Vous êtes nombreuses à être complètement fondues de l’univers des Cakes de Bertrand. Un passéisme sublimé mais un traitement moderne des images, une nostalgie assumée mais de l’allégresse dans les motifs : les Cakes de Bertrand proposent une série de produits pailletés et strassés à la main. Pour comprendre l’envers du décor de la marque, nous avons rendez-vous aujourd’hui dans leurs ateliers parisiens, métro Goncourt.
Didier Bertrand, fondateur, et son compagnon Adolphe Besnard (styliste travaillant aussi chez Paul & Joe) sont les directeurs artistiques de la marque. Les Cakes de Bertrand ont d’abord commencé comme aventure culinaire : Didier avait un étal sur le marché de Port-Royal à Paris, stand sur lequel ses cakes rencontrent leurs premiers succès.Interview
madmoiZelle : Comment êtes-vous passé de la vente de cakes au sens le plus littéral du terme aux Cakes de Bertrand, marque telle qu’on la connaît aujourd’hui ?
Didier Bertrand : Dans mon ancien boulot, j’ai eu à vendre des choses qui ne m’enthousiasmaient pas particulièrement. C’est à cette époque que j’ai commencé à développer l’envie de créer moi-même ; d’être maître de mes produits et responsable de leur qualité. J’ai choisi alors ce que je savais faire de mieux : la cuisine. Soit un domaine dans lequel j’étais libre de pouvoir m’exprimer, à travers les choix des ingrédients et des saveurs. Cet esprit est là, il est encore présent dans la marque telle qu’on la connaît aujourd’hui. En ayant un oeil sur la création et la production de nos collections, je me sens toujours cuisinier. Cuisinier des tissus, des motifs et des associations de couleurs.
Qu’est-ce qui vous a fait concrètement basculé dans la maroquinerie, les bijoux et les accessoires ?
J’avais ma boutique, ces salons de thé (ndrl, au Musée de la Vie Romantique et à St-Lazare), l’envie d’y injecter une touche de créativité et déjà, le désir très fort de me lancer dans la maroquinerie. Lorsque l’idée d’une trousse à chocolat – un petit étui juste assez grand pour y glisser une tablette de chocolat, est venue, j’ai su que je détenais mon produit pivot. Une façon de progressivement passer d’une aventure culinaire à la mode. Aujourd’hui, je ne vends plus cette trousse à chocolat, mais j’ai conservé les bonbons à la violette, également commercialisés à l’époque. Ils font un carton à l’étranger ! Je suis content de savoir que les bonbons à la violette ne sont pas juste mon petit caprice à moi. Avoir gardé ce produit dans nos boutiques me permet de me rappeler, très modestement, que pour penser un produit qui marche et plaira, il suffit parfois de s’appuyer sur ses goûts les plus immédiats.
Quelles sont vos influences ?
On aime beaucoup l’époque 1900-1940 et l’imagerie « entre-deux-guerres ». Travailler dans un salon de thé chic et cosy m’a également rendu sensible au luxe des années 60. Adolphe Besnard et moi sommes friands de documents anciens et vieux magazines de mode, à l’époque où les patronages étaient aussi une façon de consommer la mode. L’univers des chapeaux et des coiffures d’époque peut également nous inspirer.
À quoi ressemblent les moments où vous réfléchissez à votre prochaine collection ? Vous vous isolez et vous plongez dans votre banque d’images ?
Nous avons la chance d’avoir une maison de campagne dans la Sarthe. Pour penser la collection à venir, nous nous y sommes réfugiés 1 mois, pendant lequel le sol de la véranda était jonché d’images qui nous « parlaient ». À travers les vitres, on aperçoit les chevaux – c’est un cadre très inspirant et bucolique. Avec Photoshop ouvert sur mon ordinateur, le scan pas trop loin, et nos sélections d’images, Adolphe et moi nous donnons le temps de réfléchir. Quitte à laisser nos associations de motifs sur la grande table, aller et venir, confirmer une inspiration ou la modifier. Les visages que vous voyez sur les produits n’existent pas : on les crée ex-nihilo, à partir d’un regard qui nous plaît par ci, d’un nez qui nous séduit par là.
Plongée dans l’atelier et le processus de fabrication
Fanny, infographiste mais aussi « petites mains » à l’atelier, souhaite me montrer comment se fabrique une petite pochette comme celles-ci :
Elle m’explique que les images décidées par Didier Bertrand sont retravaillées à l’ordinateur – c’est la partie infographie, puis imprimées sur du papier transfert textile. On part chercher un portrait dans le tiroir afin que Fanny nous fasse une démonstration.
Il nous faut ensuite un petit morceau de tissu…
… et un flocage. C’est devant cette machine appelée « la presse » que tout va s’assembler : le portrait, le tissu et le cadre floqué.La presse chauffe, et quand on relève la partie haute de la machine, voilà ce que l’on trouve :
Mais ce n’est pas terminé. Il faut encore ajouter un strass au tissu, grâce à cet outil gris que vous apercevez sur la table. Fanny y déposera le strass, avant de le visser et de le refermer avec la « griffe » (ce qui fait tenir le strass).Dans la foulée, j’assiste au pailletage, ultime finition de la création. Fanny dépose un petit trait de colle sur le motif, et plonge une cuillère à soupe dans le bac à paillettes, qu’elle saupoudre sur le tissu. Voilà, nous venons de « pailleter » le tissu.
Ces petits rectangles de tissu sont ensuite envoyés aux usines partenaires, chargées de monter les sacs. Ce qui veut dire qu’à part cette étape finale, tout a d’abord soigneusement été préparé à la main au préalable.
Quand j’interroge Didier Bertrand sur la fourchette des prix pratiqués, jugée un peu élevée par certains, le créateur raconte :
« Les Cakes de Bertrand se positionnent ainsi : notre marge n’est pas gigantesque, mais nos prix sont ce qu’ils sont car nous sommes une entreprise française comme il en existe de moins en moins. Les conditions de travail à l’atelier sont très conviviales, et nous préparons toutes les commandes avec soin. Résister à la tentation de la délocalisation de la production est une chose; la deuxième c’est que nous ciblons une clientèle de collectionneuses. Il est sûr que l’on ne s’achète pas un produit les Cakes de Bertrand comme on achète un sac dans une enseigne de prêt-à-porter de centre commercial. Nous visons l’achat coup de coeur – voulu, désiré, réfléchi, sublimé, jouissif – plutôt que la consommation utilitaire à durée de vie limitée. Les Cakes de Bertrand proposent une gamme de produits irréprochables, qui tient sur la durée. C’est notre gage de qualité. »
Les 2 boutiques à Paris
– 137 Rue Vieille Du Temple, dans le 3e arrondissement – 7 rue Bourdaloue, dans le 9e arrondissement
Les Cakes de Bertrand proposent des sacs, des portefeuilles, des vestes, des bijoux, des savions, des accessoires, des violettes… Découvrez toute la collection par ici.
La marque vient également de lancer une nouvelle ligne, intitulée École Française, mixte et à l’imaginaire plus rock’n roll et cabinet de curiosité.
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