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Moi, moi et moi

Je n’y arriverai pas : mon plan de bataille face à l’insurmontable

Au pied du mur, il paraît souvent infranchissable. Comment analyser un obstacle, aussi imposant soit-il, comment réussir à le découper en étapes abordables ?

En partenariat avec l’UCPA (notre Manifeste)

Tu t’es déjà retrouvé·e au pied du mur ? Tu sais, un obstacle si grand, si massif, qu’il te semble une montagne infranchissable ?

Moi oui, bien sûr, à de multiples reprises. Je me suis souvent laissée décourager par l’ampleur de la tâche qui s’imposait à moi. Je ne suis pas fainéante, je crois : ce n’est pas le travail qui m’effraie, c’est le gâchis.

Investir tant d’efforts pour quand même échouer, voilà la perspective qui me décourage. Lorsque l’obstacle est trop grand, qu’il me faudrait un petit miracle ou un très gros coup de chance pour améliorer mes chances de réussite, alors je recule.

Je prendrai un autre chemin pour continuer à avancer. Ce n’est pas toujours un échec : parfois, faire un détour, c’est s’ouvrir de nouvelles opportunités, explorer de nouveaux horizons.

Et d’autres fois, la montagne m’intrigue, me nargue, m’interpelle… Renoncer au défi qu’elle me lance serait plus frustrant encore que d’y échouer.

Au pied de la montagne

La montagne, c’est le massif des Aiguilles Rouges. L’altitude de celle qui me nargue, c’est 1 250m. Et le temps imparti pour réussir le défi qu’elle me lance, c’est quatre semaines.

Août 2017, je sors de ma première course de trail, et la deuxième s’annonce d’un tout autre niveau : 15 km, pour 1250 mètres de dénivelé.

Quatre semaines seulement me séparaient du Petit trail des Aiguilles Rouges. Et quatre semaines, c’était surtout un délai trop court pour réussir à modifier significativement ma condition physique.

À chaque problème, sa solution : puisque je ne peux pas améliorer ma forme pour devenir super-puissante, je vais travailler… tout le reste. Tout ce que je peux !

Je ne partais pas de ce premier week-end d’entraînement avec l’UCPA livrée à moi-même : plusieurs temps d’échanges et de formation m’avaient fourni les outils dont j’avais besoin pour planifier ma progression.

Entre les conseils pour aborder sereinement une course, le matériel à prévoir, les tests à faire, les exercices de postures, j’avais en ma possession les éléments d’un plan de bataille, qu’il ne me restait plus qu’à décliner.

Je laisse un temps de côté ma métaphore du couple, que j’utilisais pour parler de ma relation avec le trail, de la rencontre à la lune de miel, en passant par le coup de foudre.

Cette étape est beaucoup plus intime, je crois. C’était un travail sur moi-même, pour moi-même.

Étape 1  : reconnaissance

Le premier écueil que j’allais éviter : arriver à l’aveugle. Cette fois-ci, je me renseigne sur le profil de ma course, c’est-à-dire l’itinéraire, le dénivelé, le type de terrain, etc.

Le Petit Trail des Aiguilles Rouges, ou « Ptit TAR » de son p’tit nom, est une boucle de 15km assez simple : 8km de montée au départ de Servoz, jusqu’au Lac de Pormenaz, puis 7km de descente jusqu’au point de départ.

ptit-tar-2017-plan

Que m’apprennent le parcours et les contraintes de cette course officielle ? Que je suis censée grimper 1250m de dénivelé en moins de 2h25, la barrière horaire imposée au sommet.

Si je dépasse, mon temps n’est plus pris en compte, je suis hors course. À l’arrivée, c’est maximum 4h que je dois mettre.

Si tu n’as jamais fait de randonnée en montagne, laisse-moi te dire qu’un randonneur moyen fait plutôt du 300m de dénivelé à l’heure. Si tu as suivi mes stories Instagram de qualité cet été (revoir ci-dessous, dans le vlog), c’était plus ou moins ma cadence au début de l’été.

Vlogmad n°78, à 5min09s

Trois semaines de rando plus tard, j’arrive à monter jusqu’à 500m par heure sur certaines portions, mais ça dépend de la pente, ça dépend de la durée de l’effort… Les 600m/h, clairement, on n’y est pas.

Admettons que je batte la barrière horaire : ça me laisse toujours une course de plus de 3 heures à devoir tenir.

15km avec 1200 mètres de dénivelé, c’est l’équivalent de 27km effort.

On compte 1km effort pour 100m de dénivelé : 1200m = 12km effort, 15+12 = 27km.

Donc, pour résumer : je suis censée courir l’équivalent de 27km en moins de 4h, et a priori en plus de 3h parce qu’il y a 1200m de dénivelé à grimper.

Facile Émile…

Il paraît qu’il faut « connaître son ennemi » pour pouvoir l’affronter. Je fais de ce parcours effronté mon adversaire. J’apprends à le connaître sur papier, pour mieux le défier le jour venu.

Étape 2 : le matériel obligatoire et nécessaire

Je me trouve assez littéralement au pied du mur, je décide donc de mettre en place un plan de bataille ordonné.

Qu’est-ce que je PEUX bosser dans ce laps de temps, trop court pour me permettre d’améliorer significativement ma condition physique ?

Déjà, ne pas me laisser surprendre le jour de la course. Donc, j’effectue désormais la totalité de mes sorties running avec l’intégralité du matériel que je dois prendre le jour de la course.

J’ai l’air de la pire des frimeuses à courir sur les quais de Seine avec mon sac de trail et ma poche à eau, à grignoter des barres protéinées alors que CALME-TOI MEUF t’es sortie pour 40 minutes de footing, c’est tout juste si tu transpires…

Oui, mais, le jour du P’tit TAR, il faudra que je porte du matériel obligatoire dans ce sac : veste coupe-vent/K-way, couverture de survie, sifflet…

Cet excellent tuto, prodigué par le non moins excellent moniteur de trail Camille, te donnera un aperçu du matériel requis pour cette activité

Compte tenu de la durée de la course, il va falloir que je boive et que je mange pendant l’effort. C’est une habitude à prendre, je l’intègre donc à mes entraînements pour qu’elle devienne naturelle.

La veille de la course, Camille, l’un des moniteurs, nous donne ce conseil : boire 2 gorgées minimum toutes les 2 minutes, manger après une heure de course, puis toutes les demi-heures.

C’est ce que je fais, et ça me permet par la même occasion de rythmer ma course : au-lieu de me dire « oh mon dieu ça fait seulement 48 min que je cours ça y est j’suis épuisée », je me dis : « cool, je bois dans 2min ».

Et j’ai tenu comme ça jusqu’à plus de 3h…

Étape 3 : exercice d’endurance

Tenir plus de 3h, c’était ma grande inconnue. Mon record de distance, c’est 24,6km lors de la course sur le viaduc de Millau, mai 2012. Je l’avais bouclée en 2h32, mon record d’endurance.

Clairement, j’allais devoir tenir plus longtemps sur le Ptit TAR… Et comme c’est pas mes jambes qui doutent, c’est ma tête que je suis allée sortir 3h en footing, pour lui prouver que si je sais marcher 6 à 9h, je sais aussi trotter 3 à 4h sans problème.

C’est juste une cadence au-dessus.

Cette sortie longue au rythme régulier d’un footing vraiment à la cool m’a notamment permis de repérer mes défauts. C’est surtout la tête qui se fatigue, alors je fais moins attention à mes gestes… et je me surprends à traîner les pieds au lieu de lever les genoux, par exemple.

C’est comme ça que j’ai repéré que je tirais ma jambe gauche avec ma jambe droite, fatigant le mollet droit davantage que le gauche. Bref, ma foulée était déséquilibrée.

J’ai au moins réussi à repérer et corriger les défauts les plus évidents. Sur une course aussi exigeante pour moi qu’allait l’être le Ptit TAR, c’était pas du luxe.

Étape 4 : exercices de cadence

Je ne vais pas pouvoir exploser mon record de vitesse à l’attaque des côtes : j’ai pas les fessiers, pas les cuisses et pas les mollets pour aller plus vite que ce dont je suis actuellement capable.

Mais comme je dois pas être loin des 500m de dénivelé à l’heure quand je me chauffe bien, je cherche surtout à maintenir cette allure pendant 2h. Si j’y arrive, la barrière horaire est à ma portée.

Pour mes entraînements, je vais chercher la pente sur la butte de Montmartre, mais je ne prends pas les escaliers : je fais des petits pas rapides sur les murs qui encadrent les escaliers.

Mon objectif, c’est de tenir la cadence, en faisant des petits pas pour ne pas (trop) épuiser mes muscles. Si je fais des grands pas, je suis sûre de m’essouffler et de me couper les jambes dès les premières montées raides.

Si je tiens la cadence des petits pas, j’ai une chance d’arriver en haut dans les temps.

Étape 5 : l’astreinte du pilote

À deux semaines de la course, je suis en week-end chez mes parents, à la campagne. Je m’organise deux sorties assez longues (plus d’une heure), sur terrains variés (types de chemins et dénivelés), et je m’auto-trolle en me mettant de la musique dans les oreilles, mais pas une playlist de running.

Le but, c’est de forcer « le pilote de l’unité centrale », celui-là même qui est À FOND en début de course, à ne pas se barrer en laissant l’engin sur pilote automatique, dès qu’il en a marre (en général au bout de 10-20 minutes…)

Je me force à rester mentalement présente, et à ne pas laisser mon esprit divaguer dans les milliers de pensées plus intéressantes à explorer que : regarder où je mets les pieds, tenir ma cadence.

Si je m’évade, mes jambes prendront automatiquement le rythme de la chanson que j’écoute, et comme c’est une playlist de troll, les rythmes sont très différents, donc je vais m’en rendre compte au prochain changement de musique, et le pilote devra revenir reprendre le contrôle.

Le but est aussi de réussir à reprendre un rythme de course lorsque la fatigue me fait marcher dans les côtes, par exemple.

Ne pas s’endormir, ne pas laisser le terrain me dicter la cadence : je dois rester maître, et pour ça, j’ai besoin que le pilote reste à son poste !

Sans surprise encore une fois, plus je fatigue, et plus le pilote a tendance à se barrer de l’unité centrale… Or, le jour de la course, j’ai besoin qu’il soit là du début à la fin.

Étape 6 : la fierté et les larmes sur la ligne d’arrivée

Sur la ligne de départ, je laisse tomber la pression : j’ai fait tout ce que je pouvais faire dans le temps imparti, avec mes contraintes et mes moyens.

Je suis là pour kiffer ce moment, et ce qui m’attend derrière : des heures d’exploration à l’attaque du sommet, gratter les flancs de la montagne du bout des crampons, défier ce massif qui nous nargue en retour, avec son ombre gigantesque qui lacère la vallée.

Je me lance dans le peloton multicolore des coureurs et des coureuses. C’est parti ! Deux heures pour monter, une heure pour descendre, c’est l’objectif que je me donne. Tiens, c’est curieux. Au début des 4 semaines, j’en étais à :

« pfiou c’est déjà fou si j’arrive à passer la barrière horaire des 2h25 à la montée, hein ».

Sur la ligne de départ, mes ambitions ont balayé ma peur : c’est 2h pour monter, 1h pour descendre que je vise, désormais.

Incroyable : tous mes exercices ont payé.

J’ai réussi à tenir ma cadence à la montée, en claquant des doigts pour me donner le rythme quand je le perdais.

J’ai réussi à courir sur toutes les variations de terrain qui me le permettaient, c’est-à-dire quand la pente n’était pas trop forte pour mes mollets.

En collant à cette cadence, je n’ai jamais perdu mon souffle. Et quand mes jambes me faisaient souffrir, plutôt que de reprendre mon rythme en mettant les mains sur les hanches, j’activais mes mouvements de balancier avec les coudes.

Ça corrige direct ma posture si je me suis cassée en deux sur la piste, ça me redonne un rythme et ces mouvements me permettent de relancer le bas du corps aussi.

Lorsque j’ai eu le Lac de Pormenaz en vue, ma montre indiquait 1h59 de course. J’ai été chronométrée au passage du sommet à 2h04.

J’ai pas marché du tout à la descente, j’ai couru tout le long, limitée par mes jambes au niveau de la vitesse, mais je savais que je plafonnerais sur la condition physique.

J’ai bu et mangé progressivement tout au long de la course, en suivant les conseils que Camille nous avait donnés la veille.

J’ai passé la ligne d’arrivée à 3h17min34s de course, euphorique.

J’ai jamais grimpé 1200 mètres en moins de 2h25.

J’ai jamais couru plus de 3 heures.

J’ai jamais été aussi fière de passer la ligne d’arrivée.

J’ai donc trois nouveaux records à mon actif :

  • Ma course la plus longue, en durée
  • Ma course la plus longue, en distance kilomètre-effort
  • Mon ascension la plus rapide

Progresser autant en si peu de temps a décuplé ma motivation pour le reste de l’année.

D’ici au 30 juin 2018, notre objectif #TrailXpérience, j’ai le temps d’améliorer ma condition physique. En clair, je veux relever le plafond le plus haut possible !

#TrailXpérience, qu’est-ce que c’est ?

Pendant un an, l’UCPA va former une joyeuse bande de coureurs du dimanche ou de sportifs ou sportives variées à la pratique du trail. Objectif ? S’aligner au départ du Marathon du Mont Blanc (42 ou 23 km, selon les niveaux).

madmoiZelle est partenaire média de l’opération, on amène 7 recrues dont Clémence, qui tient un journal de bord tout au long de l’année. Spicee réalise une websérie de toute cette belle aventure, qui sera diffusée sur Mont Blanc Médias. Plus d’infos ? C’est là !

Envie de… découvrir le trail ?

L’UCPA propose des séjours accessibles aux débutant·es : pas besoin d’avoir des mollets d’athlète olympique pour s’y essayer !

Motivation, envie d’apprendre et soif de découverte suffisent amplement ! Rendez-vous sur le catalogue des vacances UCPA, sur cette page dédiée aux séjours trail spécial débutant !

ucpa-trail-debutant

Et pour plonger dans l’univers de trail, par les mots de celles et ceux qui le pratiquent, rendez-vous sur le blog We Are UCPA !


Et si le film que vous alliez voir ce soir était une bouse ? Chaque semaine, Kalindi Ramphul vous offre son avis sur LE film à voir (ou pas) dans l’émission Le seul avis qui compte.

Les Commentaires

53
Avatar de Skogsdottir Langurhar
27 juin 2018 à 12h06
Skogsdottir Langurhar
Super ces articles et surtout MERCI pour les détails techniques.
Je suis exactement pareil que toi avec la musique, j'ai remarqué que courir avec c'est jouissif ok mais c'est plutôt mauvais pour le rythme, parce qu'on a tendance à naturellement essayer de s'y coller. Alors tout ce qui est pump-it-up, rapide, excitant... le jour où j'ai décidé de mettre des trucs tout doux voire de ne pas en écouter, je me suis rendue compte avoir plus d'endurance !
Mon record est de 45mn à courir à quasi 100% sur du vallonné, après j'ai un peu lâché le morceau et les portions de courses ont été un peu plus restreintes (faut dire aussi je me suis "paumée" à la tombée de la nuit en forêt, et pour rentrer, les champs n'avaient pas été fauchés et les herbes m'arrivaient à la poitrine, c'est pas très pratique pour courir)

Je commence à pouvoir courir 30mn de façon régulière et sans m'arrêter (toujours pas sur les routes ni le plat, chez moi c'est 100% nature), bientôt je vais tenter mes premiers dénivelés "sérieux" en attaquant les montagnes au dessus de ma tête, mais en attendant j'essaye de rester régulière:
- un strict minimum (petit parcours vallonné de 20mn) dans les périodes de fatigue style règles
- un peu plus et tendance à explorer plus loin / allonger le parcours quand ça va mieux
Et la régularité m'a fait prendre un petit.... kilo et demi de muscles (je me suis fait la remarque l'autre jour en mettant une p'tite robe que mon cul était vaaachement rond et promis c'est pas les chips).

Merci pour ces supers articles qui montrent que çaypossible !

De bons conseils aussi par ici ! https://alpinemag.fr/trail-6-conseils-pour-bien-se-lancer/
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