Elle avait été portée disparue en novembre 2021, après avoir accusé Zhang Gaoli, un ancien vice-Premier ministre chinois, de viol. Après une mobilisation en ligne du tennis international et des interrogations médiatiques, Peng Shuai était réapparue aux yeux du monde quelques semaines plus tard, pour nier ses dernières prises de paroles et évoquer un « énorme malentendu ».
Une intervention qui avait soulevé autant de questions que sa disparition, tant elle semblait orchestrée. La Women Tennis Association avait ainsi répondu :
« Ces apparitions [publiques] n’apaisent pas les inquiétudes de la WTA quant à son bien-être et sa capacité à communiquer sans censure ni coercition. »
Aujourd’hui, Peng Shuai fait une réapparition dans le journal L’Équipe, célèbre quotidien sportif hexagonal, dans un article titré de ses mots : « Ma vie est comme elle doit être : rien de spécial ».
Une interview sous conditions
C’est à l’occasion des Jeux olympiques d’hiver de Pékin que les journalistes de L’Équipe ont pu rencontrer l’athlète, bien conscients des limites de sa liberté d’expression. Dans un encadré avant l’interview, ils précisent avoir demandé à prendre contact avec elle via le Comité olympique chinois, qui leur aurait répondu par la positive à quelques conditions : « qu’elle s’exprime en chinois, qu’on lui soumette les questions en amont, et que l’interview soit publiée sans commentaires. » Rien que ça.
L’Équipe exprimen par ailleurs ses doutes sur la spontanéité des réponses :
Demande [d’interview] effectuée sans grande illusion, en pensant que même si l’entretien avait lieu, chaque mot serait soupesé au gramme près.
L’interview a miraculeusement eu lieu, en présence du directeur de cabinet du Comité olympique chinois. Depuis le début de l’affaire qui porte son nom, c’était la première fois que Peng Shuai s’exprimait dans un média international et indépendant.
« Pourquoi une telle inquiétude ? »
Revenant sur le #WhereisPengShuai, l’athlète dément purement et simplement toute accusation de sa part, et semble exprimer une incompréhension face à l’emballement médiatique qui a suivi sa disparition (disparition qu’elle semble démentir aussi).
« Tout d’abord, je tiens à remercier tous les joueurs […] tous les sportifs et toutes les personnalités qui se sont préoccupés de moi. Mais je ne pensais pas qu’il y aurait une telle inquiétude et je voudrais savoir : pourquoi autant d’inquiétude ? »
Peng Shuai interviewée par L’Équipe
Une manière, en sous-texte, d’affirmer qu’il ne s’est rien passé d’anormal autour d’elle, et que l’opinion internationale aurait mal interprété toute l’affaire. Circulez, il n’y a rien à voir.
Pourtant, d’autres stars chinoises ont fait l’expérience de disparaître pendant plusieurs mois, comme Fan Bingbing, célèbre actrice qui avait été accusée de fraude fiscale. Elle aussi était réapparue plusieurs mois plus tard, niant tout problème. Mais le secteur du cinéma en est resté traumatisé.
Revenant sur son post Weibo du 2 novembre, Peng Shuai évoque un « énorme malentendu de la part du monde extérieur » et explique ne plus vouloir en parler. Quand les journalistes l’interrogent sur l’accusation d’agression sexuelle, également portée par le texte, elle répond :
« Agression sexuelle ? Je n’ai jamais dit que quiconque m’avait fait subir une quelconque agression sexuelle. »
Avant de poursuivre, questionnée sur sa disparition :
« Je n’ai jamais disparu. Tout le monde a pu me voir. »
Peng Shuai annonce sa retraite
Au long de l’interview, Peng Shuai semble appuyer le fait qu’elle est une « femme normale », avec une « vie normale ». Dans un discours qui paraît taillé sur mesure, elle appelle à « Ne pas politiser le sport » en ces termes :
« Les sentiments, le sport et la politique sont trois choses bien distinctes. Mes problèmes sentimentaux, ma vie privée ne doivent pas être mêlés au sport et à la politique. Et le sport ne doit pas être politisé […] »
Elle annonce aussi sa retraite du tennis, lors de cette interview, invoquant des raisons de santé pour expliquer qu’elle ne jouera plus.
La journaliste Virginie Phulpin parlait ce matin d’une « opération de communication rondement menée par Pékin » dans l’édito sport d’Europe 1, appelant à lire entre les lignes « plutôt que les lignes elles-mêmes ». Une manière, selon certains analystes, de clore le sujet pour le régime chinois, et qui laisse place à de nombreux questionnements quant à la liberté d’expression et de déplacement de l’athlète.
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Crédit photo : Par Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons – cc-by-sa-3.0, CC BY-SA 3.0
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