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Source : Gustave Deghilage / Flickr
Féminisme

« C’est une nécessité vitale » : elles font la grève féministe et nous expliquent pourquoi

Ce 8 mars, le collectif #GrèveFéministe, composé de nombreuses associations parmi lesquelles le Planning familial, Nous Toutes, la CGT et la Fondation des femmes, appelle à faire grève au travail, mais aussi à la maison ou à l’université. Pour quelles revendications ? Quatre d’entre vous ont expliqué à Madmoizelle pourquoi elles font grève, et ce qu’elles attendent de cette mobilisation.

« Je ressens le besoin immense d’amplifier la voix des femmes »

Pour la première fois, ce 8 mars, je fais grève. Je ressens un besoin immense d’amplifier la voix des femmes et des minorités de genre, et de réclamer des changements concrets en matière d’égalité. On l’a vu avec la constitutionnalisation de l’IVG lundi : se mobiliser, faire preuve de solidarité paye, même dans notre société patriarcale ! Ça donne énormément d’espoir, on se sent moins seules dans notre combat.

Je suis à chaque fois touchée de voir les militantes féministes oublier une journée leurs désaccords pour porter ensemble des revendications. J’ai hâte de me joindre à elles. Car même si nous avons obtenu une avancée cette semaine, le combat est vraiment loin d’être gagné. Il n’y a qu’à voir combien de féminicides ont été commis depuis le début de l’année… Sans compter l’omerta qui règne sur les violences sexistes et sexuelles, les différences salariales persistantes, le peu de considération qu’on accorde aux femmes, notamment lorsqu’elles sont racisées, précaires, parents solos, handicapées…

« Participer à la Grève Féministe, c’est montrer notre détermination à ne rien lâcher. »

Maud

Je me doute bien que faire grève demain ne va pas changer grand chose : Darmanin sera toujours au gouvernement demain soir (à moins d’une excellente nouvelle !), les acteurs ne vont pas tout d’un coup apporter explicitement leur soutien à Judith Godrèche, les patrons ne vont pas embaucher plus de femmes, et ces dernières devront sans doute encore se charger majoritairement des tâches ménagères … Mais je crois au pouvoir de sensibilisation et de mobilisation de la grève. Participer à la Grève Féministe, c’est montrer notre détermination à ne rien lâcher, et montrer notre adelphité en dépit des divergences d’opinion. 

Je bosse dans une boîte majoritairement féminine et j’ai la chance d’avoir un employeur plutôt compréhensif : je lui ai annoncé la semaine dernière que je ne travaillerai pas vendredi après-midi pour participer à la manifestation. Il a été surpris mais a reconnu mon droit de grève. Mes collègues m’ont soutenue et deux ont même décidé de se joindre à moi pour aller à la manif. Je ne pense pas que ça aura des répercussions négatives sur ma vie professionnelle, mais je reste vigilante quant à d’éventuelles discriminations ou représailles. 

Maud, 24 ans

À lire aussi : Tout savoir de la grève féministe pour la Journée internationale des droits des femmes

« Faire grève est un acte de résistance contre le système patriarcal » 

Après avoir marché comme chaque année contre les violences faites aux femmes le 25 novembre, je participe ce 8 mars à la Grève Féministe. Faire grève, c’est vital pour moi, je veux montrer ma détermination à ne plus rien laisser passer. 

« Je vois cette grève du 8 mars comme un mouvement joyeux et militant. »

Houda

Bien plus qu’une simple manifestation, je vois la grève comme un acte de résistance contre un système patriarcal oppressif qui maintient les femmes, les personnes racisées, les personnes LGBTQIA+ dans une position de subordination. Non seulement cette position ne leur permet pas d’avoir les mêmes chances dans la vie, mais elle les met littéralement en danger. 

Je vois cette grève du 8 mars comme un mouvement joyeux et militant, où on se retrouve entre collègues, entre copines, pour résister ensemble aux discriminations, aux oppressions. Je fais moi-même partie depuis plusieurs années maintenant d’un collectif féministe en Normandie (j’habite près de Caen), et je sais que je vais voir des têtes connues au point de rassemblement.

J’ai la « chance » d’être freelance et de pouvoir choisir de ne pas travailler pour soutenir la mobilisation. Je sais bien que ce n’est pas le cas pour tout le monde. Même si faire grève est théoriquement un droit, on sait bien que dans les entreprises, ça n’est pas toujours simple de le revendiquer, surtout quand il n’y a pas d’organisation syndicale derrière. C’est pour toutes celles et ceux qui n’ont pas pu arrêter le travail que je me mobilise.

Houda, 35 ans

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Crédit : Gustave Deghilage

« Je fais grève des tâches domestiques »

Comme je suis infirmière en milieu hospitalier, je ne vais pas pouvoir faire grève en cessant le travail le 8 mars. Mais cela ne m’empêchera pas de faire entendre ma voix dans le cercle privé en faisant grève du travail domestique, à la maison.

Cette décision découle d’une longue réflexion sur le poids des normes de genre dans notre société. J’en vois chaque jour au travail les conséquences sur la santé mentale et physique des femmes, et j’en ressens aussi les effets chez moi, je le vois aussi chez mes amies. 

Mes gardes à l’hôpital durent douze heures, où on travaille dans des conditions dégradées (l’hôpital public est dans un état lamentable mais c’est un autre débat) et quand je rentre chez moi le soir, j’ai une « deuxième journée » qui m’attend : les tâches ménagères et domestiques, que je prends en charge en grande majorité. 

« Choisir de faire grève des tâches domestiques est donc ma façon de protester contre ce travail invisible et non rémunéré. »

Pia

Et je ne suis pas la seule, comme le prouvent les chiffres de l’Insee : les femmes passent en moyenne chaque jour trois heures sur les tâches domestiques et les hommes 1 heure 45. Les mères consacrent 1 heure 35 aux tâches parentales et les pères 41 minutes en moyenne… Choisir de faire grève des tâches domestiques est donc ma façon de protester contre ce travail invisible et non rémunéré.

Pourtant mon conjoint est loin d’être le pire du monde : il a bien conscience du poids qui pèse sur mes épaules au quotidien et tâche au mieux de « prendre sa part » en s’occupant de la maison et des enfants. Mais même ainsi, je suis toujours perçue par lui et par les autres comme la référente du travail domestique et de l’éducation. Au quotidien, c’est moi qui m’occupe des repas, qui m’occupe le plus de nos enfants et qui porte la charge mentale de toutes les tâches auxquelles lui ne pense même pas, comme les rendez-vous médicaux, l’achat de vêtements, de matériel scolaire, les inscriptions à des activités… 

Mon conjoint connaît – et partage en grande partie – mon engagement féministe, donc ça ne lui pose pas de problème que je décide de faire grève le 8 mars. Cette décision a même permis que nous discutions franchement de la répartition des responsabilités familiales, et à quel point elles peuvent parfois me peser. Je ne sais pas encore si cette discussion sera suivie d’une remise à plat de notre organisation et d’une remise en question de sa part, mais pour une fois, j’ai envie d’être optimiste.

Pia, 41 ans

« Le fait qu’on puisse se rassembler donne de l’espoir et de la force »

Cette année, le 8 mars arrive quatre jours après la constitutionnalisation de l’IVG, un bel arbre (et encore) qui cache une forêt toute moche où les droits des femmes sont loin d’être les préoccupations premières des classes politiques. C’est super de voir l’IVG dans la Constitution, mais le droit au logement aussi y est et ça n’empêche pas qu’il y ait toujours plus de personnes sans domicile en France. La constitutionnalisation ne signifie pas plus de moyens pour les hôpitaux, ni pour les assos. C’est vraiment ce qu’il ne faut pas perdre de vue : les droits des femmes sont corrélés aux droits sociaux et ils sont tous plus ou moins menacés aujourd’hui par des coupes budgétaires et des attaques assez frontales. Dans le même temps, on voit que les enjeux liés aux violences conjugales sont encore loin d’être assimilés, par la population globale, dans les médias, et dans la sphère politique.

Je ne sais pas si cette grève en particulier va changer la face du monde du jour au lendemain, mais le fait que l’on puisse se rassembler, même de loin, tous les ans dans le même objectif global, oui, ça donne de la visibilité et ça donne aussi de l’espoir et de la force. Et il y a du changement, petit à petit, donc oui, on avance grâce à ces mobilisations.

« La constitutionnalisation de l’IVG ne signifie pas plus de moyens pour les hôpitaux, ni pour les assos. »

Morgane

Aujourd’hui, je ne fais pas formellement grève : j’ai posé une journée de récupération. Je travaille dans les institutions européennes avec un contrat français et, c’était juste plus simple pour moi. En revanche, ce qui m’a motivée c’est d’abord de pouvoir choisir ce que je ferai de cette journée qui est « à moi ». J’ai besoin de ce temps à titre personnel pour mettre en ordre pas mal de choses qui doivent me permettre de changer de voie professionnelle, et je trouve ça cool d’utiliser cette journée pour commencer mon changement de vie, que je considère un peu comme une reprise de pouvoir sur mon parcours actuel. Il m’est déjà arrivé de « voler » une après-midi ou une journée du 8 mars sans le signaler spécifiquement. Cette fois, j’ai notifié la raison.

J’ai prévenu ma supérieure mais je n’en ai pas parlé aux hommes de l’équipe, qui ont déjà du mal à comprendre pourquoi il ya une exposition au rez-de-chaussée de notre bâtiment sur le thème de l’inclusivité et de l’égalité entre les genres depuis aujourd’hui. Ils ne « voient pas le rapport avec la journée des droits des femmes ». Je leur ai dit que c’est pour ça qu’il y avait encore du taf. Pour eux, c’est un non sujet et ils sont toujours surpris quand ça arrive sur le tapis. On est une équipe de dix, dont sept hommes, tous blancs, entre 45 et 55 ans et vraiment, ils sont très bien dans leur inconscience de leurs privilèges de race, de genre et de classe (pour la plupart).

Morgane, 31 ans

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