Mardi soir, Marine Le Pen était attendue dans le XVIe arrondissement de Paris, pour un colloque organisé par l’université Dauphine. Mais entre 100 et 150 étudiants se sont opposés à sa venue : « Marine à Dauphine, pas question » et « Nous sommes tous des enfants d’immigrés », scandaient-ils hier en fin d’après-midi, assiégeant ainsi l’amphithéâtre. Face à tant de remue-ménage, le débat a été annulé et Marine Le Pen est repartie furieuse.
Elle blâme l’ensemble de la classe politique et « les milices de gauche »
De retour à son QG de campagne en fin de journée, la candidate à la présidentielle s’est fendue d’une condamnation générale :
« Est-ce que le pouvoir va laisser ces milices de gauche faire la loi dans notre pays ? Est-ce que le pouvoir va laisser ces milices de gauche brutaliser des étudiants, empêcher une candidate à la présidentielle de venir s’exprimer dans le cadre d’un débat républicain et démocratique ? »
Pour Marine Le Pen, le MJS (les jeunes socialistes), l’UEJF (l’union des étudiants juifs de France), l’Unef (syndicat étudiant de gauche) et le NPA sont ces fameuses « milices de gauche ».
« Je demande aux responsables de gauche, y compris au candidat à la présidentielle (du PS), M. (François) Hollande, de condamner formellement et solennellement ces violences et ces procédés qui sont inadmissibles dans un pays démocratique tel que la France. »
La réaction de Grégoire de Rugy, président de l’Association Dauphine Discussion Débat
Grégoire de Rugy : le colloque n'avait la vocation « ni d'être un meeting du FN, ni une tribune de Marine Le Pen »
Grégoire de Rugy, organisateur du colloque, a regretté des événements « violents, verbalement » avant de rapporter que des manifestants avaient « cassé du matériel audiovisuel ». Lorsque Marine Le Pen accuse Laurent Batch (le président de l’université) de ne pas avoir filtré les lieux, Grégoire de Rugy rétorque néanmoins :
« Je ne pense pas qu’il soit responsable des événements. Il y a pas tellement de responsabilités, puisque les étudiants sont vraiment rentrés par effraction, ils ont forcé le passage. »
Peut-on s’opposer à la tenue d’un débat dit « démocratique » ? Liberté d’expression VS action symbolique.
C’est la question que je vous pose cet après-midi.
D’un côté, (faisons appel à un des poncifs les plus récurrents de la question, cette espèce de point Godwin de la démocratie) : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’au bout pour que vous puissiez le dire » (citation attribuée à Voltaire).
Une telle action ne pourrait-elle pas être interprétée comme une opposition à la liberté d’expression ? Ne tient-on pas là de quoi offrir au FN matière à se plaindre d’une diabolisation (rhétorique qui, par le passé, a souvent été le refrain chanté par Jean-Marie Le Pen) ?
Au lendemain de ce colloque annulé, à qui profite le crime ? Le FN, qui pourrait jouer de son argumentaire victimiste ? Ou les étudiants, qui ont réussi à se faire entendre en tant que « symbole d’une jeunesse qui ne se fait pas berner et qui a compris que le FN n’est pas devenu un parti fréquentable » ?
D’un autre côté, l’action de ces jeunes dont les convictions sont réunies par le dénominateur commun du rejet du FN, ne vient-elle pas signer l’ultime preuve qu’ils ne sont pas dupes de Marine Le Pen ? À l’heure où l’opinion publique et les médias véhiculent l’image d’un FN assagi, polissé et pour la première fois depuis ses débuts, fréquentable, s’interposer physiquement n’est-il pas salutaire ?
C’est peut-être un signal littéral que la jeunesse a donné hier soir : elle veut empêcher l’extrême-droite de s’immiscer dans ce que notre société a de plus populaire – l’accès au savoir, l’antre de l’université, la jeunesse en tant que force vive de notre France future.
L’université n’est pas « un lieu neutre »
Certaines voix se sont d’ailleurs levées contre l’organisation d’un tel débat au sein d’une institution comme l’université. À ce propos, l’universitaire Philippe Chanial rappelle que l’université n’est pas « un lieu neutre ».
Alors : l’événement d’hier soir est-il une action immature et contre-productrice, ou salvatrice et symbolique ? Une action du petit nombre ou un coup de projecteur sur ce que la jeunesse a à dire ?
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Les Commentaires
BTW, je connais plein de gens dit "de droite" qui sont contre le FN et sa représentante...