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Et si... Et si...

J’ai testé pour vous… être entraîneuse de rugby

Nancy Drew, passionnée de rugby, l’enseigne de façon bénévole à une vingtaine d’élèves très motivés. Voici son récit !

Pour certaines madZ (je n’ai pas envie de dire « beaucoup », ça me déprimerait), le rugby, c’est ça (et ici pour l’histoire) :

Pour moi, le rugby, c’est ça (et ici pour l’histoire) :

https://youtu.be/6-sBs-KImD0

Le rugby et moi : la genèse

Je suis tombée dans la marmite quand j’étais petite.

Mon père jouait au rugby (au poste de talonneur), il a été entraîneur, arbitre, président et trésorier dans son club. Il a fait des soirées mémorables avec ses copains et organisés des tournois avec des clubs étrangers (chez nous ou chez eux) en Angleterre, Belgique, Allemagne, Hollande, Australie et Canada (et j’en oublie certainement), pour rigoler, parce que c’était sympa.

Mon frère joue au rugby quand il peut (lui, il est pilier, et ça se voit !) et moi, j’avais des posters de Thomas Castagnède dans ma chambre d’ado et des maillots et des écharpes de mes équipes internationales préférées plein mes tiroirs.

Après la France, mon équipe préférée était l’Irlande (et c’est toujours le cas, quoique les Gallois nous ont vendu du rêve ces deux dernières années !) et mon joueur préféré, c’est Brian O’Driscoll (qui vient de quitter la scène internationale, d’ailleurs… Brian, je t’aimerai toujours). J’ai gardé précieusement tous les tickets des matches que j’ai vus au Stade de France et ceux de mon père à l’étranger pendant des années.

Sans parler d’un carnet de match avec les autographes des joueurs du XV de France.

Avant le grand délire des Dieux du Stade il y a plus de 10 ans, j’étais souvent la seule adolescente qui traînait autour du terrain en REGARDANT vraiment le match. Comme je ne pouvais pas jouer (rapport à mon stimulateur cardiaque), mon père a commencé à me former à l’arbitrage.

On a déménagé, mais qu’à cela ne tienne, on a regardé et commenté les matches du Top 14 à la télé. L’arbitrage, ce n’était pas trop mon truc, mais je ne me voyais pas bien faire autre chose. À l’époque, je n’avais pas encore passé mon BAFA…

Et puis mon père est mort, et je n’ai plus voulu en entendre parler.

Le rugby, on ne lui tourne pas le dos aussi facilement

Sauf que le rugby, mes petites chéries, ça vous rentre sous les ongles, dans les veines et pénètre jusqu’à la moelle.

Le rugby est un sport qui représente, pour les amoureux des codes de la chevalerie, sans être aussi vieux que le football puisqu’il en découle historiquement (ou que les tournois à l’épée), une nouvelle chance.

Depuis quelques années, le rugby est devenu de plus en plus populaire dans les chaumières françaises et malgré ma distanciation de ce monde-là, je n’ai pas pu m’empêcher d’entendre et de voir tout un tas de trucs qui m’ont énervée.

Les madZ qui font du rugby et la « déesse du stade » en parlent très bien, mais j’ai quand même envie de vous dézinguer quelques clichés… C’est parti !

La vérité aussi dénudée qu’un calendrier

rugby1

Le rugby, en France, on le parle souvent avec l’accent du Sud-Ouest. Bien.

Cependant, le premier club de rugby français a été créé au Havre, en 1872, sous l’influence de nos camarades britanniques. Vous noterez donc que Le Havre se situe en Normandie (ma patrie, le hasard comme par hasard). Mon parrain y joue d’ailleurs, pour l’anecdote, à plus de 50 ans (en seniors, pas en vétérans) !

Le rugby, ce sont de grosses armoires à glaces qui soufflent comme des bœufs.

C’est parfois vrai.

Surtout en équipe de France et dans les grands clubs, puisqu’ils ont passé leur adolescence à faire de la muscu et avaler des vitamines. Et même dans le mien, les gars sont encouragés à aller à club de gym une fois par semaine. C’est surtout une question de protection, puisque les chocs, ça fait mal et que ce sont les muscles qui empêchent que ce soit catastrophique à chaque match.

Je tiens à préciser cependant que le rugby est un sport qui nécessite une grande intelligence, de l’agilité, du doigté, une bonne communication et du respect, en plus de la force physique.

Seulement, je ne sais pas vous, mais moi je n’ai pas encore retrouvé TOUTES ces qualités chez un seul homme (sinon, je ne serai pas célibataire, je l’aurai chopé depuis longtemps. Et non, il n’aurait pas pu résister à mon charme).

J’attire aussi votre attention sur le fait que Morgan Parra ne pèse que 78 kg. Et que mon pote Pierrot, qui fait 2 cm de plus que moi (je fais 1 m 62 quand j’ai les cheveux électriques), est le meilleur marqueur de l’équipe. Quand il se met à courir, personne ne l’attrape ! En plus, je dois même peser plus lourd que lui. À bon entendeur…

Le rugby, c’est violent.

Ok.

Le handball et le basket aussi. Et on a recensé plus de fractures au foot qu’au rugby.

Pour être honnête, je ne suis pas fan de foot. Je m’ennuie et il y a trop de bons acteurs mais je reconnais que s’ils se protègent les tibias, c’est que ça doit faire mal. Moi je dis ça… D’ailleurs, je n’ai pas non plus le droit de jouer au hand, ni au basket. Ça veut tout dire, non ? Et ces deux sports-là vont également très très vite et leurs joueurs sont également très… intéressants.

Le rugby est classé dans les sports COLLECTIFS et non dans les sports de COMBAT. Les trois autres sports sus-cités aussi d’ailleurs.

Le rugby, c’est sale.

D’accord.

Mais moi, comme beaucoup de filles de mon âge, j’aime avoir l’autorisation de me rouler dans la boue. D’ailleurs, mes copains allemands disent avant les matches/les entraînements : « Lass uns im Dreck schmusen ! » (« Allons faire des câlins dans la boue ! ») ; c’est-y pas mignon ?

Le mythe du grizzly bourru au grand cœur est tellement… vrai

chabal

Le rugby, c’est aussi une famille de cœur, des soirées à n’en plus finir, des blagues nulles (ou pas) auxquelles tout le monde rigole sans distinction, des petits surnoms qui restent même si on ne sait même plus ce qu’ils veulent dire, des remises de faux prix (au plus maladroit, au plus crade, au plus parfumé…).

C’est les dimanches passés au bord du terrain, à apprendre à faire une passe vissée, à piquer des Carambars dans le tiroir de la cuisine et des bouteilles de Coca dans la réserve (il y a prescription…), à monter sur le toit du club, à apprendre les chansons des grands.

C’est voir passer les saisons, l’odeur de la terre retournée, de l’herbe après la pluie, du vent d’hiver en pleine face qui gèle les doigts et les mollets, le barbecue et le vin chaud qu’on vend pour gagner des sous.

Le bruit des crampons sur le béton, le parfum de vieille sueur bien rance (chacun sa madeleine de Proust, zut ! Pour Jeanne Cherhal, c’est bien la station d’épuration, quoi !), la sensation du cuir qui glisse des mains parce que la boue, ça n’accroche pas, les heures de bus à raconter des bêtises, et les traditions d’après-match, qu’il fallait respecter systématiquement….

Parce que le rugby, c’est avant tout les copains. Et quoiqu’il se passe pendant les 80 minutes de jeu, on se retrouve tous autour de la bière et des sandwichs au pâté à la sortie, avant de rentrer tous crottés à la maison (les enfants ne passaient pas par les vestiaires, eux) et se préparer pour lundi (« Dis-donc, t’as bien appris ta poésie, toi ? »).

J’ai donc constaté ces dernières années un engouement qui se développe de plus en plus, notamment auprès des femmes. Honnêtement, je n’en suis pas mécontente !

Mais bon, les Dieux du Stade, c’est juste sur papier glacé. Chez les mecs, le rugby en a bien profité, mais il ne faut pas oublier que la vie, c’est pas un calendrier.

Personnellement, je ne voyais pas mes copains d’enfance et ceux de mes parents comme des machines à tuer ni comme des bêtes de sexe. Du coup, j’ai eu envie de faire quelque chose.

Pour faire du rugby, il faut vraiment avoir la vocation

invictus

Fraîchement arrivée en Allemagne, on m’a proposé d’entraîner des bouts d’chou de 6 et 7 ans. Une dizaine de garçons et de filles qui commençaient tout juste.

Au début, c’était simplement comme ça. J’avais fait plein de colos, mon job impliquait que je travaille avec des enfants mais je voulais avec un rapport suivi, sentir que ce que je leur apprenais se développait, ce qui n’était pas le cas au boulot. J’ai donc assisté ma collègue (oui, la plupart des entraîneurs étaient… des entraîneuses) et je me suis prise au jeu.

Pas grave, les levers à 5h du mat’ pour accompagner les tournois (adieu, sortie du samedi soir et grasse mat’ du dimanche matin ces week-ends-là). Pas grave de n’avoir aucune idée de ce qu’on fait parce que je n’ai jamais joué au rugby et que je donne les instructions en allemand.

Mes copains m’ont rassurée : j’étais française, et même si je n’avais jamais joué, j’avais quelque chose à transmettre, des traditions, des valeurs, des règles de vie. D’ailleurs, en France, on dit bien : « école de rugby, école de la vie » (instant poésie).

Et j’ai fait une formation d’éducatrice, niveau 1, de l’IRB (International Rugby Board) avec un formateur roumain, d’ailleurs (qui a dit que le rugby se limitait aux Six Nations en Europe ?). Ça m’a permis de mieux m’organiser, j’ai été sur les sites dédiés à l’entraînement des enfants créés par la FFR et vogue la galère, j’ai commencé à me sentir plus à l’aise dans mes crampons. Préparer les enchaînements, ça aide aussi.

En Allemagne, les enfants n’ont pas accès à autant de moyens de vivre leur passion, donc on les « perd » souvent à l’adolescence, faute de pouvoir les emmener voir des matches, acheter des maillots ou même des ballons aux couleurs de leurs équipes préférées (souvent les All Blacks), sans parler des magazines et des matches à la télé nationale auxquels ont accès les petits Français.

Il y a aussi si peu d’enfants rugbymen qu’ils ne sont souvent pas assez nombreux pour jouer ou qu’il y a très peu de tournois. Du coup, j’ai dit un jour : « Eh, mais ça ne vous dirait pas de faire un voyage en France, aller voir un match, participer à un tournoi, je ne sais pas ». Réponse : « Ah ben oui, tiens ! Tu t’en occupes ? ».

Avec l’aide de mon club en France (ouaip, j’ai repris contact après 10 ans), on a tout organisé : le bus, le logement, la nourriture, les cadeaux… Et hop, tournoi en Normandie ! Avec, à la clé, une après-midi à la mer (oui, il a fait un temps magnifique tout le week-end) !

Les enfants sont formidables

invictus2

À mon retour en France, j’ai voulu continuer. Ce n’était plus « juste comme ça ».

Et puis je voulais pouvoir voir la différence culturelle. Et là, changement total ! À l’école de rugby, il y a 150 inscrits, de 5 à 14 ans (contre 30 en Allemagne). Pour la tranche d’âge dont je m’occupe, les U9 (7 et 8 ans), on est 3 éducateurs pour 20 élèves, tous des garçons.

Dans notre école, il n’y a qu’une fille, qui s’apprête à rejoindre un club féminin. Je suis la seule éducatrice. J’ai reçu toute la panoplie (maillot, chaussettes, shorts, anorak et coupe-vent, chronomètre et sifflet) aux couleurs de mon club (en Allemagne, les entraîneurs ont reçu un survêt pour Noël). Bon, je sais que ce dernier point n’est pas essentiel mais j’ai eu des fringues gratuites ! YES ! Et en plus, ça fait beau les jours de tournois et ça aide à la cohésion du groupe.

Le travail se fait complètement différemment. Il y a de vraies réunions entre éducateurs, avec des rendez-vous et tout parce que la structure est bien plus grosse (en Allemagne, on se débrouillait avant ou après l’entraînement, à l’arrache, ou on s’envoyait des mails). Quand j’ai préparé ma première séance, j’ai envoyé mon plan à mon collègue la veille. Et ils ont organisé un voyage à Bayonne pour les enfants où ils assistent à un match !

Et d’avoir plus d’enfants, ça donne beaucoup plus de perles ! Du style :

– Enfant 1 : « Mais ceux d’en face, ils font mal quand ils plaquent ! » – Éducatrice avisée : « Eh ben, plaque-les ! Tu verras s’ils viennent te chercher ! » (tentative infructueuse de donner du courage aux petits nouveaux qui ont encore peur du contact) – Enfant 2 (sentencieusement) : « Sinon, moi je cours. Du coup, ils ne m’attrapent pas. »

Ils sont déjà fair-play à cet âge-là : après tout, il aurait pu conseiller de les frapper ! J’ai aussi pu observer des discussions d’une portée philosophique qui m’a fait fondre le cœur, comme celle-ci entre deux élèves :

– Pourquoi tu me dis que je suis fort ? De toute façon, je suis moche ! – Mais non, t’es pas moche ! Tu m’as vu, moi ? – N’importe quoi, t’es pas moche ! – Si, je suis moche. Regarde, je suis roux ! (hochements de tête compréhensifs de la part de l’équipe)

fassbender

Il dit qu’il voit pas le rapport.

Ou encore :

– T’inquiètes, les filles, c’est pas si compliqué ! – Ah bon ? Comment tu sais ? – Pfff, ben j’ai déjà eu plein d’amoureuses ! (le rugby, vendeur à 7 ans ? Il faut croire…)

Sans compter le câlin lors de mon dernier jour, et leurs réponses quand les grands de 12 ans se sont moqués d’eux : « T’es juste jaloux parce que t’as pas eu de bisou de mon entraîneuse ! ».

Les petits Allemands étaient moins démonstratifs, ce qui en soit ne me dérangeait pas, mais ils étaient aussi un plus sérieux. Quand je faisais des blagues, ils les prenaient toujours au premier degré (ou bien mon allemand est vraiment tout pourri et je les ai insultés toute l’année).

Il y a eu aussi les vidéos quand j’étais malade et quand ils ont reçu ma première carte postale. Et tous ces gens géniaux qui n’ont qu’une envie, celle de transmettre leur passion qui les a transformés en… ces gens géniaux (je suis évidemment très objective).

Et c’est bénévole, donc les mercredi après-midi et les dimanches, on les passe à crier des « Oh, les gars, mais plaquez, là ! », « Euh non, bonhomme, le ballon, c’est avec les mains qu’on l’attrape, pas avec le nez… » (oui, les fonctions motrices, c’est pas encore ça) ou encore « Mais c’était évident ! T’es pas tout seul ! Tu PASSES le ballon ! » et enfin « Allez, t’as pas mal, tu te relèves, et tu y vas ! », parce qu’on s’est engagés à leur apprendre les valeurs de ce sport.

C’est également jouissif (il faut aussi faire montre d’honnêteté, n’est-ce pas), une manière comme une autre de se défouler gentiment.

C’est génial de les voir tout sérieux serrer la main de leurs adversaires à la fin du match, de consoler un copain qui s’est fait mal (d’ailleurs, ceux qui doivent sortir, on prend le temps de les applaudir), de faire comprendre à un coéquipier que c’est pas grave s’il s’est planté sur cette action. Ils défendent leurs camarades, au sein de l’équipe ou envers d’autres.

Et il y en a un gros paquet qui ne supportent pas l’injustice et la méchanceté. Pas de ça chez nous ! (Oui, le monde de l’Ovalie, c’est le pays des Bisounours).

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Pour nous, les éducateurs, le plus important, outre d’apprendre à bien jouer et comprendre les règles, c’est le respect de l’autre (coéquipier, adversaire, entraîneur, arbitre), la sécurité aussi (le but n’étant pas de se faire mal, mais bien sûr de marquer des essais et de réussir des transformations/pénalités et par là, de faire plus de points que l’autre équipe).

Et puis les copains. Parce que le rugby est un sport collectif, et que le match, il est perdu, ou gagné, à 15, à 13 ou à 7.

Et apparemment, ça a l’air de leur plaire.

Notre projet en ce moment : faire venir plus de filles, à travers les visites dans les écoles, par exemple. Rien que pour ça, il me tarde de rentrer en France pour reprendre l’entraînement !

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Les Commentaires

7
Avatar de 007girl
14 mai 2013 à 00h05
007girl
Merci pour ce très bel article.

J'ai commencé le rugby en Septembre, comme ça, sur un coups de tête. Je ne connaissais personne qui en faisait autour de moi, et je n'avais pas la "gueule" de l'emploi: je suis du genre grande et mince (1m70 pour 52kg), pas musclée et plutôt fashionnista.

Je suis arrivée en pure touriste à l'entrainement de l'équipe féminine de mon club. J'ai eu des hauts et des bas avec mes coéquipières, mais n'empêche, je ne décroche pas. J'adore vraiment ça. Tenir le ballon et entendre tout les supporters t'encourager quand tu t'approches de l'en-but c'est juste magique. Et puis devoir toujours tout donner parce qu'on est pas seule, pour son équipe, c'est une sensation unique.

Les filles surtout n'hésitez pas à vous lancer et à persévérer. Forcément c'est pas facile au début, mais ça vaut vraiment le coups!
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