— Article initialement publié en 2014
Les Journées européennes du Patrimoine ont lieu ce week-end, les 17 et 18 septembre 2016. C’est l’occasion de découvrir gratuitement des trésors du patrimoine culturel et architectural français.
Des administrations, des lieux de pouvoir et de prestige d’ordinaire fermés au public ouvrent exceptionnellement leurs portes. C’est ainsi que chaque année, les journaux télévisés s’attardent inlassablement sur l’interminable file d’attente qui serpente le long de l’avenue Gabriel, derrière le palais de l’Élysée…
Car la résidence du Président de la République est certainement l’attraction principale des Journées du Patrimoine à Paris, avec l’Hôtel Matignon et les principaux ministères : la place Beauveau (Intérieur), le Quai d’Orsay (Affaires étrangères), la place Vendôme (Justice).
Les hauts lieux de la culture sont également très prisés : l’Opéra Garnier et la Comédie Française drainent chaque année une fréquentation importante.
Mais il est un autre édifice parisien, un haut lieu de pouvoir politique qui est beaucoup moins réputé, mais tellement, tellement plus intéressant qu’une incursion dans les salons de l’Élysée (même celui style 70’s, très OSS 117, avec une sculpture à base d’autruches qui continue de me hanter trois ans après notre rencontre) !
Voilà, vous avez vu l’essentiel. Salle à manger Paulin, palais de l’Élysée.
Laissez-moi vous convaincre d’aller visiter LA COUR DES COMPTES.
Si si.
Le Palais de Cambon, entre Concorde et Madeleine
La Cour des Comptes se trouve au 13 de la rue Cambon, une petite parallèle à la rue Royale, entre la place de la Concorde et l’église de la Madeleine.
Pendant les journées du patrimoine, le palais de Cambon ouvre ses portes au public, et s’il est moins réputé que le palais Royal (qui abrite le Conseil d’État), c’est un très bel édifice, un mélange intéressant entre patrimoine historique et modernité.
La galerie Philippe Séguin
Pourquoi cette visite met toutes les autres à l’amende ?
Oui, je sur-vends peut-être un peu la Cour des Comptes, mais c’est parce qu’on part de loin. Sur le papier, « La Cour des Comptes » sonne beaucoup moins attractif que « Disneyland » ou « Europa Park », vous en conviendrez. Du coup, je me sens obligée de compenser un peu au niveau de l’enthousiasme.
Déjà, pas besoin de se lever à 4 heures du matin pour faire le pied de grue en attendant l’ouverture et espérer entrer (comme à l’Élysée). On ne fait pas ou presque pas la queue pour rentrer, ce qui est un avantage non négligeable, considérant la foule qui se presse dans d’autres lieux parisiens renommés !
Lorsque j’y suis allée en 2011, Dider Migaud, le Premier président de la Cour des Comptes, accueillait tous les visiteurs à l’entrée du palais (après le contrôle de sécurité). Oui, absolument. Tandis qu’à l’Élysée, Nicolas Sarkozy et Carla étaient sortis environ quatre minutes pour saluer les badauds d’une auguste main levée, Didier Migaud serrait la pince de tous les visiteurs, en haut de l’escalier d’honneur ! La classe.
À quoi sert la Cour des Comptes ? Posez vos questions !
La réponse à cette question, vous la trouverez dans chacune des salles ouvertes au public. Car voici le programme :
« Plus d’une centaine de magistrats et personnels mobilise?s pour l’occasion accueillera les visiteurs pour leur faire de?couvrir le palais Cambon et la tour Chicago, mais e?galement les renseigner sur le ro?le et les missions de la Cour, ainsi que sur ses publications re?centes. »
Oui absolument, plus d’une centaine de magistrats ! Ils ne sont pas (uniquement) là pour vérifier que les visiteurs suivent bien le sens de la visite et ne sortent pas du chemin balisé. Ils sont répartis dans les différentes salles d’études et d’audience du Palais, et ils expliquent volontiers les travaux de la Cour des Comptes.
Encore une fois, sur le papier, ça ne vend pas du rêve. Mais il faut comprendre que cette visite a sans doute été mon plus fort souvenir d’un moment de démocratie. Avec moi, dans une des salles de la Cour des Comptes, il y avait des madame Michu, des monsieur tout-le-monde, des pères de famille avec leur progéniture en bandoulière, des jeunes, des (beaucoup) moins jeunes, des profs, des touristes, des étrangers… de tout.
Et tous ensemble, nous posions des questions aux magistrats. Pourquoi la dette publique est un problème ? Pourquoi a-t-on l’air de le découvrir ? Est-ce qu’il est possible de réduire la dette ? Est-ce que l’État a intérêt à privatiser davantage ou emprunter davantage ?
Et la Sécurité Sociale ? Est-elle vouée à une faillite inévitable ? Le fameux « trou de la Sécu », est-il encore possible de le reboucher ?
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Un véritable moment de démocratie
À toutes ces questions et bien d’autres, les magistrats de la Cour des Comptes répondaient en français intelligible par tous, sans jargon juridique et financier réservé aux initiés. Ils présentaient la synthèse des rapports que la Cour avait déjà produits sur ces sujets qui préoccupaient les visiteurs.
C’est ainsi que j’ai découvert que tous les rapports de la Cour des Comptes sont publics : ils sont à disposition sur son site Internet et sont très accessibles (des synthèses sont également publiées).
Vous pensez bien que si ces rapports sont accessibles au grand public, ils le sont d’autant plus à nos dirigeants… Les mêmes qui font mine d’ignorer ou de découvrir la situation financière de telle ou telle institution / administration à chaque changement de majorité ! Comme si les rapports de la Cour des Comptes étaient transmis uniquement à l’équipe en place, et soigneusement cachés aux membres de l’opposition…
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Pourquoi la visite de la Cour des Comptes met-elle à l’amende toutes les autres visites des Journées du Patrimoine ? Parce que j’en suis sortie en ayant véritablement le sentiment de m’être ré-appropriée une partie du patrimoine, qui allait au-delà de la simple découverte des secrets du Palais.
La visite de la Cour des Comptes, c’était un véritable moment de démocratie. Au final, de tous les monuments et ministères que j’avais visités cette année-là, c’est à la Cour des Comptes que j’aurais passé le plus de temps à l’intérieur, et le moins de temps à l’extérieur (soit exactement le ratio inverse de l’Élysée, pour information).
Vous l’aurez compris, je ne saurais que trop vous encourager à passer par la rue de Cambon ce week-end si vous êtes à Paris. Rien de tel pour se réapproprier le débat sur les finances publiques de la France, et ne plus se laisser berner par les discours simplistes et les fausses surprises devant « la découverte » des déficits…
Pour aller plus loin :
- Suivez la Cour des Comptes sur Twitter
- Le site officiel de la Cour des Comptes (qui est fort bien fait et agréable à consulter) Ici Clémence. Je ne peux pas vous parler. Effectivement c’est le bordel à la redac, Vous devez trouvez le/la coupable. Je ne peux rien vous dire de plus. Restez vigilantes, merci de votre aide.
Les Commentaires
Et en parlant du fameux "trou de la Sécu", la Cour a rendu son dernier rapport le 15 septembre, accessible sur son site. Si on ne veut pas se taper le rapport (700 pages!) on peut lire la synthèse (qui fait certes encore 70 pages...)