La vie c’est comme une boîte de chocolat. Mais comme je ne suis pas Forrest Gump (non, désolée de vous décevoir mais je ne suis pas Forrest Gump), j’ai choisi une autre métaphore. Pour moi, la vie c’est comme un grand plateau d’échecs. Dessus, il y a…
- Les pions. On les appelle aussi « les gens », « les moutons », « les connards de touristes », c’est selon. Tout dépend de là où ils se trouvent. En fait, ce sont tous ces anonymes que l’on croise dans la rue. Ils avancent consciencieusement pas à pas, case par case, se croisant les uns les autres en espérant arriver à l’autre bout du plateau sans trop de problèmes.
- Il y a les tours qui, ayant plus de hauteur que tout le monde et plus de stabilité que tout le monde, veillent sur nous. En tout cas, ils essayent. Ce sont ces personnes sûres qui encadrent notre plateau de jeu et sur qui l’on peut compter. Chez moi c’est par exemple : Papa, Maman, Jules, Bérengère, Nico, Nadia, Sanaka, Anne-Sophie et mon garagiste. Parce que je peux toujours compter sur mon garagiste.
- Il y a les cavaliers. Des personnalités galopantes, sympathiques et divertissantes (et je vous assure au passage qu’une personnalité peut tout à fait être « galopante ». C’est un adjectif qui s’utilise très couramment. Je vous jure. De toute façon, je suis l’auteur, j’écris « galopantes » si cela me fait plaisir. Mais reprenons…). Ces cavaliers dont je parle sont toujours de passage mais on les aime bien. D’ailleurs il n’est pas rare qu’on les demande en amis sur Facebook où même que l’on force la rencontre de temps en temps. Et si l’alchimie ne prend pas, alors au pire ils deviennent de vagues connaissances que d’autre encore plus sympathiques remplaceront très vite. Avec eux, c’est toujours un peu la course, c’est toujours un peu l’aventure. Mais sans eux on s’ennuierait. Ça sert à ça les personnalités galopantes.
- Les dames et les rois sont nos icônes de magazines, les têtes du moments. Ce peut être aussi un idéal que l’on recherche, un rêve de bonheur, le couple parfait que l’on souhaite incarner, une certaine image du prestige, d’un dépassement de soi. Freud (qui était galopant d’ailleurs) appelait ça « le surmoi ».
Et puis il y a les Fous, qui se déplacent de travers. C’est d’eux dont je voudrais vous parler. Car il me semble que l’on est tous au moins une fois dans sa vie, et peut-être même une fois dans la journée, successivement le pion de quelqu’un, la tour de quelqu’un, le cavalier de quelqu’un, la dame ou le roi de quelqu’un. Mais avez vous déjà vraiment été le Fou de quelqu’un ?
De la définition du Fou selon Christine Berrou
Je ne parle pas ici de « faire des folies », je serais très mal placée pour vous donner des leçons. Des folies j’en fais tous les jours. Rien que cette semaine : j’ai voté Hollande, j’ai dépensé 23 euros sur Sims social (mais ça valait le coup : j’ai maintenant de très très beaux meubles virtuels) et je me suis mise en couple sur Facebook pour la quatrième fois de ma vie (la première fois c’était avec Kev’ Adams en 2009, à l’époque il était un lycéen anonyme. Et la méga loose c’est que quand je raconte ça à ma nièce elle ne me croit même pas).
Et par « Fou », je ne parle pas non plus ici d’être névrosée, je serais également très mal placée pour vous donner des leçons : je dors avec le même vieux nounours depuis ma naissance, des fois je me mets encore à pleurer en pensant à mon chat qui est mort en 2003 et j’utilise de façon courante le mot « galopant ». Dans certains pays on m’internerait pour moins que ça.
Enfin, par « Fou », je ne parle pas non plus des gens qu’une pathologie psychiatrique handicape. Loin de moi cette idée. Même si la pathologie excuse parfois le Fou, qui dit « fou » ne dit pas forcément handicapé. Il faudrait que je vous présente ma copine Amandine.
Non. J’entends par « Fou » celui qui a une volonté infondée de nuire. J’entends par Fou tous ces gens indiscernables qui pour une raison ou pour une autre, un jour vont décider de nous pourrir la vie. Et comme le Fou de l’échiquier, ils vont et viennent de travers, de façon complètement imprévisible au péril des pions, des tours, des cavaliers galopants, des dames, des rois, de vous, des gens que vous aimez.
Les Fous sont bien cachés
Au début, c’est gentillet. On les prend pour des cavaliers. On croit qu’ils sont juste galopants. Mais plus tard, on découvre qu’ils sont un peu mythomanes aussi. A moins qu’ils ne soient paranoïaques. Ou carrément des pervers narcissiques. Tout le vocabulaire psychiatrique y passe et au final, on ne sait pas. On laisse le bénéfice du doute. On sait juste au fond de nous que la relation, l’amitié, le rapport est toxique. Mais c’est pas méchant croit-on, on pense être trop sensible, trop susceptible. On se dit « Moi aussi j’ai eu des périodes où j’allais pas très bien, où j’étais pas toujours sympa… ». Bref, on ferme les yeux. On les rouvrira plus tard.
Le problème, c’est que, souvent, plus tard ce sera trop tard.
Et la machine est en route, alimentée par on ne sait quoi : l’envie, l’amour éconduit, la frustration, un complexe d’Oedipe, le besoin de pouvoir, de faire son intéressant ou l’envie tout simplement de faire chier. Dans le meilleur des cas, ce sera un « Truc a dit ça sur toi » mais on arrivera à s’en foutre parce qu’on n’a plus 15 ans. Au pire, il y aura des menaces, de la calomnie, du chantage affectif, du harcèlement, un coup de sabre (voir Google actualité à la date du vendredi 14 octobre) et peut-être même la prise d’otage de votre vieux nounours. Et je prie de toutes mes forces galopantes pour que ça ne m’arrive jamais.
À quoi reconnaît-on un Fou ?
Pour moi (qui ne suis pas du tout psy mais qui aime bien donner mon avis), c’est quelqu’un qui s’épanouit dans le conflit et qui, quand il a un problème, va chercher également à s’épanouir dans l’aggravation machiavélique et passionnée du problème plutôt que dans une résolution pragmatique basée sur le bon sens. Et ça nous est tous arrivé au moins une fois. Souvent ça s’appelle « la crise d’adolescence » ou alors « un premier chagrin d’amour ». Et c’est humain. En fait, ce qui est inquiétant, ce sont ces gens qui font de cet état d’esprit un art de vivre. Un loisir presque. Un job à plein temps. Est-ce que vous vous rappelez de Sabrina cet été dans « L’Amour est dans le pré » ? J’ai eu si peur pour Benoit !
En ce moment, les Fous me laissent tranquille. Mais j’en ai connu des savoureux. Et du peu que je m’en souvienne, tous mes proches en ont connu aussi. Certains d’entre eux ont eu du mal à s’en remettre. Est-ce que c’est parce que j’évolue dans le milieu du spectacle que j’en vois autant ? Ce milieu aux sensibilités exacerbées pour le meilleur et pour le pire et pour un oui et pour un non ? Je ne sais pas. Mais j’ai l’impression que le fou est le « méchant » du 21ème siècle, sans arrêt légitimé par la liberté d’expression, sans arrêt sollicité par la sphère Internet et les réseaux sociaux. On lui demande de se montrer, alors il se montre. On lui demande toujours son avis, alors il le donne. Et les forums Internet par exemple se pavent d’horreurs et d’absurdités en tout genre. Autant de bêtises serties de fautes d’orthographe que l’on lit, passifs, comme des Bisounours qui réaliseraient soudain que le monde va mal.
Et pourtant non, le monde ne va pas si mal. Tant qu’on aura « How I Met Your Mother », le monde ira même plutôt bien. C’est juste que les Fous prennent beaucoup de place sur le plateau d’échecs et vous me direz c’est logique : ils se déplacent de travers.
Comment éviter les Fous ?
… Et bien on ne peut pas (ne me remerciez pas, j’aime bien rendre service). Les Fous, ce n’est pas comme les immortels de la série « Highlanders », on les sent pas quand ils approchent et c’est bien dommage. En revanche, on peut économiser beaucoup d’énergie en décidant que ce sont des extra-terrestres. Vous m’avez bien lue. Décidez que vous n’êtes pas du même monde, sinon vous allez souffrir.
Car ces gens ont une carte de la vie et de la planète qui ne sera jamais la vôtre. Comprendre que sur cette carte, il vous sera impossible de retrouver votre chemin. C’est même pas la peine d’essayer de la lire, vous risqueriez juste de vous perdre d’avantage. Deuxième raison pour laquelle vous ne pouvez pas interagir avec cette pièce de l’échiquier : sachez que le fou fait ce qui lui semble bon. Pour lui il n’est pas fou, c’est vous. C’est bien connu, c’est toujours l’autre, le fou. Enfin, le fou est souvent malheureux, en cela il est déjà puni. Même si c’est facile à dire vu que je ne suis pas le mari de la jeune femme qui a pris le coup de sabre (voir Google actualité à la date du vendredi 14 octobre pour ceux qui ne l’ont pas encore fait).
Les Fous sont parmi nous sur le plateau d’échecs et leur plus grande ruse est de nous faire croire qu’ils sont de simples pions. Ceci était un message de prévention. Parce que la vie c’est AUSSI comme une boite de chocolat : si vous tombez sur une grosse liqueur, vous avez le droit de cracher.
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