Ils sont rigolos, les garçons. Non mais vraiment. Ils sont drôles. Ça commence par le garçon qui refuse de comprendre que tu voudrais bien l’embrasser, tu sais, celui que tu côtoies tous les jours, au lycée, à la fac, celui avec qui tu passes tes pauses déj, celui avec qui tu vas boire des coups à la fin de la journée.
T’as beau être là, toute disponible, toute apprêtée, tu fais péter ton rire UltraBright à la moindre blague, tu poses négligemment ta main sur son bras dans l’escalier, et rien. Toujours rien.
Parfois tu crois que ca avance, il t’envoie un SMS, tu sens bien qu’il a un peu abusé, en fin de soirée, il te dit qu’il a envie de te voir, ton estomac se contracte en mode wasabi sur ovaire, tu ranges ta piaule comme une tornade, tu laisses quelques boutons supplémentaires ouverts sur ton décolleté, on sait jamais, ça peut aider.
Et quand il arrive, les yeux éclatés, l’air fatigué, il s’écroule comme une loque sur ton lit, et commence à te raconter qu’il s’est pris un vent magistral avec la bonnasse de la soirée, qu’il est désespéré. Il voudrait bien dormir chez toi, parce qu’il est trop déprimé, tu vois, il pourra pas supporter d’être tout seul, et puis toi tu le comprends, c’est pas comme avec toutes les autres, t’es spéciale, t’es unique. Soupir.
C’est typiquement le genre de mec que tu recroises quelques années après sur Facebook ou sur Copains d’Avant et qui s’empresse de te déclarer sa flamme. Oui, il était amoureux de toi, toutes ces années avant. Oui, il avait envie de t’embrasser, ce soir là, quand il est venu chez toi, sous un faux prétexte, juste pour pouvoir dormir contre toi.
Seulement il n’a rien dit, parce que les garçons, c’est rigolo. C’est pareil que nous finalement. Seulement toi, t’es passée à autre chose, et puis le coup de la vieille flamme mouillée qu’on tente de rallumer, merci bien, on voit ce que ça donne dans les films américains, alors tu refuses poliment son invitation à prendre un verre ou à dîner, tu glisses entre deux phrases que ton mec est génial, que vraiment c’est le bonheur, que tu pouvais pas mieux tomber.
Et puis t’attends qu’il se calme, le Casanova des jours passés, et en attendant qu’il t’oublie, tu savoures égoïstement le plaisir de savoir que tu ne t’étais pas trompée. T’étais pas toute seule dans ta tête à rêver, t’avais pas halluciné les yeux de merlan frit et sa manière de te faire la bise toujours un peu trop près. C’était pas le bon moment, c’était pas fait pour être, mektoub, et toutes ces choses qu’on se dit qu’on est passé à côté de quelque chose, mais qu’au final, on ne regrette pas vraiment.
Ils sont rigolos, les garçons, dans leur manière de vouloir être forts tout le temps. C’est peut-être l’éducation, les clichés du sexisme qui fonctionnent aussi pour eux, le besoin de s’affirmer comme un mâle avec des poils, je n’en sais rien, mais c’est drôle ce besoin de nous rassurer en permanence : ils sont bien des hommes, et nous sommes bien des femmes.
Comme si ce détail pouvait nous échapper, c’est pourtant anatomiquement pas très compliqué à constater. Nous, les filles, on sait qu’on peut être filles en aimant le rose, ou le noir, ou le violet, en écoutant du rap ou Céline Dion, en mettant des jupes ou des jeans, mais pour les mecs, j’ai l’impression que ce n’est pas aussi facile.
Homophobie latente
D’abord il y a cette homophobie latente, ce truc pourri qui traîne un peu partout, comme si chaque défaillance du mâle à l’ordre établi pouvait être interprété comme un signe de sa préférence sexuelle, et donc de son ignominie. C’est affreux, mais c’est la réalité.
[rightquote]La bisexualité, même simulée, même pour rire, est acceptée pour les filles, pas pour les garçons, qui se doivent de rester de bons hétéros.[/rightquote]Combien de fois avons nous entendu des remarques du genre « c’est de la musique de gay », « je mets pas de rose, c’est pour les gays », j’arrête là mais les exemples sont nombreux. La réponse la plus facile, c’est de dire que si on est vraiment confortable dans sa sexualité, on n’aura pas peur de ressembler ou de passer pour quelque chose d’autre aux yeux du monde.
Sauf qu’on sait tous que la société ne fonctionne pas sur ces bases-là, et que les codes de l’apparence sont malheureusement très importants. Alors que les demoiselles peuvent s’amuser à s’embrasser à pleine bouche en soirée, sans pour autant être taxées de lesbiennes, de gouines ou de goudous, attisant au contraire la curiosité et le désir des autres, des garçons qui s’amuseraient aux mêmes jeux provoqueraient immédiatement un malaise, et seraient la cible facile de vannes homophobes.
La bisexualité, même simulée, même pour rire, est acceptée pour les filles, pas pour les garçons, qui se doivent de rester de bons hétéros.
Pas facile d’être un garçon, d’être un homme, j’ai presque envie de les plaindre. Et cela n’a rien à voir avec la complexité supposée des femmes.
Nous sommes devenues plus indépendantes, plus libres, c’est vrai, mais nous avons gagné nos droits, de génération en génération, dans un monde qui ne nous les accordait pas. Les hommes, dans leur ensemble, se heurtent aujourd’hui aux clichés qu’ils ont créés pour eux-mêmes, ils peinent à sortir de leur propre moule. À quand un mouvement général de crémation publique des slips kangourous qui oppressent les boules ?
Écoutez l’Apéro des Daronnes, l’émission de Madmoizelle qui veut faire tomber les tabous autour de la parentalité.
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