelles ou de viols.
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D’abord il y a eu Terry Crews et Brian Scully, qui ont témoigné sur Twitter.
Le premier a été agressé sexuellement en pleine soirée mondaine par un homme haut placé à Hollywood. L’autre a été victime de viol, paralysé par la sidération, et a eu énormément de mal à en parler.
Suivant ces deux témoignages, il y a eu James Van Der Beek (vous avez peut-être grandi en le regardant dans Dawson).
https://twitter.com/vanderjames/status/918349928547708929
Quand j’étais plus jeune, des hommes plus âgés, plus puissants m’ont tripoté le cul, m’ont forcé à avoir des conversations sexuelles gênantes.
https://twitter.com/vanderjames/status/918350756092305413
Je comprends cette honte pourtant injustifiée, le sentiment d’impuissance, l’incapacité à donner l’alarme. Surmonter cette dynamique de pouvoir semble impossible.
D’autres hommes, moins connus, ont raconté leur histoire ces dernières années :
- Des compagnes d’hommes victimes de violences conjugales témoignent
- Un homme victime de viol raconte son histoire : « Je ne savais pas que ça pouvait arriver aux hommes »
- « Mon nom est Zeke Thomas, et je suis un survivant » : un homme parle de son viol pour aider d’autres victimes
Les réactions à ces différents témoignages sont à mille lieues de ce que Shia LaBeouf a dû endurer. Le consensus est au soutien, et au respect des victimes qui osent témoigner.
D’où mon impression que le vent est en train de tourner.
De l’importance d’écouter toutes les victimes de violences sexuelles
Que les choses soient claires.
Je suis consciente que la majorité des victimes de violences sexuelles sont des femmes, et que leurs témoignages ne sont pas toujours respectés — par le grand public, par leurs proches, par la justice.
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Loin de moi l’idée de dire «
pour les femmes, plus de souci, parlons donc des hommes ».
Je pense simplement que si on veut avancer, alors il faut le faire ensemble. Ne laisser personne sur le bas-côté.
Plus il y aura de témoignages, plus on connaîtra la réalité du viol, mieux on pourra aider les victimes et, en tant que société, éradiquer un jour la culture du viol.
Plus on entendra de gens dire « ça m’est arrivé », plus vite on acceptera que ce problème est global, collectif, nous concerne tou•tes — et que nous avons tou•tes un rôle à jouer dans sa résolution.
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Il est essentiel de détruire les idées reçues autour du viol, dont celle que les hommes ne peuvent pas en être victimes. Il est primordial d’éduquer au consentement, au respect de tou•tes.
Pour que plus aucune victime, peu importe son genre, n’ait à affronter le rejet de son témoignage au motif que « ça ne peut pas t’arriver à TOI ».
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Les Commentaires
Je me demande, du coup (quitte à verser dans la psychologie de comptoir) quel genre de répercussions peut avoir l'abnégation sur les hommes agressés. Il y a dans certains cas, un déni et une volonté de se convaincre que c'était normal, voire une chance - chose qu'on retrouve moins chez les victimes féminines.
Du coup, à tant se persuader que ce n'était pas grave, avec une représentation collective qu'un homme qui se fait sauter dessus par une femme, c'est un accomplissement, jusqu'où peut-on retourner le cerveau d'une victime ? Quelles sont les conséquences ?