Chaque année, environ 220.000 femmes sont victimes de violences conjugales en France. Et depuis le 1er janvier, 100 femmes ont déjà été tuées par leur partenaire ou ex-partenaire, selon le décompte réalisé par le collectif @feminicidesfr.
Pour lutter contre ce type de violence, le gouvernement organise ce mardi 3 septembre, un Grenelle des violences conjugales. Plusieurs ministres, associations et expert·es sont convié·es pour trouver des solutions ensemble afin de mieux prendre en charge les victimes, de renforcer l’arsenal des sanctions contre les auteurs et d’améliorer la prévention en matière de violences conjugales.
Si la cause est pleinement partagée par toutes les militantes féministes, certaines craignent que ce sommet ne soit qu’une opération de com’ quand d’autres engagées depuis longtemps sur le terrain regrettent de ne pas avoir été invitées. Surtout, elles soulignent toutes l’urgence de la situation et le fait qu’il va falloir investir massivement.
Selon un rapport réalisé en 2018 par la Fondation des femmes et plusieurs organisations, il faudrait entre 500 millions et 1 milliard d’euros pour pouvoir réellement mettre à l’abri les victimes de violences conjugales.
En attendant d’en savoir plus sur les moyens mis en oeuvre et les décisions prises à l’issue du Grenelle, je me suis dit qu’il serait sans doute utile de réaliser un article te donnant des pistes pour aider une proche (amie, sœur, cousine, voisine, etc) qui serait victime de violences conjugales.
« Je crois que je connais une victime de violences conjugales »
Si tu as l’impression qu’une de tes proches subit des violences conjugales (qu’elles soient psychologiques, physiques ou sexuelles), tu peux essayer d’aborder le sujet avec elle sans la mettre dos au mur. En lui partageant des articles (comme celui de madmoiZelle sur le violentomètre) ou en évoquant tes doutes : « j’ai remarqué que… », « tu as l’air… ».
Si elle ne saisit pas la perche que tu lui tends, n’insiste pas. Fais-lui juste passer le message que tu es là pour elle, pour l’écouter ou l’aider le jour où elle en aura besoin. Les violences conjugales provoquent chez la plupart des victimes de la honte et de la culpabilité, et elles ont besoin de temps pour réussir à sortir de l’emprise de leur agresseur.
Si elle commence à te parler de ce qu’elle vit, écoute-la de manière bienveillante, sans la bombarder de questions ou chercher des solutions toutes-faites comme le conseille l’association SOS femmes sur son site internet.
« La meilleure façon d’avoir une écoute efficace et réellement aidante est d’utiliser la technique dite de la reformulation. Évitez de poser des questions directes ou de vous montrer trop inquisiteur-trice, ne racontez pas vos expériences personnelles, votre façon de voir les choses ou celles des autres, contentez-vous des informations qu’elle voudra bien vous donner ».
Ce qu’il faut éviter de dire à une victime de violences conjugales
Il a fallu une sacrée dose de courage et de confiance (en elle et en toi) pour que ta proche vienne se confier. Tu seras peut-être étonnée d’apprendre les violences qu’elle subit de la part de son partenaire. Évite pour autant de lui dire des trucs du style « mais ce n’est pas possible ! Il avait l’air tellement gentil ! ». La plupart du temps, les hommes violents sont tout à fait charmants à l’extérieur du cercle familial, car les agresseurs font tout pour préserver leur impunité.
Évite également les formules du style « il faut », « tu dois », « moi à ta place », « je ne comprends pas pourquoi tu restes », etc. C’est le meilleur moyen pour que ta proche se sente jugée et se renferme. Les victimes sont souvent sous l’emprise de leur partenaire et elles ont subi des violences psychologiques qui ont amoindri leur estime d’elle-même et leur espoir de s’en sortir.
Il est aussi important pour toi de comprendre que la violence conjugale fonctionne par cycles,
qui ont tendance à s’accélérer dans le temps.
Il y a d’abord une phase de tension dans laquelle le partenaire exerce des violences psychologiques (dénigrement, découragement, insultes, contrôle…), survient ensuite une phase de crise aigüe, où le partenaire s’en prend physiquement à l’autre. À l’issue de ce déchaînement de violence, il peut y avoir une phase de sidération où la victime tente de rationaliser ce qui s’est passé en cherchant parfois des excuses à son partenaire. Enfin, la phase de lune de miel démarre, où l’agresseur va tenter de se faire pardonner en présentant ses excuses et/ou en promettant de changer.
Outre l’espoir que leur partenaire va changer qui survient pendant la phase de lune de miel, les victimes ont souvent plein de raisons qui les poussent à rester. Peur de perdre la garde de leurs enfants ou de rompre la cellule familiale, dépendance financière, peur des représailles sur elle-même, leurs enfants ou leurs proches, menaces de suicide proférées par le conjoint, etc.
L’essentiel si tu veux aider ta proche est donc d’être à son écoute, de lui dire que tu seras là pour elle le jour où elle en aura besoin et de lui répéter que tu la crois, qu’il n’avait pas le droit de faire ça et qu’elle n’est responsable de rien.
Les agresseurs tentent souvent d’isoler leur victime de sa famille et de ses amies, donc rester présente même à distance, conserver ce lien entre vous quoi qu’il arrive peut faire la différence sur le long terme et vraiment l’aider à se sortir de cette situation dangereuse. Sois patient·e.
Bien accompagner une victime de violences conjugales dans ses démarches
La règle d’or, c’est de respecter les souhaits de ta proche : elle ne souhaite pas porter plainte ? N’insiste pas, mais propose-lui d’aller voir un médecin pour faire constater les violences subies. Le ou la médecin lui délivrera un certificat d’Interruption Temporaire de Travail (même si elle ne travaille pas), qui pourra être utilisé ensuite éventuellement dans le cadre d’un futur dépôt de plainte.
Tu peux également prendre des photos des blessures de ta proche et écrire toi-même un témoignage (daté et signé) dans lequel tu témoignes des violences auxquelles tu as assistées ou des conséquences des violences que tu as constatées chez ta proche. Ces témoignages écrits de proches, accompagnés de photocopies des pièces d’identité sont des éléments qui pourront appuyer là aussi un futur dépôt de plainte.
Tous ces documents sont à conserver précieusement (si possible pas au domicile de l’agresseur) : tu peux proposer à ta proche de les garder chez toi.
Si ta proche est d’accord pour porter plainte, tu peux l’accompagner au commissariat ou à la gendarmerie. Ta présence sera sûrement réconfortante, surtout si vous tombez sur des personnes qui n’ont pas été formées à recevoir correctement les plaintes de victimes de violence conjugale. Sache enfin que quoi qu’ils puissent vous dire, les policiers et gendarmes ont l’obligation d’enregistrer la plainte (même sans certificat médical).
Il est aussi possible de déposer une main-courante (si ta proche préfère finalement ne pas porter plainte) qui pourra servir d’élément de preuve dans le cadre de poursuites ultérieures. À sa demande, un récépissé de sa déposition doit lui être remis ainsi qu’une copie intégrale de sa déclaration.
Il peut être utile d’aider ta proche à coucher par écrit la description des violences et menaces qu’elle a subies, car il est parfois difficile pendant le dépôt de plainte de conserver le fil à l’oral, alors qu’elle revit des épisodes traumatisants.
Protéger et aider une victime de violences conjugales lors de son départ
Si ta proche n’est pas encore prête à partir mais que tu veux la protéger, tu peux lui proposer de convenir ensemble d’un code de communication. Une expression anodine qu’elle pourrait t’envoyer par sms ou te dire au téléphone si elle se sent en danger à un moment, afin que tu puisses avertir les services de police rapidement sans alerter l’agresseur.
Tu peux aussi réfléchir avec elle en amont à un lieu où elle pourrait se réfugier si elle se sent en danger. Cela peut être chez toi bien sûr, mais si l’agresseur connaît ton adresse, ce n’est peut-être pas l’idéal.
Si ta proche a l’air de cheminer vers l’idée du départ, tu peux l’aider à bien le préparer en lui conseillant d’ouvrir un compte bancaire (en ligne par exemple), à son nom (de naissance si elle est mariée) avec une adresse différente de celle du domicile conjugal (celle de ses parents, la tienne) et dont elle sera la seule à connaître l’existence / les codes.
L’occasion de lui préciser aussi qu’il vaut mieux pour elle faire attention aux traces qu’elle laisse sur son ordinateur/téléphone dans le cadre de ses démarches. La navigation privée et le nettoyage de son historique de navigation sont des bons réflexes à adopter face à un conjoint adepte du contrôle.
Tu peux aussi lui proposer de conserver chez toi quelques effets personnels si elle doit partir en cas d’urgence, voire mettre en sûreté certains documents importants (papiers d’identité, titres de séjour, carte de sécurité sociale, bulletins de salaires, documents bancaires, etc). Sans oublier les éléments de preuve des violences (certificats médicaux, récépissé de dépôt de plainte, main courante, lettres de témoignages). Tu peux scanner/photocopier tous ces documents et les conserver sur un disque dur.
Contacter des associations spécialisées dans l’aide aux victimes de violences conjugales
Si on appelle depuis la France, l’appel n’apparaît pas sur la facture téléphonique et si on n’est pas soi-même victime mais que l’on veut des conseils personnalisés pour une proche victime de violences, on peut aussi les contacter.
Le 3919 n’est pas un numéro d’urgence, comme le 17, mais d’un numéro où obtenir des conseils et être mis en contact avec des associations sur l’ensemble du territoire français. Ces associations font un travail formidable pour accompagner les victimes et les protéger au moment de leur départ du domicile conjugal, et ensuite.
Elles peuvent notamment mettre en relation les victimes avec des avocat·es pour porter plainte et/ou obtenir une ordonnance de protection auprès du tribunal de grande instance. Enfin, les associations peuvent fournir un hébergement d’urgence aux femmes victimes de violence qui en ont besoin.
Tu peux trouver plus d’informations sur le site officiel du gouvernement. Ou contacter directement des associations de lutte contre les violences faites aux femmes :
- FNSF – Fédération nationale solidarité femmes
- CNIDFF – Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles
- CFCV – Collectif féministe contre le viol
- Femmes solidaires
- MFPF – Mouvement français pour le planning familial
- FDFA – Femmes pour le dire Femmes pour agir
Tu peux également aller lire l’article de madmoiZelle sur le sujet : Mon mec vient de me frapper pour la première fois, que faire ?
Tu as d’autres conseils à donner sur le sujet ? Tu as une expérience à partager ? Viens en parler dans les commentaires.
Si vous ou quelqu’un que vous connaissez est victime de violences conjugales, ou si vous voulez tout simplement vous informer davantage sur le sujet :
- Le 3919 et le site gouvernemental Arrêtons les violences
- Notre article pratique Mon copain m’a frappée : comment réagir, que faire quand on est victime de violences dans son couple ?
- L’association En avant toute(s) et son tchat d’aide disponible sur Comment on s’aime ?
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