L’évasion de Maria Alyokhina n’a rien à envier avec celle rocambolesque de Carlos Ghosn… Alors qu’en avril dernier, Vladimir Poutine sévissait plus fort pour étouffer toute opposition à sa guerre en Ukraine, les autorités russes annonçaient que l’assignation à résidence de la leadeuse des Pussy Riot allait se transformer en 21 jours d’enfermement dans une colonie pénitentiaire.
L’heure a donc sonné pour Maria Alyokhina de quitter la Russie, au moins temporairement. Mais comment passer les contrôles russes ? La cheffe de file des Pussy Riot a usé d’un stratagème original, qu’elle a confié, le 11 mai, désormais à l’abri en Lituanie, au New York Times.
Déguisée en livreuse pour quitter la Russie
Depuis 2012, et la fracassante « prière punk » de Pussy Riot dans l’église principale de Moscou, Maria Alyokhina a été régulièrement condamnée pour de multiples peines. En moins de 12 mois, elle a fait six allers-retours en prison, chaque fois pour une durée de 15 jours. En septembre dernier, elle a été une nouvelle fois condamnée par un tribunal moscovite, à un an de restriction de déplacement pour avoir enfreint les règles anti-Covid en appelant à manifester pour la libération de l’opposant politique Alexeï Navalny.
« Je suis contente de l’avoir fait, car c’est un imprévisible “pied de nez” aux autorités russes. Je ne comprends toujours pas complètement ce que j’ai fait. »
Retour en mai 2022. Pour échapper à la police de Moscou qui surveillait l’appartement de l’amie où elle séjournait, Maria Alyokhina a décidé de se déguiser en… livreuse à vélo ! Et pour que sa combine fonctionne, elle a laissé son téléphone portable derrière elle, tel un leurre. Un ami l’a conduite jusqu’à la frontière biélorusse, puis elle a mis une semaine pour arriver à Vilnius, en Lituanie.
Sa petite-amie, Lucy Shtein, également membre de Pussy Riot, a elle aussi quitté la Russie, il y a un mois, évitant l’arrestation grâce à un uniforme de service de livraison. Leur décision de fuir leur pays a été prise après que quelqu’un ait placardé sur la porte de leur appartement un message les accusant d’être des traitres.
Une exode digne d’un « roman d’espionnage »
C’était la troisième fois que Maria Alyokhina tentait de fuir son pays natal depuis le début de l’invasion en Ukraine par la Russie. La première fois, elle a été retenue durant six heures par des gardes-frontières et placée sur la liste des personnes « recherchées » en Russie. La deuxième fois, un officier l’a renvoyée chez elle. La troisième fois a été la bonne, grâce à l’aide d’un ami qui a réussi à lui obtenir un document de voyage lui donnant le même statut qu’un citoyen de l’Union Européenne.
Durant son séjour en Biélorussie, Maria Alyokhina a fait profil bas, évitant les hôtels ou tout endroit qui lui demanderait de présenter une preuve d’identité. Une fois son « passe-droit » introduit clandestinement, elle a pu finalement prendre un bus en direction de la Lituanie. Dans les colonnes du New York Times, elle s’amuse du changement de comportement des gardes-frontières lorsqu’ils l’ont prise pour une « Européenne » :
« Beaucoup de magie s’est produite la semaine dernière. Cela ressemble à un roman d’espionnage ! »
Sa fuite, reflet d’une désorganisation du pouvoir russe ?
Pour Maria Alyokhina, le fait d’avoir réussi à s’échapper de Russie et de Biélorussie est selon elle, « le reflet d’une application chaotique de la loi russe » :
« D’ici, il [Vladimir Poutine] ressemble à un gros démon, mais il est très désorganisé si vous regardez de l’intérieur. La main droite ne sait pas ce que fait la main gauche. »
La membre de Pussy Riot espère retourner un jour en Russie. Toujours est-il qu’elle poursuit sa route. Le 12 mai, elle sera à Berlin, avec d’autres membres du collectif, pour collecter des fonds pour l’Ukraine. Toutes porteront leurs chaussures où les lacets sont remplacés par des lingettes humides, clin d’œil à leurs nombreux séjours en prison, où les lacets sont systématiquement confisqués.
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Image en Une : © Maria Alyokhina – Instagram
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