Il est beaucoup de questions auxquelles je peux répondre sans l’ombre d’un soupçon. Les traditionnels « Qui es-tu« , « Que fais-tu dans la vie« , « Quels sont tes projets d’avenir » ne me posent pas l’ombre d’un problème ; d’ailleurs, ça me fait toujours très plaisir de dire aux gens que je suis une employée du KGB envoyée en Haute-Garonne pour étudier les vertus bactériologiques du cassoulet. Les choses se corsent quelque peu lorsque l’on me demande d’où je viens, soit en moyenne 2,34 minutes après avoir engagé la moindre conversation avec une nouvelle tête.
Car là est le problème : je ne viens de nulle part. Mes deux parents, fonctionnaires, sont dans l’obligation de changer de ville tous les 3 ans : depuis le début de leur carrière, ils voyagent de ville en sous préfecture, de meublé en logement de fonction, de poste en poste. Depuis que je suis née, j’ai vécu dans la Meuse, la banlieue parisienne, l’Anjou, puis à Nantes, à Paris, à Montpellier, à Sète, à Pau, et enfin à Toulouse. Cette instabilité chronique a ses avantages et ses inconvénients, que je m’en vais vous narrer ici.
Déménagement(s), mon amour
Tous les trois ans, c’était la même chose : mes parents convoquaient toute la famille, et nous annonçaient, l’air de rien, que nous partirions à l’autre bout du pays d’ici six mois, abandonnant maison, amis, habitudes et parfois animaux de compagnie. Puis commençait la traditionnelle valse des cartons, la ronde des adieux déchirants, la rengaine des promesses d’amitié éternelles, le tango des dernières fois. Mes parents étant à peu près aussi sociables que des bernards l’ermite autistes, ils quittaient chaque ville sans attaches – et souvent, n’y revennaient jamais. À l’époque, Marck Zuckerberg était plus occupé à passer son brevet qu’à inventer Facebook : sitôt partis, nous étions donc oubliés
, et, pour l’avoir entendu une bonne cinquantaine de fois, je peux te garantir que le traditionnel « Je t’écrirai tous les jours » est aussi vrai que les seins de Kim Kardashian. A chaque fois, c’était une déchirure : même s’il est toujours excitant de partir à l’aventure vers l’infini et au-delà (ou le Maine et Loire, mais c’est déjà follement moins classe), j’étais toujours aussi heureuse de déménager que de manger du céleri faisandé.
Quelques menus désagréments
La bougeotte chronique de mes parents a eu des conséquences plus ou moins sympathiques : il nous est arrivé de changer de ville en cours d’année, et croyez-moi, le fait d’arriver en plein second trimestre dans une classe déjà formée est à peu près aussi agréable que de s’épiler les poils du rectum avec un cure-dent (NB : n’essayez jamais – vous le regretterez). Le pire n’était jamais le départ, mais toujours l’arrivée : je ne me suis jamais sentie aussi seule que lorsque je débarquais dans une maison aussi vide que nue, et que tout était à recommencer. Avec le temps, j’ai même fini par avoir peur de me faire de nouveaux amis, sachant que, tôt ou tard, ils me seraient enlevés.
Autre grand regret : je n’ai ni racines, ni terroir, et c’est toujours avec une pointe de jalousie que je vois mes amies partir gaiement dans leur « maison de famille », où elles retrouveront les souvenirs de leurs ancêtres et une ribambelle de petits cousins. J’aimerais beaucoup dire quelque chose comme « Tel pays est la terre de mes aïeux, tel village est le berceau de ma famille », entre autres lieux communs d’une effrayante banalité. Mais c’est impossible. Je n’ai ni terre, ni passé auquel me raccrocher : d’une certaine manière, c’est mieux ainsi. Lorsqu’on vient de nulle part, on est libre d’être de partout.
Avantages, quand même.
Cela étant dit, ma situation a du bon. J’ai des amis et des ex aux quatre coins de la France, ce qui est bien pratique pour passer des vacances en bonne compagnie. Je suis capable de m’adapter à tout pays et à tout biotope – car après avoir survécu au Béarn, je pense être en mesure de vivre en Terre-Adélie ou en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Championne hors-catégorie des numéros de départements et des indicatifs téléphoniques, je suis promise à une splendide carrière de winneuse à qui-veut-gagner-des-sousous / prof de géo acariâtre / guide touristique pour touristes japonais en goguette. Je préfèrerais être dictateur du Creusistan, mais bon, on a jamais tout c’qu’on veut dans la vie, ma bonne dame.
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Les Commentaires
En tout cas si certaines madz peuvent m'aider je suis preneuse ! merci à vous