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Je suis soudeuse, mon métier me plaît, même si c’est très masculin

Cette madmoiZelle était graphiste, et maintenant elle est soudeuse. Elle raconte sa reconversion et son quotidien de femme dans un milieu quasi exclusivement masculin.

Le 25 juillet 2019

Cette madmoiZelle a tout juste 30 ans, elle vient de Toulouse, et elle est soudeuse.

Beaucoup de personnes la questionnent avec curiosité quand elle parle de son métier, alors elle a eu envie de partager avec toi, lectrice, son quotidien.

Être soudeuse dans l’industrie

Depuis qu’elle est soudeuse dans l’industrie, elle n’a jamais rencontré d’autre femme qui exerce le même métier.

Elle raconte ce que ça fait d’être une femme qui travaille dans un milieu d’hommes.

Avant d’attaquer sur ton travail, est-ce que tu as une passion ou un kif dans la vie ?

Ma grande passion c’est le voyage !

J’ai fait l’Ecosse, l’Angleterre, le Cambodge, Bali, New York, Venise, Prague, Viennes… J’ai une préférence pour le voyage itinérant, en sac à dos, pour découvrir au maximum le pays.

Et je pars en 2020 en PVT (permis vacances travail) au Canada avec mon compagnon et mon chat.

J’aime aussi lire, les séries/films, ce genre de choses plus classiques. Je suis actuellement en train de regarder la saison 3 de The Handmaid’s Tale !

Et ton job alors, c’est quoi ?

Mon job aujourd’hui, c’est soudeuse ! Je travaille dans l’industrie, aussi bien en petits ateliers qu’en plus grosses usines.

J’ai participé à des étapes de fabrication dans les châssis de voitures, les portails, les armoires électriques, les machines à laver industrielles…

Comment tu l’expliquerais à ta petite sœur ?

Mon boulot consiste à assembler des pièces métalliques entre elles. Je les fais fusionner avec un courant électrique qui crée une énorme chaleur et les fait fondre.

Il existe différents procédés et outils, et différents métaux, mais l’idée reste la même.

En période de canicule, comme en ce moment, les soudeurs et soudeuses souffrent beaucoup car nous devons être très couvertes (veste en cuir, gants, masques) et la chaleur issue du soudage est très forte.

De graphiste à soudeuse

Pourquoi tu aimes ce que tu fais et tu as choisis ce travail ?

Je « n’aime » pas ce que je fais, j’ai plus « choisi » de le faire.

J’ai fait des études de communication visuelle pour être graphiste. Je n’ai jamais eu de métier « rêvé » et je suis tombée là dedans en me disant « pourquoi pas ».

J’ai exercé pendant 6 ans à mon compte, de chez moi, faute de trouver du travail en entreprise. Je m’en sortais avec moins d’un SMIC par mois.

Pour continuer dans le milieu j’aurais dû me perfectionner, me former aux nouveautés, pour sortir du lot (graphiste est un métier très à la mode, il y a beaucoup de monde).

Mais je n’avais toujours pas de passion particulière qui m’animait et pas envie de refaire plusieurs années d’études.

Ce qui a changé ? Le Canada. Nous avons eu une envie grandissante de partir y vivre un temps, avec un PVT qui permet de travailler et voyager sur le territoire pendant 2 ans maximum (pour les Français et Françaises).

Je me suis donc demandé quel boulot (autre que serveuse ou employée de call-center) je pouvais y exercer qui me permettrait de trouver un emploi facilement, et de bien vivre.

Et dans le top 3 des métiers les plus recherchés, j’ai vu soudeur.

C’est un métier qui subit le papy-boom, beaucoup de gens partent à la retraite, donc il y a des postes vacants.

De plus c’est un domaine qui n’a pas forcément une bonne image, on imagine la saleté, la dureté (rappelez vous, l’héroïne de Flash Dance est soudeuse !).

J’ai donc vu que si je voulais travailler au Brésil, au Japon, en Australie… Il y avait du boulot partout. Parfait pour la voyageuse que je suis, qui ne sait pas où elle veut s’installer !

Qu’est-ce que tu as eu comme formation ?

Formation AFPA (Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes) de 7 mois que j’ai réussie en étant major de promo. J’étais avec 9 autres personnes, uniquement des hommes, de 18 à 50 ans

!

7 mois pour apprendre les 3 procédés principaux, petits examens régulièrement, un stage, puis examen final. Un nombre précis de pièces à effectuer, en un temps défini, puis un oral.

Est-ce que tu as une journée-type ?

C’est un domaine dans lequel on commence généralement tôt (vers 7h) et on termine tôt (vers 16h), mais on peut aussi trouver des missions de soir, ou même de nuit !

J’arrive en tenue de travail ou je me change sur place. Peu d’entreprises sont équipées de vestiaires femmes, donc j’arrive toujours en tenue pour me faciliter la vie.

Pour les toilettes, soit je partage avec les hommes, soit ils m’en privatisent une, soit je vais dans celles des « bureaux » plutôt que celles de l’atelier. Je m’adapte !

Ensuite je prends connaissance des pièces à faire et c’est parti pour la journée ! Pause déjeuner d’une heure en général.

Ton petit bonheur qui fait que tu kiffes ton boulot ?

J’aime rentrer chez moi sans souci !

J’aime ne pas m’inquiéter, me stresser. J’ai toujours vu mon père (qui a un boulot à hautes responsabilités) rentrer préoccupé et agacé, travailler parfois le soir et le week-end pour rattraper du retard.

J’ai eu ça avec le graphisme. J’adore ne plus ramener de charge mentale à la maison. J’aime aussi « voir » le boulot qui avance. La caisse de pièces à faire qui diminue, le tas de pièces faites qui grandit.

J’aime en fait le côté « simple » de ce job : j’arrive, je bosse, je pars.

Être soudeuse : se confronter au sexisme au quotidien

La qualité indispensable pour s’épanouir dans ce job ?

Il faut être minutieuse et soigneuse, aimer le travail bien fait. Il faut aussi encaisser le côté parfois répétitif quand il faut faire 50 fois la même pièce, mais on peut aussi trouver des jobs plus « créatifs » qui permettent de varier les plaisirs.

Il faut supporter le milieu masculin (dur d’être féministe parfois, quand on se retrouve face aux traditionnels calendriers de femmes à poil en salle de pause, ou quand on entend les discussions de certains).

Il faut aussi gérer le milieu sale et bruyant des usines, et pour ma part les bleus/coupures/brûlures ! Je suis assez maladroite des fois…

Tu gagnais combien en commençant ?

Je suis pour le moment au SMIC (j’ai terminé ma formation en janvier).

Je ne demande rien de plus car je suis dans ma première année et je veux d’abord cumuler les jobs pour me faire de l’expérience, et faire descendre le graphisme bien en bas de page sur mon CV.

Au Canada par contre, le SMIC est à 12,50$ et les soudeurs tournent autour de 28$ de l’heure ! En France, ce n’est pas un métier très bien payé. J’ai des amis très expérimentés qui ne trouvent pas au dessus de 12€ de l’heure.

Quelque chose que tu voudrais ajouter sur ton métier ?

On m’a beaucoup avertie de faire attention au sexisme, donc je m’étais préparée à affronter des :

« C’est pas pour les femmes. »

« Laisse, tu ne sauras pas faire. »

La réalité c’est qu’on ne me moque pas du tout, mais on m’accorde beauuuucoup trop d’attention. Je dis à mes proches que c’est comme être une star qui viendrait à ton cours de yoga.

Il FAUT lui parler, car il FAUT qu’on voie que tu es copine avec, il faut donc trouver plein de raisons creuses de lui adresser la parole. On ne la connaît pas et on s’en moque, ce qu’il faut c’est faire comme si tu étais grande copine avec elle.

C’est pareil quand j’arrive dans les boites : les têtes se lèvent telles des suricates, tout le monde connait mon prénom sans m’avoir adressé une seule fois la parole, tout le monde vient me saluer, tout le monde me répète les mêmes phrases en pensant être original.

« Oh c’est pas commun un fille soudeuse ! »

« Qu’est-ce qui t’a amenée dans ce milieu ? »

« Ça va, tu t’en sors ? » (Euh… pourquoi je ne m’en sortirais pas en fait ?)

Autre point dû à mon genre : les chefs aiment m’avoir dans leur équipe car ça fait entreprise à la page, moderne (un petit plus d’être une femme parfois : mon CV se distingue !).

Sur le plan de mon physique, je ne suis pas à l’aise avec toutes les parties de mon corps de base, mais je fais encore plus attention à me couvrir sur mon lieu de travail.

Je mets des pantalons d’homme larges pour aplatir mes fesses (très rebondies) et des t-shirts généralement trop grands.

Je fais attention en me penchant à ce qu’on ne voit pas ma poitrine. J’ai toujours les cheveux relevés en chignon (pour être à l’aise), et je mets seulement du mascara (pour réveiller mon regard, je commence tôt !).

Merci à cette madmoiZelle pour son témoignage passionnant ! Tu connaissais le métier de soudeuse, toi ?

À lire aussi : J’ai testé pour vous… bosser dans le BTP, un milieu 99% masculin

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Les Commentaires

10
Avatar de Gibs
16 juin 2020 à 14h06
Gibs
@Brook_Lyn je viens de tomber sur l'article, en pleine reconversion moi aussi, ça fait du bien de lire qu'on peut faire un métier sans l'aimer passionnément.
Après un test en tant couturière en confection industrielle la semaine passée, je me dis que quitte à bosser dans un endroit moche et bruyant, autant faire un truc qui me tente depuis des années et oser la soudure.
Et autant mes amis me soutiennent mais mon mec flippe à fond, il a bossé dans le naval et les soudeurs qu'il voyait étaient pour la plupart alcooliques et en sale état...
Pour lui c'est vraiment un environnement hyper dur.
Tu en penses quoi?
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