Ce samedi 24 novembre, j’ai marché. J’ai manifesté. Ce qui ne m’arrive environ jamais.
J’ai pris mon p’tit sac à dos et mes p’tites baskets pour rejoindre #NousToutes, la marche pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles. Oui, « l’autre manifestation » de ce week-end…
#NousToutes et les #GiletsJaunes
La marche #NousToutes était prévue depuis bien longtemps.
Et sa date n’était pas choisie au hasard : le 24 novembre, c’est la veille de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes.
Mais les #GiletsJaunes, qui protestent notamment contre une hausse du prix du carburant, ont décidé après leur mobilisation du 17 novembre de défiler eux et elles aussi le 24 novembre.
C’était une peur légitime des féministes : les #GiletsJaunes allaient-ils éclipser #NousToutes, monopoliser l’attention médiatique ?
Force est de constater que cette crainte était fondée.
Les #GiletsJaunes éclipsent #NousToutes dans les médias
Toute la journée, je gardais un œil sur les chaînes d’info, sur les directs d’actualité.
Elles montraient en boucle des #GiletsJaunes (réels ou présumés) arrachant des pavés sur les Champs Élysées, montant des barricades, démolissant des terrasses, foutant le feu.
Nulle part les puissantes affiches violettes de #NousToutes. Ou alors en passant, dans un entrefilet, entre deux tenues fluo.
Pourtant nous étions nombreuses, plus nombreux.
12 000 personnes pour #NousToutes à Paris (et des milliers dans d’autres grandes villes), contre 8000 #GiletsJaunes à la capitale…
Pourquoi parler plus des #GiletsJaunes que de #NousToutes ?
Pourquoi une telle différence de traitement médiatique, s’interroge 20 Minutes dans un excellent article.
Parce que #NousToutes n’a rien cassé, rien détruit, probablement.
Parce que les flammes léchant les pavés arrachés des Champs Élysées, ça c’est de la bonne télé. Ça, ça capte l’attention, ça donne envie d’en voir davantage.
Alors que des femmes et des hommes qui défilent pacifiquement, au son d’un orchestre, scandant des slogans et entamant des chansons pour réclamer de ne plus être victimes de viol, ce n’est pas assez vendeur. Pas assez sexy.
Mais il n’y a pas que ça ; il n’y a pas que la violence.
Il y a aussi le fait que les « histoires de gonzesses » ne passionnent pas
. Ne semblent pas concerner les médias, ni le grand public.
Pourtant, les violences sexistes et sexuelles touchent toutes les strates de la société, toutes les classes sociales, sur tous les territoires de France.
Les #GiletsJaunes seraient un mouvement citoyen qui rassemble le peuple autour d’une cause commune, mais ce même peuple est lui aussi gangréné par les violences sexistes et sexuelles.
C’est juste que ce n’est pas ce que les médias ont choisi de montrer.
Comme le confie la militante Alice Coffin à 20 Minutes :
« En début de cortège, une amie m’a dit en plaisantant que pour faire la Une des JT, il aurait fallu que toutes les femmes défilent seins nus ! »
Aux médias qui ont ignoré #NousToutes…
Aux médias qui ont totalement ou presque totalement occulté #NousToutes pour se focaliser sur les #GiletsJaunes, j’ai envie de dire : vous ne savez pas ce que vous avez raté.
Vous avez raté le futur.
Vous avez raté une des plus belles manifestations de l’Histoire, pacifique et puissante, le genre de manif qui fout la chair de poule, surtout quand le chant du MLF retentissait à travers la foule.
Vous avez raté des femmes, des hommes, des jeunes et des vieilles, des blanches et des noires, des valides et des handicapées, des riches et des pauvres, des familles et des enfants, tous et toutes unies pour l’égalité.
Vous avez raté ce môme juché sur les épaules de son père qui applaudissait en rythme, bandana violet fièrement noué sur son front.
Vous avez raté ces femmes d’un certain âge portant une banderole disant « Encore féministes ! », pour dire « Encore besoin de moi ? Je suis toujours là ! ».
Vous avez raté l’énergie de cette jeune militante armée d’un mégaphone qui scandait « Le patriarcat ne tombera pas tout seul, organisons-nous pour lui piétiner la gueule », en sautant à pieds joints.
https://twitter.com/mymyhgl/status/1066342551559577600
Vous avez raté la ferveur d’un peuple lui aussi uni, pour que les femmes de demain ne soient plus victimes de violences sexistes et sexuelles.
Vous avez raté les voix claires des survivantes qui déclarent, panneau violet au poing : « ras le viol ».
Vous avez raté une marche réunissant différents courants du féminisme sous la même bannière, celle qui veut en finir avec les chiffres dramatiques du viol, des agressions sexuelles, du harcèlement.
N’ignorez plus #NousToutes, nous sommes là pour rester
Peut-être que la prochaine fois on arrachera des pavés, peut-être qu’on foutra le feu, parce que croyez-moi, #NousToutes aussi on a de bonnes raisons d’être en colère.
Les #GiletsJaunes ne sont ni nos ennemis ni nos opposants ; en manifestant, ils et elles n’avaient probablement pas prévu de nous priver totalement de médiatisation.
Un exemple avec ce beau moment de convergence des luttes : la haie d’honneur faite par les #GiletsJaunes de Montpellier à la marche #NousToutes.
https://twitter.com/ortega_stef_/status/1066331955166359553
Personnellement, j’ai pas spécialement envie de déboulonner des terrasses pour me faire entendre, mais si ça se trouve, c’est ça qui marchera.
En attendant, j’ai entendu ma voix résonner, mêlée aux milliers de voix de mes sœurs et de mes frères qui marchaient à mes côtés. Et ça, putain, ça c’était aussi de la bonne télé.
À lire aussi : Peut-on être féministe et populaire ? (Clémence Bodoc à l’université d’été du féminisme)
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Les Commentaires
https://www.nouvelobs.com/debat/201...ut-il-etre-un-homme-pour-jeter-des-paves.html