— Publié le 19 juin 2013
Je suis le genre de meuf à être complexée par la moindre petite parcelle de peau qui recouvre mon corps. Sans déconner, je suis même complexée par mes cils. MES CILS. (ils sont tombants et me donnent des airs d’équidé).
Mais si je devais élire mon complexe numéro un, le champion absolu, le destructeur d’ego, ce serait mon cul.
Cachez ce cucul que je ne saurais voir
J’ai la fesse flasque et celluliteuse.
Je suis convaincue que si j’avais le fessier ferme et rebondi, je me sentirais cent fois mieux dans ma peau et que je passerais le plus clair de mon temps à parader à poil devant mes fenêtres et mon miroir.
La joie d’avoir un joli petit cul — Fig. 1
Mais comme ce n’est pas le cas, je porte des collants noirs très opaques même par trente degrés, je ne montre jamais mes jambes nues (mes cuisses n’ont pas été épargnées par les capitons), j’essaye de planquer mon cul sous des chemises et des t-shirts longs dès que possible et quand j’ai les fesses à l’air (dans un jean épais), je me sens horriblement vulnérable et j’ai l’impression qu’on ne voit que ça.
Fesses martyrisées, mais fesses libérées !
Mais depuis quelques mois, je me force à exposer mon derrière au commun des mortels (toujours sous une couche assez raisonnable de vêtements : le défilé sur les Champs en string pailleté n’est prévu que pour 2015). Parce que malgré la haine que je lui voue, il semblerait que je sois relativement seule dans le club des haters de mon cul.
Tout est parti d’une volonté d’arrêter de me planquer, de vivre sans le fardeau du qu’en dira-t-on et de suivre le conseil de ma mère qui me répète depuis des plombes « Profites-en, c’est pas à 50 piges que tu pourras taper le poum-poum short à la moindre occasion ».
J’ai donc commencé à libérer quelques parties de mon corps, petit à petit, à laisser dépasser une épaule par-ci, une cheville par-là, osant même parfois m’attacher les cheveux en public – dévoilant ainsi mon visage dans sa totalité (ainsi que mes lobes d’oreilles qui me complexent tant).
Ce que j’avais du mal à comprendre, en revanche, et qui me fait toujours passer pour une connasse qui use et abuse de la fausse modestie pour partir à la pêche au compliment sans la moindre subtilité, c’était que je semblais être la seule à être dégoûtée par mon cul.
Selon de récents sondages, mon cul n’est pas mal du tout
Les mecs qui ont eu l’occasion de le voir sous toutes ses coutures ont, pour la plupart, développé une forme d’obsession pour mon fessier et semblaient n’avoir que faire de ses cratères.
J’ai d’abord cru être tombée sur un fétichiste, puis un deuxième, puis un troisième, jusqu’à ce que la tendance s’étende aux civils qui ne voyaient mes fesses que dans leur cosse. Et depuis quelques mois, la poignée d’admirateurs s’est transformée en pelletée, à tel point qu’on me rapporte régulièrement avoir entendu untel faire l’éloge de mon cul lorsque j’avais le dos tourné (c’est plus pratique, en effet).
Alors malheureusement, ça n’attire pas que les amoureux transis : dans la rue, je me fais régulièrement aboyer dessus, et quand on ne me demande pas si on peut éjaculer sur mon eyeliner (tristement véridique), on me chante la sérénade au niveau du coccyx.
Pourquoi est-ce que MOI, je le vois comme ça ?
De mon côté, j’ai toujours envie de mettre des patates dans tous les miroirs que je croise dès que mes yeux se posent sur ma cambrure et
je ne comprends toujours pas pourquoi je n’arrive pas à voir ce que les autres voient.
Je déteste ce que je vois, ça me dégoûte, il m’arrive même d’en chialer tant ça m’énerve d’avoir cette espèce de protubérance dégueulasse dans le bas du dos. D’autant plus que je sais très bien qu’un petit peu de sport quotidien suffirait à me raffermir le cuissot, mais que voulez-vous, j’ai la flemme. Et trop de séries à mater. Et c’est pas demain la veille que je vais commencer à faire gaffe à mon alimentation.
Alors avant de passer à la phase ultime — celle de l’acceptation — je me contente d’observer mes fesses à travers le regard des autres.
Mes fesses sont plus cool dans les yeux des autres
Je ne hurle plus à la calomnie lorsqu’on me complimente (dans un cadre amical et sain, pas à 3h du mat dans une ruelle sombre), et je ne tente plus de raisonner les gens en m’écriant « NAN MAIS J’AI LE CUL TELLEMENT MOU QU’IL EST PRESQUE LIQUIDE ET EN PLUS J’AI GRAAAAAVE DE LA CELLULITE TU T’RENDS PAS COMPTE C’EST DÉGEULASSE », parce qu’apparemment ça ne fonctionne pas.
À chaque fois que j’ai essayé d’utiliser cet argument, on m’a répondu « Non mais on s’en fout de ça, c’est pas ça qui compte en fait, c’est la forme, la texture, la façon dont il s’accorde avec le reste du corps, on s’en bat les couilles de la cellulite, c’est un détail ». Alors je ne lutte plus et je réponds « merci » quand c’est dit avec respect, je mets des taquets quand c’est balancé grossièrement, et je hurle « OUAIS JE SAIS » quand j’ai bu.
Aimer son cucul, c’est FUN
Et depuis que j’ai commencé à accepter l’effet que produisait mon corps sur les autres, je m’amuse un peu plus. Pas parce que je parade partout en me disant que tout le monde ne rêve que de se jeter sur moi et que j’suis vraiment plus bonne que la plus bonne de tes copines, mais parce que j’ai toujours eu tendance à faire confiance à la majorité.
Et si la majorité n’a pas le réflexe de vomir de la bile et du pétrole en me voyant débarquer, c’est que je dois pas être si immonde que ça. Au lieu de rejeter en bloc ce que les autres peuvent bien me trouver de positif, je tente de l’accepter, de l’intégrer et de l’utiliser pour me reconstruire petit à petit.
Y a un moment où faut savoir arrêter de nier l’évidence et apprécier simplement les fleurs qu’on vous envoie. Si on vous complimente régulièrement sur quelque chose (et pas forcément sur votre cul), c’est qu’il doit y avoir un peu de vrai dans ce qu’on vous dit. Un tout petit peu (beaucoup, en fait).
Et si on écoutait un peu les autres ?
Et si je dis tout ça, c’est pas pour déclarer ma flamme à mes fesses et m’assurer que tout le monde soit au courant de leur magnificence, c’est simplement pour vous rappeler que, parfois, ce qu’on déteste le plus chez nous est ce que les autres admirent et nous envient. Et que leur jugement devrait, dans ces cas là, être écouté et ajouté à l’équation.
Au lieu de vous flageller, rappelez-vous que vous ne remporterez jamais la palme de l’objectivité en ce qui concerne votre apparence (ainsi que tout le reste, d’ailleurs). Les gens de l’extérieur nous voient comme un tout, pas comme une succession de petits détails imparfaits et gênants, aux traits grossis et exagérés comme c’est souvent le cas quand on se regarde dans le miroir.
Je n’aime toujours pas mon cul, mais d’autres l’aiment pour moi – et pour l’instant je m’en contente, mais ce n’est qu’une étape. Un jour je finirai par me réconcilier avec lui pour de bon, et nous vivrons heureux et aurons beaucoup d’enfants et ce sera super cool.
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