— Initialement publié le 11 décembre 2015
Cette semaine, c’est la semaine de l’amour. Du love. Liebe. Tout ça. Alors évidemment on pense aux échanges amoureux, aux oeillades languissantes, aux sourires niais, et aux bisous mouillés. Mais l’amour peut prendre plein de formes ! Et notamment… celle de l’amitié. Aujourd’hui, je veux vous rappeler que de vrai•e•s ami•e•s, on les aime aussi d’amour.
Le coup de foudre amical, ça existe
Quand je suis arrivée à Sciences Po à Nancy pour commencer mes études, je ne connaissais personne. J’étais pour la première fois loin de ma famille, de mon petit frère adoré surtout, et c’était pas drôle du tout.
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En plus, comme je venais de Damas, j’étais persuadée que tout le monde allait me trouver nulle et inintéressante, que je ne me ferais jamais d’ami•e•s. En plus, il fallait que j’apprenne à me faire à manger toute seule ! Bref, j’avais le seum.
Et puis en arrivant sur le campus… j’ai découvert que je n’étais pas tout à fait toute seule dans ce cas, et que beaucoup d’étudiant•e•s étaient également pour la première fois livré•e•s à eux/elles-mêmes, plus ou moins loin de leurs proches. Ça nous faisait déjà un gros point en commun !
Je n’étais pas la seule dans ce cas
Le hic, c’est qu’elle n’était pas là. Alors, pour continuer dans les métaphores animales, on a fait les pingouins : on s’est frileusement serré•e•s les un•e•s contre les autres… et les coudes, aussi !
C’est comme ça que j’ai rencontré mon cercle d’ami•e•s les plus proches, et que j’ai expérimenté le coup de foudre amical. D’un coup, je rencontrais des gens qui étaient dans la même situation (perdue) que moi, qui avaient les mêmes centres d’intérêt que moi (d’où le fait qu’on se retrouve à Sciences Po) et qui venaient eux et elles aussi, pour la plupart, d’un milieu multiculturel et socio-culturellement relativement proche du mien. Comme les poussins, je vous dis !
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L’amitié passionnelle dévorante
Dès le week-end d’intégration, on était déjà meilleur•e•s potes, mais je n’aurais jamais pensé qu’en deux ans d’études ensemble, on en arriverait à un tel niveau de confiance et d’intimité. La vie étudiante, ce n’est déjà pas toujours facile.
Être loin de sa famille, ça peut être une épreuve. Et à Sciences Po, c’est bien connu, on travaille énormément, et la pression pèse parfois des tonnes sur les épaules des élèves.
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Tout ça combiné a fait qu’avec mes ami•e•s, on a passé tellement d’heures ensemble qu’on est passé•e•s par tous les stades…
L’admiration béate et l’incrédulité face à des personnes aussi géniales, brillantes, intéressantes et semblables à nous-mêmes, la jalousie parfois de voir qu’on ne s’en sortait pas forcément aussi bien que les autres, l’entraide et le soutien indéfectible dans les moments durs (et croyez-moi, il y en a eu), et même les crises de colère et les pics d’agacement quand aucun•e de nous n’avait assez dormi ni mangé correctement depuis des jours et que tout bêtement personne ne supportait plus personne. Tout ça, on y a survécu ensemble et malgré tout.
On vivait une vraie vie de vieux couple
On a partagé nos lits, nos tampons (enfin on s’est dépannées, quoi), nos mouchoirs, notre maquillage, nos vêtements, notre bouffe, nos factures, nos peluches… Une vraie vie de vieux couple.
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La séparation amicale
Et puis il y a eu cette fatidique troisième année de licence, où tou•te•s les étudiant•e•s devaient quitter Nancy et partir à l’étranger. Avec force larmes, mouchoirs usagés, crise de nerfs et cris de désespoir, nous nous sommes séparé•e•s. En jurant de nous appeler tous les jours, de nous envoyer des cartes postales tous les deux jours (délais postaux obligent), et de nous rendre visite en personne tous les trois jours !
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Autant vous dire qu’aucun•e de nous n’a pu respecter ces promesses. Et qu’au fond de nous, nous étions persuadé•e•s que loin des yeux loin du coeur, notre amitié fusionnelle ne survivrait pas à un an de séparation, même avec force Skype, Facebook et visites régulières. Que nous nous perdrions.
Au final… rien ne s’est passé comme prévu. Quand nous avions le choix entre option A — rester effectivement lié•e•s, ne se faire aucun•e autre ami•e, pleurer toutes les larmes de notre corps pendant un an — et option B — devenir complètement indifférent•e•s et insensibles les un•e•s aux autres et perdre à jamais la grâce éternelle d’une telle amitié… c’est finalement l’option C qui l’a emporté.
Suspense.
L’amitié… comme des adultes
Nous avons appris à être ami•e•s… d’une manière différente. Nous avons appris à survivre sans le soutien 24h/24 des autres. Nous avons appris à ne pas nous parler tous les jours (du moins pas de vive voix), à nous faire d’autres ami•e•s qui, sans pouvoir rivaliser, nous tenaient néanmoins très à coeur. Nous sommes même tombé•e•s amoureu•x•ses. Nous avons appris à grandir séparément, tout en nous retrouvant comme si nous ne nous étions jamais quitté•e•s.
Nous avons appris à grandir séparément
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Mais nous avons appris que nous pouvions survivre par nous-mêmes. Que nous serions toujours dans le coeur les un•e•s des autres. Que ne pas se voir ni se parler pendant plusieurs semaines ne signifiait pas qu’on ne s’aimait plus — simplement qu’on aurait encore plus de choses à se raconter lorsqu’on se retrouverait.
Nous avons appris à accepter les nouveaux et nouvelles ami•e•s les un•e•s des autres, à comprendre que nous ne serions plus dans l’exclusivité mais dans l’amitié tranquille et sûre. Indestructible (pour la peine, comme c’est dans le thème et que nous avons pris conscience de cela en Allemagne essentiellement, je vous mets une petite chanson d’un très bon groupe).
Et je crois qu’en cela, l’amitié est une forme d’amour. C’est faire une place à l’autre dans son coeur, en se mettant à nu et en acceptant de montrer toutes ses faiblesses, c’est offrir à l’autre toutes les armes pour nous blesser… et savoir que même si cela devait arriver, ça n’excèderait jamais la bienveillance, la bonté et l’amour que l’on recevrait en acceptant de s’ouvrir. C’est faire confiance et aimer pleinement, sans retenue… tout en sachant vivre sa propre vie.
C’est tenir la main de quelqu’un, et lui laisser l’autre main libre.