En janvier 2012, des scientifiques ont utilisé Facebook pour une expérience sur la contagion des émotions. L’information a éclaté ces derniers jours après une publication en mars et choque beaucoup de monde, puisque les cobayes involontaires n’avaient pas été prévenu-e-s.
Les chercheurs (oui, Facebook a des chercheurs) ne se sont pas contenté de recueillir des données mais ont également influencé les fils d’actualité : certains utilisateurs ont vu les statuts positifs de leurs ami-e-s apparaître davantage, tandis que pour d’autres c’étaient les statuts négatifs.
L’expérience a permis de démontrer que les émotions étaient « contagieuses » : les utilisateurs qui voyaient des messages positifs postaient eux aussi des statuts joyeux, tandis que ceux qui étaient exposés à du négatif étaient plus tristes. Quant à ceux qui étaient exposés à moins d’émotions (ni joie ni chagrin), ils avaient tendance à moins écrire sur Facebook.
Les chercheurs reconnaissaient ces émotions grâce à des mots-clefs, puisque l’expérience portait sur presque 700 000 utilisateurs. L’expérience a duré une semaine. Selon Facebook, tout a été fait par ordinateur et aucun humain n’a vu directement les statuts manipulés.
Mais… Facebook a le droit de faire ça ?
Cette expérience n’enfreint pas les règles de Facebook : en s’inscrivant on accepte que nos informations soient utilisées « pour des opérations internes, y compris la résolution de problème, l’analyse de données, les essais, la recherche et l’amélioration du service ».
Le site est obligé de nous prévenir lorsqu’il partage nos données… à moins que les informations permettant de nous identifier ne soient retirées. Facebook a donc eu le droit de publier cette recherche dans une revue scientifique.
Le fait que ce soit légal n’empêche pas les utilisateurs d’être en colère. Si l’on savait déjà que le site n’était pas très clair au niveau de la vie privée, le fait qu’il puisse modifier ce que nous voyons des statuts des autres pour expérimenter sur nous peut être encore plus terrifiant.
In the wake of both the Snowden stuff and the Cuba twitter stuff, the Facebook « transmission of anger » experiment is terrifying.
— Clay Johnson (@cjoh) 28 Juin 2014
Pour certain-e-s c’est même la goutte d’eau qui fait déborder le vase et qui incite à quitter Facebook :
Get off Facebook. Get your family off Facebook. If you work there, quit. They’re fucking awful.
— Erin Kissane (@kissane) 28 Juin 2014
Certains avaient déjà eu cette idée depuis un moment…
Le YouTubeur Matthias explique qu’avec la nouvelle fonction de Facebook qui identifiera les chansons (façon Shazam), le site aura accès à votre fond sonore ; le réseau social prétend que les données ne quittent pas votre portable mais c’est impossible, puisque notre portable seul ne peut pas comparer une musique à tous les morceaux existants.
Rassurez-vous, dit-il, Facebook n’enregistre les sons que quand vous activez la fonction pour reconnaître une musique. À moins qu’il n’y ait un bug ? Et que dans six mois, Facebook s’excuse platement de vous avoir espionné-e-s ?
De toutes façons, Facebook lit déjà vos messages ! Et sur certains téléphones, vous ne pouvez pas supprimer l’application !
Il y a forcément une bonne raison pour laquelle nous abandonnons notre droit à la vie privée, non ? Mmm, oui, pour que les pubs soient plus adaptées et que vous dépensiez « plus d’argent que vous n’avez pas à acheter des choses dont vous n’avez pas besoin ».
Matthias critique également l’argument « je n’ai rien à cacher » : cela viole tout de même nos droits.
Supprimer son compte Facebook, explique-t-il, ne va pas régler soudainement tous les problèmes de vie privée ; mais cela peut lancer un débat sur ce que nous trouvons important et ce que nous voulons protéger.
Il compare Facebook à un ami à qui l’on raconterait toute notre vie et qui se mettrait soudain à espionner nos textos et à enregistrer toutes nos conversations. « Si vous me dites que vous ne mettriez pas un terme à cette relation, vous vous mentez à vous-même… et à moi. »
Enfin il assure que vous n’avez pas besoin de Facebook, puisque les personnes avec qui vous êtes vraiment en contact sur Facebook sont souvent celles que vous voyez déjà en dehors.
Lui-même a donc supprimé son compte et sa page Facebook et incite les autres à le faire, ou à passer le mot s’ils ne peuvent pas le faire par exemple pour des raisons professionnelles.
(C’était un petit résumé, si vous voulez traduire voire sous-titrer la vidéo vous êtes les bienvenues !)
Pour certains spectateurs c’est le déclic qui leur fait quitter Facebook. Pour d’autres c’est une mauvaise stratégie :
« C’est une idée épouvantable. « Hey, tous ceux qui sont conscients ! Supprimez votre moyen de répandre rapidement vos mots ! Ignorez le moyen le plus utilisé de répandre des informations dans votre communauté ! »
Je respecte cette vidéo mais c’est irréfléchi et ça ne finit pas par un effet positif. »
Tout pour la science ?
S’il paraît évident que l’humeur de nos proches influence la nôtre, cette expérience apporte un nouvel élément : cela peut se faire même sans contact direct, simplement par la lecture de statuts écrits.
Méthodologiquement, l’expérience a ses limites : puisqu’elle est conduite par ordinateur, elle peut faire des contresens. Ainsi, si un statut dit « I am not happy » (« je ne suis pas heureux »), un être humain saura que c’est une phrase négative. Mais pour le logiciel utilisé, elle sera à la fois négative (« not ») et positive (« happy »).
Enfin elle pose des problèmes éthiques : peut-on pratiquer des expériences sans le consentement éclairé des personnes concernées ? Selon vous, ces pratiques sont-elles justifiables ?
Les Commentaires
Je passe en L3!
Oui c'est sûr qu'il y a d'autres moyens de faire. Surtout que les résultats de cette étude ne seront pas extrêmement significatifs vu ce qu'on sait sur Facebook et à quel point il est facile de faire croire qu'on est heureux. Sacrifier l'éthique pour un but aussi pauvre, ça rend la chose encore moins justifiable.