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Occupation insolite : éditer un texte médiéval

Nombreuses sont celles qui, dans le cadre de leurs études, se sont penchées sur des tâches plutôt singulières ou des mémoires aux titres saugrenus… Et bien moi, cette année, Callirhoé a édité un manuscrit du treizième siècle !

C’est un travail de longue haleine pour lequel il faut procéder par étapes, la première étant de choisir la voie que l’on va suivre : l’approche lachmannienne ou l’approche bédiériste. Pour comprendre de quoi il retourne, il faut savoir que la plupart des textes médiévaux se trouvent dans plusieurs manuscrits, qui sont tous différents. La méthode de Lachmann, dépassée à l’heure actuelle, était de travailler sur tous les manuscrits dont on dispose et de les recouper pour tenter de rendre le texte d’un hypothétique manuscrit qui serait à la base de tous les autres. La méthode de Bédier, la plus utilisée aujourd’hui, est de travailler sur un manuscrit en particulier et de l’éditer le plus fidèlement possible, en y apportant un minimum de corrections. Vous l’aurez compris, c’est Bédier que nous allons suivre.

Prochaine étape, celle où l’on se met au travail proprement dit : la retranscription. Pas toujours facile de déchiffrer les graphies d’époque sur un matériau qui a été altéré par des siècles d’histoire… On s’aide donc des autres versions du texte pour comparer les zones incertaines. Évidemment, quand on n’est encore qu’une simple étudiante, on n’a pas accès au manuscrit original. Si certains ont été numérisés et sont disponibles en haute définition sur internet, le prof a évidemment choisi des manuscrits auxquels on n’a accès que par de mauvaises photocopies en noir et blanc, histoire de s’amuser. Une fois tout le texte retranscrit, ce qui constitue l’édition diplomatique, il va falloir s’assurer qu’on n’a pas fait d’erreurs : au Moyen-Âge, l’orthographe n’était pas fixée, il est donc fréquent qu’un même mot soit écrit de deux ou trois manières différentes au sein d’un même texte ; les fautes ne sautent donc pas aux yeux comme en français moderne et il s’agit de tout vérifier, lettre par lettre.

manuscrit moyen age

Maintenant, pour rendre le texte plus compréhensible (enfin, façon de parler : l’ancien français est une langue bien différente du français moderne), on va résoudre les abréviations : c’est ce qu’on appelle l’édition semi-diplomatique. En effet, des signes bizarroïdes servant à économiser du temps au copiste ainsi que de l’espace sur le parchemin remplacent des sons, voire des mots complets ; certains sont communs à la plupart des textes mais d’autres sont propres aux copistes et c’est par déduction, au vu des emplois dans le texte, que l’on devine les lettres qu’ils remplacent.

Vient alors le moment des corrections : en lisant plus attentivement le texte, on se rend compte qu’il manque certains passages pour qu’il soit cohérent, on remarque qu’un mot semble inapproprié dans le contexte, mais on trouve également des erreurs dans la conjugaison, les accords, etc. Il faut alors se référer aux autres versions du texte afin d’opter pour la meilleure correction ou, en dernier recours, l’apporter soi-même. Le but de cette étape est de rendre le texte correct d’un point de vue grammatical et compréhensible, tout en intervenant le moins possible afin de ne pas le dénaturer. Là où les choses se corsent, c’est que chaque intervention dans le texte doit être signalée et justifiée, de même que les variantes que l’on trouve dans d’autres manuscrits. C’est ce qu’on appelle l’apparat critique. Ainsi, dans une édition critique, il est très fréquent que les notes de bas de page prennent plus d’espace que le texte en lui-même…c’est d’ailleurs un critère de qualité !

Il va enfin falloir commenter tout ce travail du point de vue formel (présentation du texte en colonnes, couleurs, lettrines, alignement du texte, etc.), linguistique (traits dialectaux, etc.), littéraire (thème, contenu, etc.) et stylistique (type de vers, de rimes, etc.).

Le pire, c’est que j’ai aimé ça.


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Les Commentaires

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Avatar de EtrangeHiver
7 août 2010 à 12h08
EtrangeHiver
Je vois, c'est très intéressant ! Et énormement de boulot je suppose... Rien que détailler un peu dans mon esprit tout ce que tu peux y étudier.... chapeau bas !
L'École des Chartes, c'est QUE du latin, tu as plutôt de la chance
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