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Amours

Je ne suis pas hétéro et j’ai mis près de 25 ans à le comprendre

Cette lectrice, âgée de 31 ans, a découvert une fois adulte qu’elle était asexuelle et qu’elle pouvait aussi tomber amoureuse d’une femme. Voici son histoire.

Initialement publié le 10 avril 2019.

Pendant mon adolescence et le début de ma vie d’adulte, je ne me suis jamais identifiée à une quelconque orientation sexuelle. J’ai compris assez tard, et complètement par hasard en tombant sur une revue scientifique qui parlait de ça, que j’étais asexuelle.

Cela a été un gros soulagement pour moi de savoir que 1) je n’étais pas toute seule et 2) je n’étais pas anormale, car je commençais vraiment à me demander ce qui clochait chez moi. Je n’avais jamais eu de petit copain, et surtout absolument aucune attirance sexuelle pour qui que ce soit, à ma grande confusion au collège/lycée quand tout le monde ne parlait que de ça.

Heureusement, je n’ai pas été confrontée à une pression sociale et familiale trop forte sur le sujet, et je suis même tombée sous le charme de quelques garçons sans qu’il ne se passe quoi que ce soit. Je sentais bien que je n’étais pas sur la même longueur d’onde que la majeure partie de mes connaissances et j’avais hâte de ressentir du désir physique pour quelqu’un et en fait, nope, ça n’est jamais arrivé…

Une double révélation sur mon orientation sexuelle et romantique

Quelques années passent et je me fais des ami·es à la fac en plus de celles et ceux du collège/lycée. Je débute ma carrière professionnelle avec toujours aucune relation au compteur malgré quelques crushs non concrétisés, uniquement sur des garçons à l’époque. Et à 23 ans, pouf, j’ai une double révélation. Suite à des événements pas très joyeux côté professionnel et qui m’ont fait remettre en question pas mal de choses, j’ai compris que le crush que j’avais pour un ami du lycée s’était évaporé, et que j’étais tombée profondément amoureuse d’une amie de fac déjà très proche et avec qui j’avais (et ai toujours) une complicité incroyable.

Je me découvre donc bisexuelle, ou plutôt biromantique, car cette révélation n’a rien changé à mon absence d’attirance sexuelle. J’ai une (petite) libido que je satisfais très bien moi-même, et ce sans avoir aucun traumatisme lié au sexe, n’en déplaise à celles et ceux qui lient forcément l’asexualité à ce genre d’événement, même si ça peut bien sûr en être une des raisons. En fait, je n’ai juste aucune envie d’aller plus loin même avec la personne que j’aime le plus au monde.

Sortir des chemins bien tracés de l’hétérosexualité

J’avoue que cela a été un « choc » pour moi, même si a posteriori

être bi me semble maintenant évident (j’ai toujours été très sensible à la cause LGBT+, j’admirais énormément de femmes, actrices, musiciennes, chercheuses…). Je m’attendais à tout sauf à ça quand ça m’est tombé dessus, moi qui avais toujours suivi ma petite route toute tracée de fille « sérieuse » qui ne fait « pas de vagues ».

Je pensais sincèrement finir par trouver un copain, attendre quelques années avant de me marier dans la plus grande « normalité » (je mets trois tonnes de guillemets, car je veux dire normalité au sens « attentes de la société », pas du tout pour stigmatiser les orientations non hétéros). Bref, je n’avais pas du tout anticipé que l’amûr allait me tacler par surprise au tournant.

Par un heureux concours de circonstances, j’ai emménagé en coloc avec l’élue de mon coeur quelques mois plus tard. Nous avons ensuite mis plusieurs années à nous rendre compte qu’on voulait la même chose, de rapprochement stratégique en rapprochement stratégique, car je ne voulais surtout pas la brusquer ou la gêner de mon côté. Notre complicité et notre complémentarité sont devenues toujours plus fortes et nous ne nous sommes plus quittées. Enfin, romantiquement parlant parce que physiquement j’ai dû partir à l’autre bout de la France pour le boulot…

J’en profite d’ailleurs pour souligner à quel point je trouve important que dans un couple, notre partenaire soit aussi notre meilleur·e ami·e, que ce soit avant ou après le début de la relation. On communique énormément au quotidien, et pouvoir se confier en toute confiance et admettre mutuellement nos peurs, nos points faibles (et souligner nos points forts mutuels !), nos erreurs, espoirs… ça aide beaucoup à avancer et à mûrir en tant que personne !

Ça fait un bien fou de mettre un mot sur ce que je ressens

Cela fait maintenant quelques années que j’ai découvert mon biromantisme et si ça m’a fait un bien fou de mettre enfin un mot sur ce que je ressens, j’ai encore beaucoup de mal à en parler autour de moi. Je suis très réservée (pas timide, mais introvertie), et j’avoue que l’idée de faire mon coming-out au boulot par exemple me stresse pas mal, alors que j’ai la chance de travailler dans un milieu assez ouvert d’esprit.

Il faut dire que la plupart des gens, aussi bien intentionnés soient-ils, font souvent des remarques maladroites ou ignorantes. Une collègue a ainsi essayé pendant des mois de me persuader que je devais être sapiosexuelle (alors que je ne lui avais rien dit et encore moins demandé quoi que ce soit). Une autre a déclaré à plusieurs reprises qu’elle ne comprenait pas comment les gens pouvaient vivre sans sexe. D’autres peuvent être un peu lourds sur le sujet, bref tout un tas de petites choses qui font que je n’ai pas envie de partager mon intimité au grand jour.

Faire son coming-out auprès de sa famille

Côté famille, je me tais également et je ne suis pas sûre de savoir exactement pourquoi. Bon, du côté paternel de ma famille, je sens bien une certaine homophobie latente, mais je suis très proche de ma famille maternelle et je pense qu’ils accepteraient, à défaut de forcément comprendre, mais de nombreux soucis de santé au fil des années de leur côté m’ont fait repousser « l’annonce » aux calendes grecques.

Je suis très proche de mes parents et de mon frère, et je pense que ma maman notamment se doute de quelque chose, mais je n’ai pas encore trouvé la force de leur dire de but en blanc que non, je ne ramènerai jamais de copain/gendre à la maison, en plus de leur dire de faire une croix sur d’éventuels petits-enfants. Je souhaite de tout coeur la mise en place de la PMA et la possibilité d’adopter pour les couples de même genre, mais je suis childfree et ma moitié également. Et pour d’autres raisons, il y a également peu de chances que mon frère ait des enfants un jour.

Le problème est plus qu’ils sont certes assez ouverts d’esprit, mais ils ont généralement l’air de considérer que les problématiques LGBT+ ne sont pas forcément des priorités, et qu’il y a des « effets de mode ».  J’essaie de déconstruire leur pensée, mais ça prend du temps et beaucoup d’énergie… Le point positif est qu’ils apprécient beaucoup ma copine (qui reste ma plus proche amie), me demandent tout le temps de ses nouvelles, donc je pense que la pilule aura moins de mal à passer quand je serai prête à leur dire.

En ce qui concerne mes ami·es, je ne leur en ai pas parlé non plus pour diverses raisons. La principale étant que nous avons énormément de points communs et de sujets de conversation, mais nos vies intimes n’en font bizarrement pas trop partie. Je pense toutefois leur dire petit à petit à l’occasion, je sais que leur réaction devrait être chouette.

J’aimerais que l’orientation romantique/sexuelle soit un détail

Quand je pense à un éventuel coming-out, le plus difficile est d’admettre que l’idée que les autres ont de moi va changer irrémédiablement à leurs yeux. Je n’ai pas honte de la personne que je suis ni de celle que j’aime, mais j’aimerais tellement que l’orientation romantique/sexuelle soit un détail aussi insignifiant que la coupe de cheveux, au lieu de redéfinir l’identité d’une personne, comme c’est encore le cas actuellement. En tout cas, c’est comme ça que je le ressens, et c’est ce qui me bloque le plus.

De plus, je n’arrive pas à me défaire d’un certain sentiment d’illégitimité même si j’essaie de m’en débarrasser. J’ai parfois du mal à me prendre moi-même au sérieux et ça fait mal. Je n’avais aucune idée de mon orientation jusqu’à mes 20 ans bien tassés, je suis tombée amoureuse de ma meilleure amie et je suis asexuelle… Tout cela peut donner l’impression que je suis dans une relation amicale/platonique avec elle alors que non, on est vraiment amoureuses. Je m’en rends particulièrement compte quand je « compare » notre relation à celle que j’ai avec d’autres ami·es proches, ce n’est pas du tout la même chose ni les mêmes sentiments impliqués !

Un dernier point qui peut sembler évident, mais qui est encore plus dur quand on le vit : l’absence de représentation LGBT+ au quotidien, que ce soit dans la rue ou dans les médias. J’habite dans une très grande ville donc je croise de temps en temps des couples ou personnes non hétéros/cis, mais je sais que c’est beaucoup plus rare dans d’autres endroits. J’ai longtemps vécu dans une petite ville où je me suis sentie très seule.

Un manque criant de représentations LGBTQIA+

Et en plus, les agressions à caractère homophobe se multiplient et je vois bien que beaucoup de couples (ma copine et moi y compris) n’osent pas faire des choses aussi neutres que se tenir la main dans la rue, s’embrasser à la gare… J’avoue que, sans être aigrie non plus (la plupart du temps je trouve ça mignon), j’ai tout de même un petit pincement au cœur à chaque fois que je vois un couple hétéro « afficher » ces petits gestes d’intimité en toute tranquillité.

Je sais que pour beaucoup de personnes LGBT+ c’est déjà prendre un risque (et je dois retenir des sourires un peu creepy les rares fois où je croise des gens « comme moi » dans la rue).  Après, par manque de temps et d’énergie sociale, je ne fréquente pas trop les associations ou lieux LGBT+ donc ça n’aide pas à rencontrer d’autres personnes concernées.

Côté médias, je suis une grande lectrice et consommatrice de films/séries, et là encore c’est bien souvent le vide intersidéral côté personnages/relations LGBT+ (point bonus si on cherche un personnage principal et/ou qui ne meurt pas dans les 3 premiers épisodes). Ça s’améliore trèèèès doucement, et il y a toujours les fandoms pour compenser, mais entre les guerres de clans et les personnes qui fétichisent les relations gays/lesbiennes, il y a encore du boulot pour s’y sentir la bienvenue !

J’ai donc hâte de lire d’autres articles et témoignages, ou d’avoir des recommandations de films, livres, séries, etc, à thématique LGBT+, car je commence à tomber un peu toujours sur les mêmes titres de mon côté.

Je voulais juste terminer ce texte en expliquant que ce n’est pas parce qu’on a pris conscience de son orientation sexuelle ou romantique plus tard, qu’on est moins légitime que les autres personnes LGBT+. L’être humain est complexe et parfois pétri de contradictions, injonctions sociales, etc. Même si on se sent parfois un peu différent·e, cela peut être difficile de se rendre compte de choses qui paraissent pourtant évidentes, d’où des coming-outs à soi-même (et aux autres) sur le tard…

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Les Commentaires

12
Avatar de Pasd'ideespourunpseudo
8 juin 2021 à 14h06
Pasd'ideespourunpseudo
@Papushka @Anechka ah c'est vrai que vous apportez de solides contre-exemples ! Je pense qu'on detient toutes quelques chose mais c'est une question multi-factorielle bien plus large.

Notamment la question du genre, qui a été occulté dans mon exemple. J'ai pu noter une que j'étais beaucoup plus d'approchée en ayant des attributs de genre extremement feminins plutôt qu'androgynes/masculins alors que 1) dans tous les cas jai le même physique très archétypalement feminin 2) jai tendance a faire la gueule dans tous les cas.
Comme si, pour resumer, robe et maquillage = disposée a des rapports de séduction

Mais pour autant je pense que quelques petites differences entre 2 personnes peuvent chambouler tous les parametres ; j'ai été très peu approchée pour la romance dans ma période bimbo par ex.
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