Amies lectrices, amis lecteurs, l’heure est grave. En effet, Halloween n’est plus que dans quelques dodos, et tout ce que nous avons de plus mauvais, terrifiant et cruel au rayon « créatures légendaires », ce sont de vieux draps troués et des ratiches de faux vampires qui ne brillent même pas. De qui se moque-t-on ? La mythologie et les cauchemars du monde entier ne sont-ils donc pas assez riches, pour que nous manquions d’imagination à ce point ?
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D’accord, ma tentative de déguisement d’Halloween la plus réussie a été un chat noir que tout le monde a pris pour une souris (les gens sont nuls). D’accord, un « poc » mystérieux en pleine nuit après avoir vu un film d’horreur à base d’esprits frappeurs tend à me faire perdre le contrôle de ma vessie. Mais ça ne veut pas dire qu’on doit continuer à choisir la facilité !
Vous n’impressionnez personne.
Alors je suis peut-être nulle en costumes, mais je vous ai sorti de derrière les fagots quelques nouvelles idées de fantômes dignes de ce nom. Au pire, si c’est trop galère à réaliser, ça fera un peu de culture G macabre à raconter dans le noir…
La Mara, petit esprit un peu lourd
Par exemple, saviez-vous que les cauchemars proviennent d’une seule et même créature peu recommandable ? Le mot « cauchemar » lui-même est un mélange de racines latines, néerlandaises, allemandes et scandinaves, et dont la signification la plus couramment acceptée est « fouler la mare ». Et la mare, ou mara, est un esprit aussi mauvais qu’envahissant sur lequel il vaut mieux éviter de s’emmêler les pattes.
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Ceci dit, il n’est pas nécessaire d’aller la chercher. La mara se comporte à la fois comme un spectre, qu’aucun mur ni aucune porte n’importune… Mais également comme une sorte de gobelin, une créature malfaisante qui s’amuse à s’asseoir sur nos poitrines tandis que nous dormons. Son but ? Profiter de notre vulnérabilité pour influer sur notre bien-être, déranger notre respiration – parfois jusqu’à la suffocation -, et nous provoquer des cauchemars dans le meilleur des cas. On s’occupe comme on peut, écoutez.
Le Cauchemar, de Henry Füssli
Si son nom connaît un certain nombre de variations de pays en pays, et s’est fait surtout présente dans le folklore scandinave, ce qu’elle représente se retrouve sous diverses formes dans de nombreuses traditions populaires. Tour à tour elfe, kobold, gobelin ou lutin farceur dont personne n’apprécie la plaisanterie, la mara est la personnification de nos angoisses nocturnes quand, seul•e•s dans l’obscurité, nous avons peur de la mort. (L’enfoirée.)
Et une belle explication à la paralysie du sommeil, accessoirement.
Le Rokurokubi, ou des effets de perdre la tête
S’il y a bien un pays qui peut se vanter d’avoir accumulé un folklore aussi riche que terriblement original, c’est bien le Japon. Leurs mythes et légendes regorgent de telles pépites en terme de monstres pas nets qu’il m’a été difficile de choisir. D’ailleurs, mon choix a failli se porter sur la jorogumo, une femme-araignée qui séduit les hommes pour mieux les coincer dans sa toile et les manger… Mais l’histoire avait un arrière-goût de male tears un peu gênant.
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Qu’à cela ne tienne ! Niveau craquage de slip qui empêche de dormir, le rokurokubi tient largement la route. Pensez donc : je vous parle d’une créature humanoïde dont le cou s’allonge à la tombée de la nuit ! Parfois, la tête se détache carrément, et dans ce cas-là on appelle ça un nukekubi. C’est très précis.
Bonne ambiance, par Hokusai
Ces étranges bipèdes trompent donc bien facilement leurs victimes dans la journée, jusqu’à la tombée de la nuit, où ils se servent de leur tête pour les dévorer, ou leur sucer le sang jusqu’à plus soif. Vous voyez donc qu’on peut faire mieux qu’un vampire malade ou un vampire qui brille : vous avez là un vampire qui envoie sa tête à la chasse ! Notez qu’en prime, le rokurokubi maîtriserait le kiai, le cri qui paralyse…
L’Ahkiyyini, le squelette danseur qu’on ne prenait pas au sérieux
Si tout ça vous inspire, mais vous paraît difficile à reproduire pour une soirée d’Halloween, rassurez-vous, j’ai ce qu’il vous faut : l’ahkiyyini, plus léger, et qui impose néanmoins le respect.
Enfin, qui impose le respect… Disons qu’il faut connaître la légende et ses menaces pour ne pas rire. Voyez, l’ahkiyyini est, dans le folklore inuit, un esprit qui revient hanter les vivants sous la forme d’un squelette pour le simple plaisir de danser et jouer du tambour. Oui, c’est tout. Vous avez là un esprit qui aimait tellement faire la fête lorsqu’il était encore bien en chair qu’une fois réduit à l’état de squelette, eh ben il continue.
Content.
Le problème, c’est que si un squelette qui bouge a tendance à faire peur, un squelette qui frétille du coccyx en jouant du tambour tend à perdre un peu de cette aura menaçante. Et c’est là que ça devient intéressant, figurez-vous ! Parce que selon la légende, se payer la fiole de l’ahkiyyini n’est pas sans conséquences, la créature étant du genre susceptible. Dès qu’il entend qu’on se moque de lui, il passe aux choses sérieuses, et de petit tambour mignon, on passe aux percussions qui remuent les tréfonds de la Terre.
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Il tape, tape, tape c’est sa façon d’aimer sur ses propre os, provoquant ainsi tremblements de Terre et raz-de-marée jusqu’à ce qu’il ne reste plus personne pour ricaner. Alors allez-y ! Déguisez-vous en ahkiyyini. Rira bien qui rira le dernier quand vous vous taperez sur les os. Non mais.
https://youtu.be/jBhpn6IPSJo?t=2m33s
Pour aller plus loin…
- Japanese mythology A to Z, Jeremy Roberts
- Le monde du double, la magie chez les anciens scandinaves, Régis Boyer
- Les nains et les elfes au Moyen-Âge, Claude Lecouteux
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
C'est précisément parce que son nom ressemble à un nom de pâtes que je préfère cette version C'est aussi celle que j'ai le + vu, en fait unno: