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Le silence de Lorna

Attention, cette revue s’efforce de garder le silence nécessaire mais cherche à rendre compte du film dans sa totalité. A lire après l’avoir vu !

Prix du meilleur scénario au Festival de Cannes 2008.

LA PROMESSE

Claudy et Lorna vivent ensemble, ils sont mariés. Leur mariage est arrangé et seul Claudy semble chercher dans leur relation inexistante un peu de chaleur. Claudy, seul au monde, isolé par la drogue, demande à Lorna un peu d’aide… mais à la façon dont le font souvent les personnages interprétés par Jérémie Reigner dans les films des frères Dardenne : douloureusement, alors qu’ils semblent détachés d’eux-mêmes. A fleur de peau. Ici, et absent en même temps. Comme une voix et un corps directs, brutaux ; mais que rien n’accompagne.

Lorna se distingue des personnages qu’on trouve habituellement chez les frères Dardenne en ce qu’elle est froide, sèche et, comme on s’y attend, laconique. Face à elle Claudy, ravagé par la drogue, est tel un enfant en quête d’affection pour compenser son manque. Mais Lorna est ailleurs : dans les projets qu’elle a monté avec son compagnon Sokol ; et surtout ceux montés avec Fabio, maffieux qui met au point les mariages blancs dont elle profite aussi.

Le deal est le suivant : Claudy est supposé empocher 5000€ au moment du divorce. Mais les magouilleurs ont prévu autre chose car un nouveau mariage attend Lorna plus tôt que ne le permettrait un divorce. C’est donc une overdose arrangée qui guette le jeune homme.

La mise en place de l’intrigue est nouvelle pour les frères Dardenne : à la franchise excitée de Rosetta ou de Bruno, le voyou de L’enfant, succède ici une certaine placidité. La placidité d’un plan décidé pas à pas, que rien ne peut venir troubler. Tout le système en effet est bien organisé et la machine tourne comme convenu dans un monde qui cède à chacune des magouilles. Tout est prévu, tout fonctionne, toutes les tactiques, même quand elles sont nouvelles, aboutissent.

Seul Claudy l’excessif, Claudy en mal de drogue et d’amour fait sortir ce circuit parfait de ses gonds. Il pousse à l’abandon : d’abord charnel lors d’une des scènes les plus fortes du film ; puis à une tendresse spontanée, surprenante dans cet espace où tout est cloisonné par le calcul.


© Diaphana Films

LE SILENCE DE CLAUDY

Car un glissement s’opère déjà à travers le personnage de Claudy. C’est le peu d’humanité auquel il est d’abord confronté – le silence de Lorna – qui le pousse en avant. Comme pour un dernier appel, Claudy décide de décrocher et demande à sa femme son aide, qu’elle rechigne à lui donner. C’est clair, Lorna n’est ici que pour elle.

Mais le film a déjà glissé, il est trop tard. Sous les assauts violents d’un Claudy détruit, affaibli, c’est la morale de Lorna qui ressurgit : non pas par scrupule, mais comme si c’était le seul moyen de préserver son bonheur à venir. Elle cherche à le préserver jusqu’à une scène saisissante de sensualité, à un petit bonheur donné au coin d’une rue.

Et puis : une ellipse, un silence.

Loin du réalisme franc qu’on connaît aux frères Dardenne, le film prend une tournure inattendue, surprenante, percutante. La véritable trouvaille du film est dans cette ellipse qui, sans un mot, cogne. D’un plan à l’autre, le monde de Lorna a changé.

Il y a un avant et un après ellipse. Un moment de tension au cours duquel le spectateur, perdu, s’interroge. Puis les mots qui tombent et une nouvelle vie qui commence, avec l’ombre de Claudy qui demeure.

L’audace du Silence de Lorna est dans cette ellipse, dans ce trou béant laissé par la structure du film et que rien ne peut venir remplacer. La narration poursuit sa course linéaire ; le temps est resté comme suspendu pourtant au dessus de ce vide brutal, violent, qui a ôté aux personnages le seul relent d’humanité qui voletait dans l’air. Précisément parce qu’il a été ôté à notre vue, ce moment stagne au-dessus de tous ceux qui vont suivre, se pose comme une aspérité dans le récit, dans l’esprit de Lorna, qui semble avoir oublié.

L’ENFANT

Il y a un après ellipse, qui naît peu à peu. C’est une façon pour Lorna de se reconquérir elle-même, ou d’essayer. Le silence de Lorna, c’est aussi celui du film, c’est précisément ce silence qui lui ôte toute trace de cette humanité que Claudy, malgré lui, cherchait à conquérir à grands cris. C’est le silence de l’inhumanité, en somme, de cet acte immoral d’abord tu alors que Lorna cherchait à gagner son nouveau monde.

Cependant la rédemption n’est pas si simple à dompter et le film demeure cruel envers son personnage. Il nous dit : un enfant ? Ce serait trop facile. Lorna reste en suspens et se parle à elle-même, parle à celui qu’elle croit porter. Passée de mère à amante, elle retombe dans la facilité de la maternité pour chercher à effacer sa faute.

Le film pourtant n’offre ni jugement, ni morale. Lorna finit seule, détachée de tous ces hommes qui l’oppressaient et cherchaient à l’écraser au péril de sa vie. Elle s’en est débarrassée et il lui reste le combat le plus dur à mener : celui qui se joue contre soi, contre son passé, ses propres actes et silences.

Ce qu’a permis l’audace scénaristique de l’ellipse, c’est de laisser couver le feu sous la cendre. Et les silences rejaillissent à la fin comme les fautes qu’on croyait surmontées peuvent rejaillir sur nous aux plus mauvais moments. Utiliser ce vocabulaire à propos du Silence de Lorna est délicat car il n’y est pas question, comme jamais chez les deux frangins, de porter un regard accusateur sur les personnages. Simplement d’observer des mécaniques à l’œuvre – en l’occurrence : les mariages blancs, les réseaux maffieux et dégueulasses qui se trament derrière, la perte d’humanité, ce monde où tout est fabriqué et fonctionne. D’observer sans rien dire. De regarder des personnages chercher à s’en tirer, parfois par tous les moyens, parfois jusqu’à la déroute.


Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.

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