Il faut que je vous dise un truc peu glorieux : je suis une fervente accro des merdouilles télévisuelles et sérielles. Bien sûr, lorsque mon entourage me demande ce que je regarde en ce moment, je réponds The Leftovers, la caution philosophique sérielle du moment… mais en vrai, je frétille surtout devant les replays de Secret Story.
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Ce qui est extrêmement dommage, c’est que si j’ai du mal à me souvenir de mes vieux cours d’histoire, je me rappelle en revanche parfaitement de toutes les coucheries et chamailles du monde de la téléréalité. Je sais qu’Eddy et Anaïs ont frôlé le burn out pour une histoire de salade, que Thomas a poussé Nadège un soir de prime, que Nicolas entendait la voix de Dalida (c’était quand même un peu chelou)… Et je sais donc que Sara a fricoté avec Aladin Stefan dans la nouvelle saison de Secret Story (et qu’une bonne partie de ses colocs s’en est offusquée) (figurez-vous qu’en 2014, c’est très choquant que deux jeunes adultes fricotent) (c’est très choquant de la part d’une fille surtout, tu penses bien) (même le Stefouille, il nous fait le choqué, en mode « ah non mais moi j’étais là par hasard, je ne voulais même pas »).
Face à tout ce drama téléréaliste, deux trucs me viennent à l’esprit :
- Ce serait drôlement chouette qu’on arrête de faire tout un foin des parties de jambes en l’air des candidat-e-s : je veux dire, une bonne partie de l’humanité a déjà eu des relations sexuelles, non ?
- Suffit-il d’enfermer des individus ensemble pour que les couples se forment ? La téléréalité peut-elle « fabriquer » l’amour ?
À chaque saison, dans chaque programme, ça ne loupe pas : des liens amoureux apparaissent, des candidat-e-s se bécotent, se font de grandes déclarations (« je te reverrai à l’extérieur » ; « tu es mon pilier dans l’aventure »)…
Y a-t-il une raison spécifique pour laquelle des participant-e-s qui vivent, dorment, mangent et s’amusent sous le même toit pendant un certain temps finissent toujours par tomber amoureux ?
Les amours de téléréalité et l’effet de simple exposition
Pour la psychologie sociale, ce phénomène pourrait être expliqué par « l’effet de simple exposition » : plus nous voyons quelque chose, plus nous l’aimons. Cette théorie a été proposée par Robert Zajonc (1968) et se base sur le principe suivant : « la simple exposition répétée à un stimulus suffit à rendre plus favorable l’attitude d’un sujet envers ce stimulus ».
Autrement dit, à force de se croiser à chaque petit déjeuner, il serait probable que les candidat-e-s de téléréalité s’habituent les uns aux autres et puissent développer des relations amoureuses.
Loana, Jean-Édouard, une piscine… et une première pour la télé française.
Pour Zajonc, chercheur en psychologie sociale, lorsque nous voyons quelque chose de façon répétée, nos esprits enregistrent, analysent plus facilement la présence de cette chose – nous nous habituons à ce qu’une personne soit dans notre entourage, et nos cerveaux n’ont plus à faire d’efforts perceptuels pour la reconnaître. Plus c’est facile pour nos cerveaux, plus nous sommes heureux (il en faut peu pour être heureux, disait un philosophe animé)… et plus nous aurons de chances de développer des sentiments pour les personnes qui nous sont familières.
Pour parvenir à ce constat, Robert Zajonc a réalisé l’expérience suivante : le chercheur a présenté à des sujets douze mots inventés, sans signification (par exemple «
iktitaf » ou « civadra »), en leur faisant croire qu’il s’agissait de mots turcs. Selon les groupes de sujets, les mots sont présentés 0, 1, 2, 5, 10 ou 25 fois. Après cette exposition aux mots, l’équipe menée par Zajonc demande aux sujets d’estimer si les mots signifient selon eux quelque chose de « bien » ou de « mal ».
L’effet de simple exposition fonctionne à merveille : plus les mots ont été présentés aux sujets, plus ils ont été perçus comme positifs ! En d’autres termes, la fréquence d’exposition aux mots a un impact sur le sens qui leur est attribué, et les mots présentés 25 fois aux sujets sont évalués bien plus positivement par les sujets que les mots présentés une seule fois…
Cette expérience a été répliquée par de nombreux autres chercheurs-es. Moreland et Beach (1992) ont par exemple constaté que plus des étudiants sont présents lors des cours, plus ils sont évalués positivement par leurs camarades (même s’ils n’interagissent pas ensemble)…
Adriano, Bachelor édition 2013
En somme, une simple exposition (voir quelqu’un de façon répétée, sans forcément interagir) peut intervenir dans la formation de sentiments amoureux – plus nous sommes exposés à quelqu’un, plus il nous est inconsciemment familier et plus nous sommes susceptibles d’en tomber amoureux-se (Monahan, Murphy et Zajonc, 2000).
Cela fonctionne pour la téléréalité – et cela fonctionne aussi dans nos vies : en rencontrant votre voisin, votre camarade de classe, votre collègue, vous n’avez peut-être pas été subjugué-e… mais si vous les croisez tous les jours, vous finirez peut-être par en tomber bien amoureux-ses !
Pour aller plus loin :
- Un post de Melanie Tannenbaum pour PsySociety
- L’ouvrage Psychologie sociale, dirigé par P. Gosling
Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.
Les Commentaires
Imagine que tu es dans cette piscine et que pour fricoter tranquillement sans te noyer tu dois t'accrocher au rebord. Tu plie ton bras vers ton épaule et tu met ta paume vers ton dos. Ben la main est juste accrochée avec deux doigts sur la photo (index et majeur, le pouce a l'interieur de la main). tadaaaa