Nous sommes en 2014, et ça fera bientôt un siècle que notre vieux continent a peu ou prou implosé en entrant dans une guerre meurtrière. Pour fêter cette heureuse commémoration, quoi de plus réjouissant qu’un documentaire diffusé sur Arte ?
Eh, partez pas ! Je vous assure que ça vaut le détour !
http://youtu.be/9vMqKGwIliw
Des personnages historiques fascinants
Le documentaire 14, des armes et des mots traite les évènements à travers le regard de quatorze personnages ayant vécu cette période et tenu des journaux ou entretenu des correspondances. Ils et elles sont de nationalités, âges, sexes et conditions sociales différentes.
On va de la vieille fille issue de la bourgeoisie écossaise qui s’engage comme infirmière en Belgique au paysan autrichien qui aurait préféré cultiver sa terre que de partir servir un pays auquel il ne croit pas, en passant par le petit garçon français enthousiaste et impatient de voir l’armée regagner l’Alsace et la Lorraine, ou encore la jeune fille Cosaque qui s’engage dans un régiment pour suivre son père…
Le documentaire montre ainsi une grande variété de points de vue, et traite, à travers ces témoignages, les diverses thématiques liées à la guerre. Je craignais, en prenant connaissance du concept, qu’on ne sombre dans quelque chose de racoleur mais la variété des témoignages et la narration très sobre, jamais larmoyante, évitent ce poncif. Le ton est résolument pacifiste.
On en sait au final assez peu sur les différents personnages croisés mais l’ensemble donne envie d’en savoir plus ; malheureusement, peu de leurs écrits complets sont accessibles en langue française. Espérons que le documentaire mènera à la publication de certains d’entre eux !
Les écrits des quatre témoins français (Louis Barthas, Les Pireaud et Yves Congar) sont aisément trouvables : c’est déjà ça !
Une forme originale
14, des armes et des mots est composé d’intermèdes richement illustrés avec des explications historiques, et de séquences de reconstitutions avec des acteurs, basées sur les témoignages des quatorze personnages. Ces séquences sont entrecoupées d’images d’archives en noir et blanc.
Il s’agit d’un docu-fiction international : c’est le réalisateur allemand Jan Peters qui a réalisé tous les épisodes (huit en tout), mais il s’est entouré d’une équipe aux nationalités variées. Ainsi, on entend parler russe, allemand, anglais, italien, français…
Les acteurs qui jouent les personnages sur les témoignages desquels est basée « l’intrigue » sont tous convaincants et ne tombent jamais dans le mélodrame. Parfois, les scènes s’interrompent et le personnage tourne alors son visage face caméra pour témoigner directement.
Ce procédé, qui m’a un peu désarçonnée tout d’abord, s’avère vraiment efficace, à la fois pour rendre une certaine intimité (les mots ont été écrits à destination d’un journal ou d’un être proche), mais aussi pour créer une distance avec l’action, couper la scène, prendre du recul et réfléchir à ce qu’il se passe.
Marina Yurlova, la jeune Cosaque, interprétée par Natalia Witmer
Une didactique efficace
Un véritable réseau d’historiens s’est formé, et les films et photos utilisés proviennent de 71 archives de 21 pays. Les illustrations très riches de cette période permettent une plus grande immersion mais aussi un support très clair pour les explications.
La guerre de 14/18 est une étape charnière de notre histoire, le point de non-retour, la véritable entrée dans le XXème siècle. Mais on a beau nous en parler depuis la primaire, on n’en connaît généralement que les grandes lignes, vues depuis la France.
Avec ce documentaire, on prend de la hauteur et on replace clairement les enjeux des divers pays, les intérêts des uns et des autres et leur situation au moment de l’entrée en guerre. Les rappels qui ponctuent et entrecoupent les témoignages sont concis et précis, ils permettent de mieux saisir ce qui se joue. D’autant plus que les thématiques abordées par les différents récits entremêlés sont très variés : politique, armement, technique, stratégie mais aussi sexualité, médecine, nourriture, propagande…
Le mélange de l’histoire intime et de la grande Histoire a toujours été un moyen efficace d’impliquer le public en suscitant l’empathie. 14, des armes et des mots use de ce procédé avec habileté mais offre un véritable éventail d’opinions et de personnalités. Au lieu de suivre simplement un soldat au front, on découvre quatorze personnages qui traversent la guerre avec leur sensibilité propre, mais dont les histoires se font toujours écho.
L’artiste allemande Käthe Kollwitz et son interprète Christina Grosse
- 14, des armes et des mots, le mardi à 20h50 sur ARTE
- Le site officiel, contenant le making-of ainsi que les épisodes en replay : 14, des armes et des mots
- La machine à remonter le temps vers 1914
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