À mesure que les régimes végétariens et végétaliens séduisent de plus en plus de monde, se multiplient aussi les hoax et autres études fumeuses qui voudraient nous faire croire que manger de la salade pollue plus que manger du bacon, ou que les légumes sont plus mauvais pour la santé que certaines viandes (à cause des pesticides !), etc.
Ce qui m’effraie toujours, c’est d’entendre ces fausses informations reprises par des gens que j’estime tout à fait capables de faire cette déduction pourtant simple : les animaux ne poussent pas dans les champs, ils mangent aussi, comme nous, beaucoup plus que nous, et ils mangent des végétaux (…traités aux pesticides, eux aussi).
Pas besoin d’avoir eu la médaille Fields pour faire les calculs qui vont suivre.
Le problème est à la fois toute la matière qu’une vache consomme, mais aussi toute celle qu’elle rejette
Ce qui suit ne devrait pas faire l’ombre d’un doute pour qui que ce soit : si une vache boit et mange 100 fois plus que toi, une vache pollue 100 fois plus que toi au minimum, vu qu’elle consomme la même chose que toi, mais en 100 fois plus. Et ce calcul ne prend pas en compte la pollution générée par la vache, qui est, là aussi, démesurée : entre les émissions de méthane et les déjections de l’animal, le problème n’est pas seulement toute la matière que la bête consomme, c’est aussi toute celle qu’elle rejette.
Notons que les « déchets » produits par nos animaux d’élevage polluent nos terres agricoles, notre eau potable.
Data Gueule nous fait un dessin, chiffres à l’appui
Ça, c’est juste une schématisation simplifiée. Pour une analyse rigoureuse et chiffrée, faites confiance à Data Gueule : voici ce que « coûte » aux humain•e•s et à la planète notre goût pour la chair animale.
Chers pouvoirs publics… on en parle ?
Je ne vais pas me lancer dans un énième sermon à l’égard des consommateurs de viande : ceux qui savent n’ont pas besoin qu’on leur fasse la leçon, ceux qui l’ignorent encore doivent faire ce chemin par eux-mêmes.
C’est aux pouvoirs publics que j’ai envie de faire la leçon : combien de temps encore allez-vous faire l’autruche ?
En achevant le visionnage de cet épisode, c’est plutôt aux pouvoirs publics que j’ai envie de faire la leçon. Parce que vous, mesdames et messieurs les décideurs publics, vous les avez, ces chiffres. Vous avez sans doute des projections, vous savez sans doute que notre modèle agricole et alimentaire n’est pas viable, pas si on se préoccupe un minimum du devenir des populations du Sud, celles dont les terres agricoles sont accaparées pour la culture du soja pour nourrir « nos animaux de consommation ».
Et non, contrairement à une idée (fausse) très répandue, ce n’est pas « le soja des végétarien•ne•s » qui colonise et assèche les terres par sa monoculture : c’est le soja des animaux.
« 75% des terres agricoles du monde sont dédiées à faire pousser la nourriture de notre cheptel mondial. »
Mais cette viande ne rapporte que 8% des calories et 18% des protéines consommées. La culture de soja est responsable de 91% de la déforestation en Amazonie… et 4% seulement du soja est consommé par les humain•e•s.
Un problème de santé publique
Je ne considère pas que les consommateurs de viande sont d’irresponsables égoïstes. En revanche, je m’interroge sérieusement sur la responsabilité de nos autorités publiques, politiques et sanitaires, qui continuent de professer les vertus des régimes carnés, qui continuent de soutenir un modèle de production et de consommation aussi nocif pour l’homme et la planète.
On peut débattre à l’infini du fameux rapport de l’OMS qui pointe les risques accrus de cancer liés à la consommation de viandes transformées : on peut se rassurer en se disant que nous, « on ne mange pas la même viande que les Américains »… mais le fait est que nos bêtes sont pourtant nourries au même soja, et que nous abusons tout autant des traitements antibiotiques, contaminant nos viandes aux bactéries antibiorésistantes, ce que dénonçait déjà en 2014 l’UFC Que Choisir :« L’OMS révèle qu’en Europe la majeure partie des antibiotiques est destinée non pas à la médecine humaine … mais à la médecine vétérinaire. La France figure avec l’Allemagne en tête de ce triste palmarès avec respectivement 63 % et 68 % du tonnage global d’antibiotiques utilisés pour les animaux ! […]
Jusqu’à 98 % de viandes contaminées par des bactéries résistantes : conséquences de ces errements, les tests réalisés par les associations de consommateurs en Allemagne, Belgique, Espagne, Italie, Pays-Bas et Portugal ont révélé que 72% à 98% des viandes de volailles analysées étaient porteuses de bactéries résistantes.
Plus grave, les analyses réalisées en France par l’UFC-Que Choisir ont montré que 61 % des viandes infectées étaient fortement contaminées par des ‘superbactéries’ résistantes à plusieurs antibiotiques ! »
— Non aux antibiotiques « automatiques » dans les élevages, UFC Que Choisir, 18 novembre 2014.
- À lire sur Slate : les superbactéries attaquent
Les chiffres sont là. Les faits sont là. Combien de temps nos représentants politiques resteront-ils encore passifs et silencieux sur cette question ?
Avons-nous vraiment le choix ?
« C’est mon choix », répondent des millions de consommateurs de produits carnés. Vraiment ? Quel choix avons-nous vraiment lorsque les menus des cantines scolaires, des cantines d’entreprises, des restaurants, des self-services, des fast-foods, lorsque les rayons des supermarchés et les étals des marchés déclinent à l’infini la vache, la poule, le mouton et le porc sous toutes leurs formes ?
Le choix de ne pas consommer de produits issus de cette exploitation animale suicidaire pour la planète et pour l’humanité, il faut l’assumer et le revendiquer, il faut s’y investir sérieusement pour réussir à (se) l’appliquer, en France. Il faut le justifier, pour soi et pour les autres. Alors qu’il pourrait n’être qu’un choix de plus au menu, il est une revendication politique.
Vous voulez avoir le choix ? Exigeons-le. Car aujourd’hui, nous subissons celui des industries et des pouvoirs publics
Ami•es et allié•es carnistes*, vous voulez avoir le choix ? Exigeons-le ensemble. Une société qui nous élève dans la croyance en la nécessité vitale de consommer des animaux, envers et contre tout bon sens sanitaire et écologique, ne défend pas nos intérêts, et certainement pas notre liberté de choix.
*Précisons que « carniste » n’est pas un terme péjoratif : ce terme désigne les consommateurs de produits carnés, évoluant dans un cadre social et culturel légitimant et banalisant la consommation de produits animaux.
Les intérêts que ce modèle de société défend, ce sont ceux de
cette industrie planétaire qu’est devenu l’élevage : 679 milliards de dollars par an. 66 milliards de bêtes élevées chaque année. Nous sommes dix fois moins nombreux•ses !
Data Gueule met les pieds dans le plat (de viande)
Je suis végétalienne depuis 3 ans, mais je n’incite personne à le devenir, en France, en 2016 : tant que les pouvoirs publics ne se seront pas saisis de cette question de santé publique, d’écologie, de développement durable, et surtout d’éthique, les végétalien•ne•s continueront d’être pris•es pour un microcosme de hippies idéalistes endoctriné•es par des gourous du « healthy ».
Je ne cherche pas à faire de la propagande, mais au contraire, à ouvrir une véritable discussion sur le sujet : les chiffres sont là. Les faits sont indiscutables. Plutôt que de tenter de minimiser les récentes conclusions de l’OMS, ou de servir de la laïcité dans les cantines, si on l’ouvrait, cette discussion franche et responsable, à propos de notre modèle de consommation ?
- À lire sur Slate, Viandes cancérogènes : le silence des politiques est mauvais pour la santé :
« Le ministre de l’Agriculture a brisé le silence en déclarant qu’il ne fallait pas « céder à la panique » ; que l’on « pouvait » et que l’on « devait » manger de la viande, qu’elle soit « rouge » ou « transformée ». Et ce d’autant que les filières françaises de l’élevage sont confrontées aux difficultés que l’on sait. »
On parle quand même de la façon dont l’humanité compte se nourrir dans le courant du siècle à venir. Je sais pas pour vous, mais moi, je mange trois fois par jour. C’est une question qui m’intéresse et me préoccupe hautement.
Suicide politique ou suicide collectif, cher•es élu•es ?
Il se murmure dans les milieux informés que remettre en cause l’industrie de la viande serait « un suicide politique ». Ce serait pour ça que nos élu•e•s auraient autant de mal à accepter l’idée d’une option végétarienne dans les menus des cantines, ou simplement ouvrir une discussion qui pourrait amener des millions de consommateurs à repenser leurs choix d’alimentation, à dynamiser le secteur bio et l’offre végétalienne, au détriment d’une version de l’élevage nocive pour l’homme et la planète.
« Un suicide politique », qu’ils disent… En attendant, c’est un suicide sanitaire, social, éthique et écologique que nous commettons. Comme un cheptel que ses bergers mènent à l’abattoir, tranquillement.
Ironique, n’est-ce pas ?
En attendant que les pouvoirs publics se décident à défendre la santé des citoyen•nes et l’avenir de la planète (rien que ça), devant le contentement de quelques syndicats agricoles, voici quelques ressources pour prendre soin de soi malgré les difficultés qu’il y a à diminuer drastiquement sa consommation de produits animaux quand on vit en France :
- L’Association végétarienne de France fournit toutes les informations nutritionnelles nécessaires à un changement de régime sain et responsable
- La « Vegan Mafia » recense pour vous et grâce à vos contributions tous les lieux de restauration « végé-friendly » sur leur carte interactive.
- Le Défi Veggie, avec le soutien de la fondation Nicolas Hulot : une semaine sans viande, pour le climat
- Nos témoignages sont aussi là pour vous guider :
Et pour les plus téméraires d’entre vous, la source ultime sur l’impact de l’industrie de la viande est (à mon avis très humble) l’exceptionnel documentaire disponible sur Netflix (grâce au soutien de la fondation de Leonardo Di Caprio) : Cowspiracy.
Un aller simple pour l’indignation envers les décideurs politiques de tout l’hémisphère Nord, garanti sans image d’abattoirs ni souffrance animale graphique.
Pour une version VOSTFR du trailer, c’est par ici !
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