– Article initialement publié le 26 juillet 2013
Prendre la voiture pour explorer les environs, essayer de nouveaux restaurants, buller dans le jardin sur son vieux transat, suivre tous les vieux Derrick qui repassent à la télé, dîner chez des amis qui habitent la région, passer le temps qu’on n’a pas le reste de l’année avec ses proches, profiter de son appartement… Pour les partisans du « staycation » (contraction des mots « stay » et « vacation »), partir loin n’est pas un pré-requis à des vacances dépaysantes. Au contraire : choisir de rester à la maison est l’occasion de s’ouvrir aux curiosités locales desquelles l’on se désintéresse durant l’année. C’est l’idée que défend Isabelle, qui habite en Normandie avec sa petite famille, et pas partie en vacances depuis 3 étés :
« On a tendance à sous-estimer le potentiel récréatif de notre lieu d’habitation, parce qu’on l’associe à la routine, au travail et aux enfants qu’il faut conduire à l’école. Mais si l’on part du principe que certaines familles se déplacent jusqu’à nos régions pour les découvrir, ça nous ramène à l’idée que chaque terroir est potentiellement dépaysant.
Alors, pourquoi se ruiner dans une location située dans un autre département ou pays quand on peut aussi se surprendre à découvrir de nouveaux coins près de chez soi ? »
L’idée sous-jacente est que pour être dépaysé, partir loin (et engendrer des frais de transports et locations) n’est pas impératif. L’expérience que nous faisons tous les jours de nos villes serait hautement polarisée par nos obligations quotidiennes.
Or, rester à la maison pour les vacances est un moyen de prendre le temps de découvrir ces activités auxquelles l’on ne s’adonne pas le reste de l’année, faute de motivation et de curiosité. Si l’on peut considérer qu’une majeure partie des « staycationers » ne partent pas faute de moyen, il est intéressant de voir que pour certains, les « vacances à la maison » sont un choix pragmatique.
Rester chez soi pour économiser
L’année dernière, Fabien, 24 ans et endetté, s’est retrouvé à devoir passer tout l’été à Paris :
« Ce qui s’annonçait comme une punition a fini par être un des meilleurs moments de l’année. J’ai pris le temps de faire toutes ces choses que je me suis un jour promis de faire à Paris : des balades en banlieue, du vélo le long du canal, des musées, de la lecture allongé dans l’herbe au parc Monceau… »
Depuis, le jeune homme a décidé de couper ses vacances en deux : un gros week-end « hors de Paris, pour souffler », le reste du temps à la maison « pour profiter de [sa] ville quand elle se vide de ses occupants ».
À l’heure où la crise réduit considérablement le budget vacances des Français-es, rester à la maison apparaît comme une option rentable. Ailleurs, on remarque déjà qu’avec les bons plans de dernière minute, choix de vacances plus longues sur une destination peu chère ou folie mais sur une période plus courte… les Français-es tendent à désacraliser la place des vacances dans le programme de l’année.
D’après une étude Ipsos-Europ Assistance, les intentions de départ ont d’ailleurs baissé de 8 points en France (62%). « La crise pèse de façon durable. Il y a une corrélation évidente entre son intensité et le recul des intentions de départ en vacances et le poste des vacances n’est plus un sanctuaire des loisirs, même chez les Français
», résume Martin Vial, directeur général d’Europ Assistance.
Pour Agathe, qui a déjà la chance de vivre sur le littoral, les vacances à la maison se sont vite imposées comme une évidence :
« Tout d’abord parce qu’étant étudiante, le seul endroit où j’aurai pu aller, c’est là où vont papa-maman et bon… un peu la flemme quoi. Ah et il y a le Festival Interceltique là où je vis, à Lorient, juste au moment où ils s’en vont et je ne louperais ça pour rien au monde : l’ambiance est dingue ! Comme j’habite près des côtes, je profite quand même de la plage et du coup, j’ai vraiment pas de regret. »
Par ailleurs, ne pas partir permet également de reporter le budget transports et locations sur des moyens de se faire plaisir sans quitter sa ville, tels que s’accorder des restaurants un peu plus chers que d’ordinaire, aller au spa, s’offrir des activités sportives dans la région, se rendre au théâtre ou à l’opéra au lieu du cinéma, etc.
Pour de vraies « vacances à la maison », il faut apprendre à décrocher
Ainsi, si fuir sa ville est souvent perçu comme la façon la plus radicale de profiter de ses jours de congés, à l’inverse rester à la maison permet souvent des économies, en plus de remplir la mission de repos et de dépaysement… à condition de jouer le jeu.
En effet, le fait de rester dans son environnement habituel peut inciter le vacancier à ne pas totalement s’abandonner au repos. Lucie, 31 ans, cadre dans une agence de télécommunication, explique :
« Ton ordinateur, ton téléphone, tes documents… tout ça n’est jamais loin. Si en plus de ça ton employeur sait que tu n’es pas à 5 000 bornes, il pourra se permettre de te contacter pour quelques bricoles, trois fois rien peut-être, mais ce sera toujours ça qui t’empêchera de déconnecter complètement. »
Pour éviter la tentation du travail, Lucie parle de la nécessité d’une rigoureuse autodiscipline. Passer des vacances à la maison n’est réellement reposant que si l’on signe le contrat avec soi-même de s’éloigner à tout prix de son quotidien habituel.
« Chassez le naturel, il revient au galop ! Même quand tu as la prétention de profiter de tes vacances pour aller à la piscine et visiter telle ou telle réserve naturelle à l’extérieur de ta ville, tu ne le fais pas forcément si tu ne t’imposes pas un programme.
En te réveillant un matin, tu te surprendras peut-être à ouvrir ta boîte e-mail et t’avancer un peu sur ton travail de la rentrée. Pour éviter ça, il ne faut pas hésiter à éloigner physiquement ton ordinateur de ton salon, écrire sur une feuille ton programme de la semaine, et du reste, lâcher prise »
Ne pas partir, c’est aussi moins de stress
Par ailleurs, nombreux des adeptes des vacances à la maison notent que le fait de ne pas partir évite tout un lot de stress : les préparatifs, la longueur des voyages, l’attente à l’aéroport…
« J’ai vite réalisé qu’il m’arrivait de prendre l’avion pour une destination lointaine et sur place, ne faire que buller au lieu de visiter les parages.
Chacun sa conception des vacances, mais si pour certains elles sont l’occasion de découvrir de nouveaux endroits, pour moi elles doivent surtout être synonyme de repos maximal »
Et Claire, 27 ans, d’expliquer que les activités qu’elle aime le plus ne se pratiquent pas nécessairement à l’étranger :
« Ma conception des vacances ne m’oblige pas à prendre l’avion et payer une location. À partir de là, pourquoi assumer toutes ces dépenses ? Faire la sieste au bord de l’eau, je peux le faire chez moi en Suisse plutôt que dans un resort à Marrakech ! »
Souvent, rester chez soi l’été permet également de faire le bilan de l’année et le point sur la rentrée qui arrive. C’est le cas de Saniya, qui explique que ne pas partir lui a permis de se reposer et de ne penser qu’à elle :
« Je suis restée deux semaines chez moi, à Paris, pour prendre le temps de faire tout ce que je n’avais jamais le temps de faire en temps normal.
Le reste de l’année, j’avais beaucoup de boulot, pas envie de contraintes le soir, ni l’envie de rester chez moi pour ne rien faire. Toute l’année, je suis dans une dynamique, dans un flux continu d’activités, la journée, après le boulot et le week-end.
J’ai préféré rester chez moi pour m’occuper de mon appartement, faire quelques expos parisiennes, mais aussi faire un bilan de mon année et réfléchir aux projets de l’année prochaine. En plus, comme personne n’est là, ça permet vraiment de se poser, de se retrouver avec soi-même et de réfléchi à où on en est. En fait, je l’ai fait pour me re-centrer. »
Les pouvoirs publics travaillent sur l’offre culturelle à domicile
Parce que les politiques culturelles ne devraient pas s’arrêter en juillet et août puisque tout le monde ne s’expatrie pas pour l’été, les pouvoirs publics sont de plus en plus nombreux à proposer un agenda d’activités étoffé pour les beaux jours.
Festivals de musique intra-muros, plages éphémères, concerts, projections de films en plein air… L’offre culturelle est devenue un moyen pour les pouvoirs publics de communiquer sur le dynamisme des villes.
Les Siestes Électroniques à Toulouse et Paris, Paris Jazz Festival, le Parc Floral de Paris, Roy Lichtenstein au Centre Pompidou, les Nuits Secrètes à Aulnoye Aymeries près de Lille, « Tout L’Monde Dehors » (balades, cinéma, chant, sport, etc.) à Lyon, le festival de Cornouaille… De nombreuses villes jouent aujourd’hui la carte de la profusion d’événements estivaux. Le phénomène staycation aura t-il bientôt autant la cote que les séjours à l’étranger ?
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