Douglas Coupland réussit encore une fois un roman extrêmement touchant : Eleanor Rigby parle de la solitude des gens, et en particulier celle de Liz Dunn. Loin de nous conforter dans nos petits malheurs, Eleanor Rigby offre une vraie bonne claque dans la figure. Si vous ne l’avez pas lu, allez réparer cette erreur avant que je vienne vous fouetter avec tous les tomes de La Comédie Humaine.
« All the lonely people »
Liz Dunn n’est pas une héroïne classique : ce n’est pas une mère courage, ce n’est pas une femme qui attend désespérément un happy end. C’est une femme de 36 ans, obèse, effectuant un boulot comme un autre, et qui se sent totalement transparente. En clair, elle est seule. Non pas de la solitude de la célibataire déçue qui attend le prince charmant, ou encore celle d’une femme qui se sent abandonnée. Non non, Liz Dunn est juste seule, et elle ne demande pas spécialement grand chose de la vie.
Ce qui surprend au début, dans Eleanor Rigby
, c’est le traitement de cette solitude : jamais plaintive, Liz Dunn met en scène sa solitude pour se poser comme une spectatrice acerbe du monde. Elle voit les failles des gens, pose un regard très acéré sur la société. Pour autant, elle ne sait pas communiquer avec les autres. A force, elle ne cherche même plus à le faire. Alors que la solitude reste l’une des peurs primaires de beaucoup de gens, la solitude est montrée ici comme un cheminement vers la paix intérieure. Liz Dunn s’accommode de sa vie, en la vivant selon son ressenti à elle, pas celui des autres. Pour celles qui angoissent à l’idée de se retrouver seules un jour, ce bouquin sera très dur à encaisser : autant dire que la solitude, vous vous la prenez en pleine poire lors de la lecture, et ça peut parfois venir chatouiller ce que vous vouliez cacher tout au fond de votre esprit.
« Where do they all come from ? »
Liz Dunn aime donc observer les gens. Le traitement de « l’autre » est d’ailleurs très intéressant dans le livre. L’autre ne sert que de décor à Liz Dunn, mais lui pose aussi des questions. Liz Dunn a la « prétention » de se sentir unique, et se demande souvent ce qu’elle peut avoir en commun avec les autres. Cependant, elle va de temps en temps se focaliser sur des situations ordinaires, afin de se demander d’où les gens viennent. Le théâtre de ces interrogations est, par exemple, la foule des transports en commun. Elle ne comprend pas forcément comment aller vers l’autre et ne se sociabilise d’ailleurs que grâce à de l’alcool : autant dire qu’autrui n’est pas un élément essentiel de sa vie, mais plutôt de sa non-vie, de sa contemplation.
« Where do they all belong ? »
Le plus grand intérêt de ce roman réside néanmoins dans l’incroyable twist de l’histoire. Je préfère ne rien dévoiler, car ça vous gâcherait vraiment la lecture, mais autant dire qu’une « comète » vient chambouler sa vie comme jamais. A partir de ce moment, le personnage de Liz Dunn va petit à petit se révéler à la fois humain et profondément mystique. Cette unicité à laquelle Liz Dunn prétendait, elle l’acquiert finalement.
Alors certes, on pourrait dire que ce roman est plein de bons sentiments. Néanmoins, ce traitement de la solitude, à la fois mélancolique et poétique, est selon moi une vraie nouveauté dans un roman destiné au grand public. Eleanor Rigby vous tirera sans doute quelques larmes, mais loin de la simple tristesse. C’est un peu comme trouver des réponses, ou comprendre de quoi on a peur. Et franchement, parfois, ça ne fait pas toujours du bien, mais c’est toujours salvateur.
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